Tir : faut-il, ou non, "donner de la bande" ?

C’est un terme qui, pour la navigation de haute mer pourrait s’avérer dangereux, prenant cependant pour les tireurs une toute autre signification. A la chasse on a guère le temps de gloser sur ces données techniques nées, dans les années soixante de l’arrivée des premières bandes « ventilées » sur les fusils de chasse.

L’utilité d’ailleurs, dans ce domaine purement cynégétique est toujours discutable puisque le but initial était d’éviter les distorsion thermiques, le fameux effet « mirage » quand on tire beaucoup sur les pas de tir, et aussi de mieux détacher les canons de la cible dans certaines conditions de luminosité. Les autres aspects positifs, garder la tête haute et les yeux au niveau de la cible sans bouger la tête sont d’autres éléments de confort qui ne se comprennent encore qu’en usage compétition. Ce dernier critère peut-être plus ou moins utile à la chasse, était réglé autrefois par les fusils dits « pentés », certaines marques accentuant ce caractère plus que d’autres. A ce moment les points de mire étaient petits, la plupart les ignoraient, on « jetait » son coup de fusil au moyen, juste au-dessus de la bascule, de visières qui avaient en outre l’intérêt de faire « monter » le tir, ce qui était particulièrement intéressant à la plume dont la course est, le plus souvent ascendante.

« Donner de la bande » est donc plutôt un terme de tireurs, cette dernière, plus ou moins découverte, permettant de réduire le mouvement vers le haut, de prendre la cible plus vite pour s’ajuster sur son mouvement, la souligner, puis la dépasser pour effectuer un tir avec déflexion qui anticipe sur la trajectoire du plateau. Les buscs réglables jouent en premier lieu pour bloquer le mouvement immuable entre l’œil et la crosse. Ensuite il s’agit de jouer, sur les fusils de sport, de l’alignement entre le guidon intermédiaire et celui qui se trouve au bout du canon pour former un « 8 » plus ou moins étiré. Nous sommes là dans une théorie qui, selon les effets de mode, a vu la bande se surélever de plus en plus pour imiter les champions qui se présentent parfois avec des armes surmontés de véritables viaducs ou de pistes pour trains miniatures !

Certaines armes sont vendues avec des bandes hautes ajustables dont il n’est pas sûr qu’un tireur disons "moyen", arrivera à tirer véritablement parti. Nous sommes là dans une pure stratégie de marketing où les fabricants mettent à disposition du débutant un outil certes perfectionné, mais dont il n’aura pas, initialement,  le mode d’emploi. Comme mettre de volant d’une formule 1 dans les mains d’un jeune qui vient d’obtenir son permis !

Quelques vieilles astuces cependant restent toujours valables pour le commun des chasseurs et tireurs de ball-trap d'occasion : un gros guidon, (ou un de ces nouveaux, luminescents en fibre qui prennent la lumière), fera baisser le tir à l’inverse d’un fin guidon d’origine car on aura plus tendance à tirer en « soulignant » plutôt qu’en « surlignant » comme avant, dans le mouvement. Autre constante bien connue des armuriers, le tir « pleine bande » ou au ras qui donne un visé-touché à 35m. change déjà pas mal si on ne donne que 4mm de bande supplémentaires, ce que vous pouvez visualiser facilement chez vous, en empilant par exemple deux pièces d’un euro, et en levant tout doucement la tête pour finalement apercevoir le guidon tout au bout des canons. Avec un canon standard de 70 cm, la gerbe, au tir, montera d’une bonne vingtaine de centimètres, et nous sommes là exactement dans tout l’effet recherché par ces bandes hautes qui ne sont que des artifices mécaniques pour le rendre automatique, instantanément reproductible à l’infini, et ne pas avoir à réfléchir à chaque fois que l’on est prêt à crier « pull » !

Sur ce sujet, on trouve sur les sites techniques de tir, des discussions infinies où, comme en politique, on ne cherche pas vraiment la vérité, mais une version de celle-ci en accord avec ce que l’on ressent déjà comme vrai pour soi…et parfois à tort ! Indépendamment des logiques implacables de la balistique certains se raccrocheront toujours à tout ce qu’on va leur proposer, et les fabricants là-dessus ne seront jamais avares d’innovations techniques, se rapprochant de ces « fausses bonnes idées » qui malheureusement pour nous, se paient toujours au prix fort chez l’armurier.