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26 février 2019

La brisée du chasseur

Sans entrer dans l’imitation de ce qui se passe en vénerie voire dans l’Est où l’empreinte de la chasse allemande est forte, il n’est pas inutile, dans nos battues, de plus en plus nombreuses avec l’arrivée du sanglier, de respecter quelques honneurs simples à rendre au gibier et aux chasseurs.

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Les bienfaits en battue, de la civilisation moderne (téléphones, talkies, etc.) ne doivent pas nous faire oublier que le chasseur est un des derniers représentants de l’humanité qui permet à la civilisation de garder un lien avec le monde sauvage. Rendre les honneurs c’est magnifier un ensemble de gestes et de comportements qui, dans nos modestes chasses communales ne peut certes reprendre tout le faste de certaines grandes adjudications qu’imposent d’impressionnants tableaux. Mais voyons ensemble ces quelques petites choses qui peuvent encore nous lier avec la Tradition.

La « dernière mangeure » gagne du terrain et c’est assurément le premier pas vers cette démarche de respect d’un animal qui, quelques instants auparavant courait en toute liberté, ne demandait rien à personne, et auquel on a subitement ôté la vie. Ce n’est pas un geste anodin, et il mérite, en son for intérieur quand le canon fume encore, solennité et réflexion. Même en cas de tir compliqué, pas de joie débordante : on se satisfait d’avoir tiré juste ou « ben drêt » comme disaient nos anciens, et si bien exécuté, de près, sans même qu’il y ait eu la nécessité de daguer, on a juste la satisfaction du devoir accompli. Le plan de chasse avance, il a été respecté à la lettre dans le choix du gibier , et c’est fortbien ainsi.

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Le rite de la « brisée du chasseur » devrait se faire plus souvent, car il est simple, cordial, et c’est une reconnaissance et surtout, un temps d’émotion dont se souviendra longtemps (1). Il faut donc revenir sur la notion de « brisée » dont relève d’ailleurs également la « dernière bouchée » laquelle, en théorie, ne concerne que les animaux mâles à sabots. Biches et chevrettes devraient donc en être exclues, sinon à leur déposer la brisée sur l’épaule droite, les feuilles vers la tête.  Il doit s’agir d’une essence noble (chêne, épicéa, pin, sapin, aulne, mélèze) qui doit être brisée à la main et non au couteau. Cette branchette relevait autrefois de neuf signes discrets de communication entre chasseurs : grande de la longueur d’un bras, le début du rameau raclé on la laissait au sol ou dans un arbre pour attirer l’attention, montrer une direction, ou encore en la plantant dans le sol, le lieu d’impact ou d’anschüss, facilitant ainsi ensuite la recherche au sang. En cas de danger proche (piège, trou d’eau) on l’enroulait en cercle et on la suspendait à une branche basse.

Dans les grandes chasses impliquant des cérémonies liées au tableau la brisée se remet devant l’ensemble des participants, une seule même si on a tué plusieurs animaux, les sonneurs accompagnant la remise des fanfares appropriées. En ce qui concerne nos humbles chasses communales elle est remise par le président, le directeur de chasse, le chef de ligne, le guide (lors des chasses d’approche en été) soit en fin de traque ou de chasse. On se découvre, l’autorité locale trempe légèrement le rameau dans le sang encore frais de l’animal et le remet avec les félicitations d’usage, le récipiendaire échangeant une poignée de mains avec le remettant. La tradition veut que ce rameau repose sur une dague, un couteau à dépecer, ou en l’absence, un couvre-chef. Si l’animal a été blessé, et retrouvé soit par une recherche au sang, soit bien plus loin, grâce aux chiens, le tireur partagera sa brisée en deux avec le conducteur ou le chef-piqueux qui la fixera au collier du chien au précieux nez.

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La brisée se porte côté droit (2) du chapeau ou de la casquette, uniquement le jour où la pièce a été abattue. Les jeunes chasseurs pour leur premier animal font l’objet d’un « baptême » où l’on trace sur leur front une croix avec le sang et en plus de la brisée on leur remet une touffe de soies (pour le sanglier) ou de poils de l’animal à sabot. Tout cela s’accompagne bien sûr de fortes félicitations pour encourager le jeune impétrant à persévérer toute sa vie dans la voie de St-Hubert, et de nombreuses libations accompagneront tous les toasts devant être portés de la main gauche. Quelques belles voix dans la compagnie pourront alors entonner « …les honneurs nous lui les sonnons en chœur, car c’est un grand veneur qui a conquis les âmes et les cœurs. La compagnie est très fière de le voir, c’est un heureux présage qu’il soit y à nos côtés ce soir ».

En principe « qui tue, vide ». Mais s’il existe, et c’est souvent le cas dans nos campagnes, des spécialistes de la chose (anciens bouchers notamment qui expédient en une demi-heure là où un débutant y mettrait l’après-midi !), l’heureux tireur se doit de les assister, ne serait-ce que pour examiner attentivement le cheminement de ses tirs. Avant de prendre congé, parmi les derniers, car une invitation s’accepte dans son ensemble sinon on la décline, l’heureux tireur ne manquera pas de remercier la direction de chasse, le garde s’il y en a un, le maître de meute, car sans les chiens…il n’y aurait pas de chasse !

1/Pour l’auteur, qui s’en souvient comme si c’était hier, c’était il y a bien longtemps, pour avoir mis fin alors qu’il était seul, (à « Couillonville » et au bout du monde !) de la longue cavale d’un vieux charbonnier chassé à vue par la meute et qui avait déjà pris 5-6 coups de fusil. Le néophyte de l’époque fut bien benêt quand il vit s’approcher, spectacle épique et inattendu pour un jeune chasseur débutant, le piqueux, chapeau à la main, tous les chiens ameutés autour de lui, la brisée à la main…

2/En opposition à la brisée de deuil qui se porte côté gauche du chapeau, et que lors de la mise au tombeau on prend de la main gauche pour la porter au cœur et la jeter ensuite dans la tombe en dernier hommage à un vieux compagnon disciple comme nous en St-Hubert. Quand c’est possible, s’il y a des sonneurs, les cors sonnent alors hallali et fin de chasse.

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