Trop "court", le 22 Short nous laisse-t-il...en slip ?
Etonnant de voir que ce calibre, précurseur de longue date du Long Rifle (1), se retrouve encore sur les étagères de nos armuriers non ? Jusqu’en 1960 il était moins cher et remplaçait le vrac actuel à 5 euros la boîte pour plinker, réguler, voire tirer en compétition (2) et les carabines « cheap » de l’époque stipulaient bien : bosquettes (3), court, long, et long rifle. Eh bien, justement, comme on possède un de ces rossignols, filons acheter une demi-douzaine de « short » pour voir ce qui se passe.
/image%2F0404899%2F20250425%2Fob_ea71e0_un.png)
Si on examine la balistique des deux munitions, on peut s’étonner d’un tel écart de compatibilité puisqu’on passe d’une balle de 29 à 40 grains, donc plus légère et sensible au vent latéral, qui chute de 4% dès 50 mètres car moins rapide (286 m/s) et presque deux fois moins puissante à cette distance : 70 joules contre 105. Face aux subsoniques désormais nombreuses sur le marché (4) elle ne peut donc rivaliser avec les munitions modernes actuelles pour armes longues. Le taux de torsion universel de 1/16 est un compromis d’ailleurs contemporain du passage au « long rifle » en 1887 afin de stabiliser la balle plus lourde mais surtout plus longue, imposant une rotation plus rapide.
/image%2F0404899%2F20250425%2Fob_612a15_deux.jpg)
Le taux de 1/20 du Short était déjà un compromis entre les poids de balles (29 à 33 grains), celui de 1/24 étant même le mieux adapté que l’on retrouve sur les carabines « gallery » de tir réduit (Winchester 1885, Ballard, Stevens), « pompes » Winchester 62 ou 90 (photo ci-dessus) ou sur celle plus grand public de la semi-auto FN conçue par J.M. Browning. Comme l’ont prouvé les travaux de Scott Volquartsen, le spécialiste des canons custom 22, ces histoires de taux de torsion sont moins importantes que les problèmes de chambre, et du « saut » de la balle avant de prendre les rayures, né de l’espace libre bien plus important avec le Short qu’avec le Long Rifle. Pour ce dernier d’ailleurs, les armes « match » visent à le réduire au minimum, c’est dire !
/image%2F0404899%2F20250425%2Fob_01ead2_quatre.jpg)
La balle, plus courte et légère qui prend plus ou moins bien le chemin du canon après ce saut « dans le vide » pose plusieurs problèmes qu’il faut prendre en compte si on veut utiliser souvent le Short. D’abord la précision, puis les résidus de poudre et de plomb qui vont renforcer l’apparition du fameux anneau de carbone en entrée de chambre, qui rendra l’extraction difficile. Cette pièce sera déjà plus sollicitée du fait de l’étui plus petit pouvant se glisser dans l’intervalle, et l’étanchéité en pâtir, amenant de curieux « retours de flamme » que l’on constate pour les mêmes raisons avec les bosquettes.
Ce phénomène n’est pas innocent, et alerte par des différences de niveau sonore entre les détonations, des particules de poudre et de gaz allant vers le visage (d’où préconisation voire obligation du port de lunettes de protection sur certains stands), des traces de stress et de carbone à hauteur du col du minuscule étui. Les écarts de qualité de fabrication sont aussi en cause : munitions sous-chargées qui empêchent d’obturer ou sceller, laiton trop dur pour se dilater correctement, chambre trop grande pour munition sous-dimensionnée ou abimée par trop de tirs « à sec », comme sur certaines carabines d’entraînement militaires de surplus. A force de percuter à vide, la pointe s’émousse à frapper les bords de la chambre qui se creuse de son côté, d’où les « fuites »…Problème à solutionner, dès qu’il apparaît, c’est-à-dire assez souvent quand on passe du Long au short (5) en couvrant la culasse d’un bout de tissu à portée de la main : gant, lingette.
/image%2F0404899%2F20250425%2Fob_0c1afd_avant-fin.jpg)
Le bruit moindre n’a plus l’importance qu’il avait dans les années 50-60 où réducteurs de son et balles subsoniques n’étaient pas encore généralisées, mais on fait mieux en puissance que l’air comprimé et pour les nuisibles ça passe encore en étant moins susceptible de percer des trous dans le toit en fibro, et de finir dans le jardin en tirant sur un gros rat noir embusqué au fond de la vieille remise. La précision est beaucoup moins fiable, et ne plus considérer la distance 50 mètres comme point de réglage, plutôt 15-20 m et encore (voir carton ci-dessus à g.) et un groupement d’une dizaine de centimètres voire moitié moins en s’appliquant (6)…ce qui pourra quand même toucher un lapin boulottant vos laitues à 15-20 mètres.
C’était suffisant autrefois pour apprendre aux débutants à bien tirer sans trop de danger et apprécier la distance en tir fichant, par exemple sur une pie voleuse bondissant autour des poussins, mais la précision est loin d’égaler une munition long rifle même médiocre. Reste la nostalgie d’une époque où il existait de belles carabines verrou à chargeurs tubulaires permettant de tirer toute la semaine ( 23 coups ! ) sans recharger, où les « automatiques » (comme cette Gevarm ci-dessous) elles-mêmes étaient compatibles (7). La manipulation actuelle une par une, du petit bougre avec nos vieux doigts engourdis par l’arthrose, nous fait lever nos yeux las « pop…ping…pop…ping» vers cette horloge du temps qui défile, dans un bruit de claquement de doigt, comme la pluie, sur la tôle au fond du jardin, et le temps qui passe…
/image%2F0404899%2F20250425%2Fob_aada73_fin.jpeg)
1/ Voir archive du 2 février 2022.
2/ Le tir olympique de vitesse employa le 22 Short jusqu’à fin 2004, ce qui explique sans doute sa survie face au « Long » (1871 pour encaisser le pourcentage considérable de poudre noire : de 3 à 5 grains), à l’« Extra Long » (1880, 6 grains de PN, mais les premières PSF et une balle de 40 grains). Les Winchester Rimfire et Remington Special identiques (1890), étaient moins abouties et précises que le Long Rifle qui, depuis trois ans, avait déjà gagné la partie.
3/ Voir archive du 15 mars 2022.
4/ Voir archive du 14 avril 2025.
5/ Sans nuire à la sécurité générale de l’arme, le Short ayant une pression admissible moindre que le LR (21 000 contre 25 000 psi).
6/ Les fusils dédiés « gallery » comme le single Winchester 1885 conçu par J.M. Browning pouvaient tenir 3 pouces (7,62 cm) à 50 mètres.
7/ Aucun enrayage par exemple dans un chargeur CZ où les 5 coups s’empilent et s’alimentent sans faille du Long au Short.