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24 janvier 2018

Au temps des "tueurs de lions" !

Un récent roman (2008) d’Olivier Rolin redonnant vie à un personnage haut en couleurs du XIXè, Eugène Pertuiset également rendu célèbre par un fameux tableau de Manet ( 1) nous renvoie dans une intéressante période où la chasse coloniale était censée apporter la « civilisation », le « grand chasseur blanc » devenant dans l’imaginaire collectif un héros libérant les populations sauvages de bêtes aussi agressives qu’imposantes.

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L’instauration du permis de chasse datait de 1844, les 76 000 chasseurs d’un pays où dix ans plus tard, loups et ours commençaient à disparaître du paysage, la « sauvagerie » s’exporta donc ailleurs. Dans l’Algérie qui venait d’être conquise Jules Gérard  (1817-1864) qui servit à Daudet de modèle pour son célèbre « Tartarin » s’y faisant une réputation de spécialiste du lion, populaire suite à ses premiers récits (1855) où il fit la Une du « Monde illustré » en 1857. Charles Bombonnel  (2)  y traquait, lui, la panthère et Adulphe Delegorgue  (3) plus au Sud dans l’Empire colonial français naissant, l’éléphant et le rhinocéros.

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Les exploits des Britanniques dans leur pré carré firent des relations plus techniques de ces hauts faits, certains d’entre eux (Samuel Baker, R.Gordon-Cumming), et surtout W.Bell et F.Selous étant d’anciens militaires autant explorateurs que chasseurs. Leurs exploits relevaient aussi d’armements exceptionnels comme les fusils « à éléphants » qui apparurent fin XVIIIè et demeurèrent inchangés jusqu’en 1870. Pesant 7 kgs, ils tiraient une balle ronde de…100 grammes soit donc trois de nos gros balles Brenneke ! Le premier exploit était de s’approcher assez près, de bien viser, de résister au recul qui, malgré le poids de l’escopette vous expédiait neuf fois sur dix « sur le c…l ». Et dans l’épais nuage de poussière et de poudre noire mélangés, il importait de se mettre vite fait à l’abri si le fauve, seulement blessé,  se mettait subitement à charger !

pertuiset 001

Dans ce paysage, Eugène Pertuiset (1833-1909 ci-contre à g. ) prend une place à part puisque qu’il fut le plus renommé des tueurs de lions français…qui n’en tua, en fait qu’un seul ! Peintre à ses heures, ce qui explique son portrait désormais célèbre par Edouard Manet, il fut l’ami du Tout Paris. Bon vivant, c’était la terreur des palaces où il descendait en grand équipage, carbonisant d’immenses havanes, terrorisant les maîtres d’hôtel et les sommeliers. Vendeur d’armes et inventeur comme on va le voir plus loin, il explora aussi (1873) la Terre de Feu au Chili, la publication de ses aventures picaresques en 1878 lui donnant une aura qu’on aurait bien du mal à comprendre aujourd’hui.

Jules_Gérard_(3)

Son mirifique « projectile explosif » (brevet du 26 mai 1868) devait fonctionner sans amorce percutante ou tout dispositif à mèche (un peu comme les grenades d’autrefois si on veut), la chaleur développée à l’impact devant faire détoner un mélange de deux parties de chlorate de potasse (4), une de soufre, le reste en poudre noire et en « noir animal » le tout, on s’en doute à mélanger avec précautions. Cet explosif étant isolé du corps de la balle avec une cire spéciale.

Adulphe_Delegorgue

Pour séduire Napoléon III et tenter dans la foulée de lui vendre la licence de sa « cartouche explosive » il lui offrit la fameuse peau de lion, mais la réponse du monarque tardant à se faire connaître, il menaça même « de la vendre à une puissance étrangère », ce qui, alors que les nuages s’amoncelaient à l’Est avec les menées de la Prusse de Bismarck, jeta  bien sûr un certain froid. Sans se démonter, prétextant de disposer plus convenablement la peau du lion afin qu’elle fasse plus d’effet, il récupéra son bien manu militari à la barbe des fonctionnaires des Tuileries bien en peine de s’opposer à un tel féroce « tueur de lions » !

1/ Ce tableau (1881) se trouve désormais au musée de Sao Paulo.

2/ Aventurier et libraire dijonnais (1816-1890), où une rue porte son nom du fait de sa conduite à la guerre de 1870 où il fit le coup de feu avec une troupe de volontaires locaux. Son « Bombonnel, tueur de panthères » fut  régulièrement réédité jusqu’en 1924

3/ 1814-1850 : il mourut des fièvres au retour d’un de ses voyages et son corps fut jeté à la mer ! Un collège porte son nom près de Lens. Ci-contre à g. A.Delegorgue, et au-dessus  à dr. Jules Gérard qui mourut noyé lors du passage d'une rivière au Sierra Leone. 

4/ Les propriétés du chlorate de potasse étaient connues par les travaux de Berthollet (1788) à une époque où  on pensait déjà le substituer au salpêtre pour faire de la poudre noire. On le stabilisa un siècle plus tard en y ajoutant de l’huile de ricin, du dinitrotoluène, de la nitro-naphtaline dans l’usine savoyarde de Cheddes…Eh oui, mes bons amis, c’est de là que vient la fameuse marque « cheddite »que l’on voit au culot de nos cartouches !

 

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