Tirer parti du "vintage" ?
D’obsolètes à ringards, obtenus pour une bouchée de pain on a tous débuté avec…et toujours autant de mal à les faire tirer juste ! Ces juxtaposés en 16 ne disposaient pas de charges lourdes (1) ni de chokes réglables étant, en plus, abominablement serrés. Boitier jaspé, double détente, crosse demi-pistolet, longue soie de pontet, devant à « capucine », toutes vis alignées et festonnées en virgules, ces armes « cool » dans un calibre de « gentleman », mélange équilibré de puissance et d’élégance ne sont pas là que pour la nostalgie, mais faut s’y faire…
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C’était le fusil à tout faire familial qu’on se transmettait car il s’adaptait aux chasses de l’époque, à la billebaude devant soi : juxtaposés de légende stéphanois de l’âge d’or du fusil vraiment « français », classiques dans leur look suranné dont le public et surtout le style de chasse a disparu. Sur une heure et 3 km de marche, le chien en faisait 10, on pouvait ne rien voir, et c’est donc qu’on n’avait juste pas assez battu de terrain ! Sur une demi-douzaine d’oiseaux levés (déjà des « cocottes » en 1970) seulement la moitié était tirable, et en prélever un ou deux chiffre souvent d’ailleurs dans le bag-limit communal acceptable. Déjà ce n’était plus comme la génération de l’après-guerre « faire ses courses » pour améliorer l’ordinaire et on profitait du temps passé avec les chiens, puis on allait vite aux superposés et « automatiques » car, mono-canons, ils facilitaient le tir des débutants que nous étions.
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Pour la plupart qui, comme nous ont un niveau moyen, il faut tirer toute l’année, et dans une région de gibier d’eau comme ici (2) nous avions immédiatement plus de succès aux canards sur leurres et appelants car on avait plus le temps de se préparer sur des « traversards » arrivants que de tirer en panique sur un faisan s’éloignant à tire d’aile et en fracas, en plus sous les yeux des copains goguenards. Cinquante ans plus tard, et une bonne demi-douzaine de ces outils dans les deux calibres 16-12 au râtelier, on bute toujours sur la même chose dès le départ, sans même parler du plan de canons qui est encore une autre chose (3) : une conception de crosse ancienne plus pentée et avantagée.
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Ces trois centimètres plus bas que les crosses modernes avaient pour but d’élargir le champ de vision de 30° dans le quadrant inférieur droit, et réduire le recul par rapport aux crosses modernes droites, ce qui facilitait la transition en douceur et sans interruption entre les deux coups. Un gain de temps pouvant certes apparaître comme minime, mais possédant une origine historique : celle des fusils des « sportsmen » britanniques sur les battues de faisans à fort volume de tir. Chaque fraction de seconde, grignotée sur la transition vers le second tir, pouvant faire gagner 5-10 m et rester « in » là où le voisin était « out ». L’autre atout et c’est sûrement ce qui milita pour la transition vers tout le système « Boxlock » Anson-Deeley répandu dans toute l’Europe, était de voir 80% de la gerbe frapper au-dessus du point visé, ce qui est judicieux à la plume sur la phase d’essor des faisans-perdrix, et même au poil sur des tirs lointains ou fuyants. C’est un des défauts des crosses modernes de rater « devant »…mais en fait « dessous » sur un gibier qui s’éloigne.
C’est ce qui explique aussi la faveur du calibre 16, ni magique ni parfait, mais à un bon niveau de compromis confort-portage en zone rurale dans une époque où on tirait plus dans la journée et où nos devanciers n’avaient pas notre carrure. Le cadre plus petit, les canons légers emmenaient une charge utile (28 à 32 grammes) bien suffisante face au 12 (28 à 39 grammes), sa charge « carrée » étant bien plus efficace que les petits snobinards (4) 20-28 et que dire du 410 ! L’erreur que nous avons tous faite, étant un peu installés dans la vie et dans la chasse, d’acheter et d’utiliser (à l’époque où les formalités étaient il est vrai moins contraignantes), de nouvelles armes pour des solutions seulement temporaires.
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Au fur et à mesure qu’on gagne en expérience on finit par privilégier un certain type de tir qui nous va bien, ne pas tirer naturellement « queue-tête-pan » comme le préconisent les manuels, intercepter « à la Churchill » (5), ou tout bêtement faire « corps plein-bec », concentré sur la tête de l’oiseau les yeux rivés sur ce qu’on veut toucher. On peut donc revenir sur le tard et chasser avec classe avec une arme classique facilement addictive car facilement accessibles et d’une grande qualité de fabrication et de maniement, même si au tir, c’est autre chose…Faut se gendarmer, pas trop se mettre la pression en suivant la tradition, et ne pas perdre pas tant que ça en polyvalence avec les chokes fixes et serrés si on sait s’en servir notamment dans l’appréciation des distances…même si la vue, comme tout le reste, baisse avec l’âge ! En plus on ne risque rien à s’y faire des copains comme l’expliquait si bien Gene Hill (6) : « quelle rencontre chaleureuse quand on croise un collègue de passage dont l’arme aux lignes épurées nous murmure à l’oreille que c’est un calibre 16 ». Comme en religion, pour le juxtaposé en seize, on peut être croyant sans être vraiment un bon pratiquant non ?
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1/ Voir archives des 12 janvier 2021 et 17 février 2024 (charges légères)
2/ La Baie du Mt-St-Michel.
3/ Le chasseur voit la cible tout le temps, la souligne, et la plupart de la gerbe arrive au-dessus du gibier qui s’enfuit.
4/ Une étude (2014) de Federal sur les charges « carrées » a mesuré l’efficacité du motif sur un cercle de 90 cm à 40 mètres en divisant le nombre de billes sur la cible par le nombre total contenu dans la cartouche. Le calibre 16 y était supérieur de 7% au 20 et 9% au 28, ce qui est logique car plus vous tirez de billes à partir d’un trou plus petit, plus le motif sera déformé. Le 12 n’entrait pas dans l’analyse.
5/ Voir archive du 17 septembre 2021.
6/ Dans « Shotgunner’s Notebook ».