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FCM 25.00
25 août 2019

Carabines : les actions "courtes" sont à la mode, que faut-il entendre par là ?

Il faut bien se le dire pour les gens de la génération de l’après-guerre, pour qui n’existait que le brave 7X64, les définitions subtiles anglo-saxonnes n’étaient pas encore à l’ordre du jour, mais elles ont fait du chemin pour entrer dans la culture, et sont devenus des arguments marketing auxquels il est bien difficile de ne pas succomber.

Mauser

 

Par « action courte » il faut entendre un terme popularisé après 1952 par le 308 Winchester, mais c’est en fait une notion plus ancienne puisque Mauser dès 1898 proposait un « kurz » en 6,5X54 K. (Voir ci-contre à g.) D’autres mentions (magnum, standard, court) eurent cours ensuite, mais pas vraiment standardisées, la plupart des marques se contentant du standard, boitiers et magasins étant raccourcis et ajustés aux besoins. Remington n’afficha la spécification qu’en 1948 (pour le modèle 722) en 275 Roberts et 300 Savage, et Winchester encore plus tard (1980) pour le mod.70. Encore faut-il aussi s’entendre sur ce qu’est « l’action » de l’autre côté de l’Atlantique : c’est-à-dire l’ensemble percuteur, verrou, détente et toute autre pièce impliquée dans la manœuvre de recyclage du tir.

L’action magnum se définit autour du 375 HH et plus, normalisé à 3,6 pouces, les plus célèbres précurseurs étant les premières munitions Weatherby ou le  Remington Ultramag. L’action standard est autour du 30-06 (3,340 pouces), on y trouve le 7 Rem mag, le plus fameux étant le 300 WM, mais quelques « magnums » plus courts au départ comme le 375 Ruger peuvent y entrer. L’action courte est établie à 2,8 pouces, la plupart du temps en raccourcissant le 30-06, le plus emblématique étant le 308 W, mais on y trouve aussi le 260 Remington, le 7.08 Rem, le 338 Federal, et bien sûr le petit nouveau dont on parle beaucoup actuellement, le 6,5 Creedmoor. Il y a même désormais des actions « mini » à 2,36 pouces pour les 222-223 Rem, 204 Ruger, 7,5 Grendel, et même 7,62X39, vous l’aurez reconnu, c’est ce que tire la fameuse « kalache ». Ci-dessous à dr. une autre action courte le 6mm BR)

6mm BR

On peut penser que ce sont les critères de poids réduit, de maniement lié au canon plus court, de l’emport accru de munitions (qui avaient d’ailleurs séduit prioritairement les militaires quand le 308 devint calibre OTAN pendant la Guerre froide) dont pourraient s’accommoder les chasseurs baroudeurs ou voyageurs, mais quelques atouts supplémentaires devraient nous faire dresser l’oreille. C’est en effet le calibre habituel des tireurs d’élite des forces de sécurité et militaires dans la fourchette 600-900m, mais surtout de nombreux records du monde de bench rest sont tombés avec cette action courte qui offre une combinaison de petits avantages balistiques lesquels, ajoutés, font la différence. Le boitier, ramassé est plus rigide et solide, il y a moins de pièces plus légères en mouvement comme le déplacement du percuteur sur moins de distance, de vibrations, un temps de verrouillage réduit. Les fabricants de cartouches collent plus à l’action avec moins de poudre donc moins de recul et d’usure du canon, la petite amorce étant proche de la colonne de poudre offrant une combustion instantanée et moins de flash.

Face au 30-06 par exemple, bien que ce dernier ait tout balayé devant lui notamment en France depuis 2013 avec ses dizaines de chargements de 100 à 220 grains (et même en express !) le 308 Winchester est plus populaire en Allemagne, devant même le 7X64 et le 8X57, calibres « allemands » par excellence. Le 308W tire les mêmes balles (entre 8 et 13 grammes) mais dans une douille réduite de 63 à 51mm tout en étant plus précis et plus doux au recul au détriment de la vitesse (- 5%) et de l’énergie (-7%).

Les avantages de cette action courte ne valent bien sûr que sur la répétition, les seules limites étant  d’inciter peut-être à « allonger » le tir, et sur gibiers dangereux, de trop vite se lâcher sur le cycle rapide, mais à ce niveau le nombre de calibres concernés est assez faible, se réduisant au 358W ou 35 Rem.Mag.

L’engouement actuel (et à venir sans doute ?) pour le 6,5 Creedmoor incite à se pencher sur ce que peuvent apporter à la chasse ces boitiers « courts » théoriquement synonymes de moins de poids. Mais en quoi sont-ils supérieurs ? Tirent-ils plus vite, plus loin ?

On l’oublie un peu, le concept de cette « action » un terme auquel il va falloir s’habituer et qui, dans le contexte anglo-saxon, signifie boitier plus culasse, est assez ancien. Mauser, on l’a vu, le fit déjà en 1898 (pour le 6,5X54K, 250-3000 Savage et 8X51K) mais sans que ça focalise plus que ça l’attention car la longueur de l’action importait peu à ce moment, dans nombre de carabines à un coup, par exemple à bloc tombant ce qui n’obérait pas la longueur du canon. Quant aux armes à levier, elles s’adaptaient tout bonnement à la longueur de la cartouche, pour aller par exemple même maintenant jusqu’aux Magnum avec la Browning BLR. A cette époque, les petites cartouches rapides genre 257 Roberts et 220 Swift n’étaient pas vraiment non plus normalisées et on les faisait tirer par des carabines à chambres standard dont on faisait évoluer les dimensions au coup par coup.

images

C’est en 1952 et l’avènement du 308 Winchester ou 7,62X51 OTAN en raccourcissant le 30-06 pour arranger la dernière mouture du Garand, faciliter la fonction « automatique » et permettre au soldat d’emporter plus de munitions, qu’on se mit vraiment à cogiter sur ces boitiers courts, censés également, on va le voir plus loin, améliorer la précision. Mais on mit un peu de temps à accorder les violons car si certains y avaient déjà pensé dès 1948 comme la Remington 700 pour tirer le 300 Savage ou le 257 Roberts, et d’autres bien plus tard comme Winchester à partir des années 80, il n’y avait encore rien de normalisé. La firme d’Ilion le faisait en 2,84 pouces, celle de Newhaven en 2,875, Mossberg en 2,868, Kimber en 2,812 !

Néanmoins, le succès du 308 Winchester, notamment en précision intrinsèque, puisqu’utilisé par les « snipers » un peu partout, amena les constructeurs à se lancer dans le parti pris technologique de l’option courte, pour se concentrer ensuite sur des cartouches véritablement adaptées au besoin de précision. C’est exactement ce qui se passa au début des années 2000 pour le 6,5 Creedmoor, vite évadé des champs de tir du bench rest, tir à très longue distance (excédant 600 m.) pour aller titiller le monde des chasseurs.

Pour ces derniers, l’argument le plus visible est celui qui avait attiré l’attention des militaires : gain de poids, arme compacte, plus d’emport. Celui de la précision, moins évident mérite néanmoins qu’on s’attarde sur les données techniques originelles de l’action courte. Il s’agit d’une taille de boitier certes adaptée et au plus près de la taille de cartouches nouvelles faites exclusivement pour ça (284 Winchester, 300 WSM, 6,5X284 Norma), mais aussi de toutes les pièces qui vont avec : percuteur, verrou, système de détente. C’est un ensemble cohérent qui peut permettre de gagner 115 grammes, un réarmement plus court de 12mm et donc plus rapide, mais aussi d’avoir un boitier plus solide avec moins de flexion, un déplacement de percuteur plus court, ce qui a un impact positif sur les vibrations du canon et minimise le fouet de ce dernier. Autre effet important pour les industriels, avec moins d’usinage et de métal...on gagne aussi un peu de sous sur la production !

La cartouche en elle-même n’a pas à s’adapter à une arme puisque, au contraire, c’est cette dernière qui s’est ajustée à une cartouche donnée, avec un espace maximisé pour asseoir des balles à coefficient balistique élevé. Elles sont poussées par moins de poudre (donc moins d’usure) l’efficacité de combustion étant boostée car le centre de la colonne qui est au plus près de l’inflammation instantanée d’amorces plus petites. Moins de flash et de durée de combustion au profit d’une plate-forme plus rigide, il n’est donc pas étonnant que la plupart des records du monde de tir longue distance aient été glanés avec ces actions courtes qui se généralisent de nos jours à la chasse, même avec des canons eux aussi réduits en longueur. Certaines marques proposent même maintenant des munitions spéciales "canons courts". 

En effet, plus léger, facile à transporter, un canon court est également potentiellement plus précis car offrant moins de flexion, de vibrations harmoniques et de fouet à la bouche. Les inconvénients sont bien connus : moins de vitesse car pour un pouce (25 mm) de moins, la vitesse baisse entre 8 et 16 m/s, ce qui peut bien sûr varier en fonction du volume de poudre et de sa vitesse de combustion, les imbrûlés pouvant occasionner flammes, souffle et bruit supplémentaires. Mais à 300 m. la balle d’un canon de 45 cm ne tombe que de 2,5 cm de plus que celle d’un canon de 60 et la dérive idem. Nous sommes donc largement en-deca d’une perte de performances rédhibitoire pour un bon placement de la balle aux distances usuelles du tir de chasse.  Voilà qui devrait donc rassurer les chasseurs qui privilégient la mobilité et le confort de manipulation qu’offrent ces armes à la mode.

 

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