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8 octobre 2018

A la poursuite du lièvre cornu

C’est la pleine saison de la chasse à lepus timidus qui porte bien son nom tant il est difficile à débusquer, sait se faire oublier au coin de la jachère, mais que dire s’il devenait tout à coup porteur d’organes agressifs, prêt à charger ?

 

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C’est une vieille histoire qui a connu son épilogue en 1933 grâce aux avancées de la science, mais qui a agité le landerneau des naturalistes et des chasseurs plusieurs bons siècles auparavant. Les premiers observateurs comme Conrad Gesner et Ulysse Aldrovandi citent des observations de lièvres dotés de cornes de chevreuil, mais c’est aussi fin XVIè l’époque des premiers « canards » imprimés tenant lieu de journaux diffusant toutes sortes de chimères, un peu dans l’esprit conspirationniste d’aujourd’hui.

Mais l’abondance de témoignages comme le polonais Jonston qui parle de « lièvre cornutus » est confronté à ceux de chasseurs qui font le rapprochement avec les anomalies des bois de cervidés, particulièrement les chevreuils liés à des lésions sexuelles. C’est aussi l’époque des premières tentatives de classement des espèces où le lièvre est plus ou moins considéré comme hermaphrodite (1). En témoigne le récit de cette ambiguïté par W.Van Heppe en 1779 qui avait récupéré, via un garde « …un vigoureux bouquin qui avait sur la tête deux petites cornes entre les oreilles. Vidé, il portait tel une lapine, quatre petits qui auraient dû naître au maximum huit jours plus tard. Nous l’avons soigneusement examiné mais n’avons pu trouver le moindre indice que ce lièvre était hermaphrodite à part des tétons fortement gonflés de lait ».

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Le grand Buffon lui-même y crut lui aussi, plaçant cet animal fabuleux en Norvège, les cornes ayant poussé à cause du froid et de l’alimentation ligneuse…de même nature que celle des rennes : « la Nature ne connait pas de lois, et donne parfois naissance, contre son habitude à des poulets, des chiennes, des chevrettes, et donc pourquoi pas non plus à des lapins-cerfs cornus ». Le fait que Rabelais avait déjà cité dans Gargantua des « lièvres cornuz », fit tourner un peu l’affaire en farce comme le confirme Mathurin Régnier « en notre humeur les brouillards nous embrouillent, et de lièvres cornus, le cerveau nous barbouille ». La Fontaine lui-même y mit sa patte : « un lièvre apercevant l’ombre de ses oreilles, craignit que quelque inquisiteur n’allât interpréter à cornes leur longueur ».

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Dans l’esprit un peu de la chasse au dahu, les  allemands donnèrent même des noms (Rasselbock et Wolpertinger) à ce qui semblait des enfantillages résumés avec humour en 1817 par le garde général des eaux et forêts « il y aurait partout des lapins cornus, mais on en voit aussi beaucoup sur deux jambes » ! On en serait restés à ces considérations humaines du genre « qui va à la chasse, perd sa place », si avant-guerre des chasseurs un brin taxidermistes de la ville de Douglas dans le Wyoming, n’avaient relancé l’affaire en bricolant un « Jackalope » (mélange de Jack Rabbit, notre Jeannot lapin, et antilope) qui est devenu l’image de marque de la ville, et fait même l’objet d’un festival de bouffonneries où se mêle la dérision et l’attrait touristique, un peu dans la veine du bigfoot dans les états de l’Ouest (Oregon, Washington) ou du fameux monstre du loch Ness en Ecosse. La science a eu raison de toutes ces balivernes en confirmant en 1933 avec la découverte du papillomavirus de Shope l’existence de tumeurs cornées qui donne cette allure étrange à la fois aux lapins et aux lièvres. Avaient elles besoin de ça nos braves bestioles qui ont déjà tant donné dans toutes sortes de maladies, de la myxomatose à la leptospirose…

1/L’affaire provenait de la reprise par les premiers anatomistes de légendes arabes du Livre de l’utilité des animaux : « on dit que le lièvre du sexe noble porte les petits dans ses entrailles » (A.Neckam début XIIIè). Bien plus tard certains médecins comme J.Daléchamps en 1570 dira avoir disséqué plusieurs lièvre en lesquels il avait trouvé la marque des deux sexes. Buffon avait déjà remarqué derrière nombre de chasseurs que si les organes du mâles sont bien visibles en période de reproduction, il n’en est plus de même en hiver où ils se logent dans un repli situé à l’intérieur du ventre, et il est alors bien plus difficile de distinguer la hase du bouquin.

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