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12 mai 2025

Deer...ou beer camp ?

Nous le savons tous, et encore plus depuis la récente législation, alcool et armes à feu ne font pas bon ménage : « …on tire d’abord, puis on range les armes, et seulement après on peut enfiler les sacotins, et passer à la buvette ». Après cette tirade « politiquement correcte » (1) rien n’empêche cependant de tenter de voir ailleurs, faire quelques comparaisons et constater si certaines choses, consommées avec modération, peuvent quand même apporter quelques souvenirs impérissables.

C’est le souvenir de nos quinze ans quand, novice et «mousse » d’un rude équipage de battue, on vous en mettait une autre en main, la « pression » ayant changé de camp, et que la première bière sifflée, les belles histoires de chasse du passé surgissaient lentement en fixant les flammes de la cheminée. On avait, avec les adultes chassé la redoutable « pépie » desséchante des poussières de la traque, on n’osait dire un mot, on attendait fiévreusement le carton vert précieux sésame pour enfin chasser comme les grands, et bientôt le « baptême » de sang plus ou moins bien administré (2)…

Les traditions du « deer camp » qui, parait-il se perdent (3) en Amérique du Nord ont des similitudes avec les nôtres concernant la blonde boisson. Selon les états, la saison du whitetail arrive généralement mi-octobre, le territoire de chasse relevant de transmissions familiales ou de clans de copains en des lieux de rencontre impossibles à recenser qui peuvent aller du petit palace, au vieil autobus rouillé rescapé d’une casse voisine. S’y rendre est parfois toute une aventure avec location de chevaux ou de mulets pour le final, et une logistique importante où déjà les « anciens » se rendent en avant-garde. Il s’agit alors de réparer les dégâts des martres et des souris (4), de prévoir la logistique pour une semaine de promiscuité masculine d’où les enfants de moins de 12 ans (5) sont exclus.

Il faut repérer les coupes, faire provision de bois, le fusil sous le bras ou jamais bien loin car le faisan et tétras sont déjà ouverts, ce qui permet aussi de repérer où sont les cervidés, et de prévoir les postes. Comme le résume R. Wegner (in « Legendary deer camps » 2001) c’est la rencontre « de vieux qui racontent, de jeunes qui écoutent avec des tireurs sérieux pour prélever, des gens fiables pour dépecer, balayer, ou faire la vaisselle, puis les vieux s’en vont et les jeunes deviennent à leur tour ceux qui planifient, et font que tout marche comme avant ». Assez similaire en fait avec ce qui se fait chez nous : « bons gars, bonne chère, des souvenirs à la pelle, arrosés de quelques bières ». Traditions et protocoles évoluent d’un terroir à l’autre dans les honneurs, toasts et célébrations avec quand même généralisation dans 47% des camps américains, de bières « light » : des ales, pilsen, IPA fortement houblonnées titrant peu comme la Bud light ou la Coors Banquet.

Ce sont, comme chez nous des bières « pour la soif » des journées encore chaudes de l’automne finissant dans « l’été indien », que l’on trimballe dans la glacière, et non ces « heavy shots » à charges lourdes à l’instar de certaines grosses cartouches, ou qui « triplent » (tiens, pardi, comme mon « automatique » !). Elles y sont pieusement entreposées (car ce sont des nonnes « trappistes » !) au frais dans la salle d’armes, vieille chapelle souterraine où c’est d’ailleurs aussi souvent St-Emilion qui donne l’homélie pour les hôtes de passage. Aux USA où la consommation d’alcool dans la population est de 20 % inférieure à la France, une enquête récente a montré que 23 % des chasseurs avaient été plus ou moins pompettes à un moment donné, et que ça jouait pour 15 % des accidents. Là-bas aussi, la « collation » dicte la consommation et tous les organisateurs de battues le savent, il n’est pas prudent de reprendre la route ou les armes après avoir cassé la croûte, même en faisant preuve de modération.

Les alcools forts, dans ces séjours de parfois une semaine sont pour le soir, et sans trop en abuser, car il faudra crapahuter le lendemain, sont pour ces moments forts où il n’y a plus besoin de conduire, de porter une arme. Il ne s’agit plus que de prévoir un endroit où s’asseoir, se reposer et se laisser aller en écoutant les copains dire « c’est moi qui raconte » comme chez nous, devant une population vieillissante surveillée par les cardiologues. Ces derniers nous font les gros yeux aux bords de la pente verglacée vers la sénilité, et de vouloir courir encore la « gueuze » (mais plus celle qu’on croit hein !). Mais on peut toujours argumenter que ça fait au moins travailler les reins et la vessie (6), et qu’un rot sonore pourrait bien attirer un gros sanglier sous le mirador, croyant qu’il s’agit d’un congénère ! La Chasse c’est un tout, préparer le casse-croûte et le café, faire une « fouée » dans l’âtre, puis se retrouver avec les copains à échanger des mensonges. Hé les amis, les bons rituels méritent d’être respectés…et suivis, car c’est signe que le Bon Dieu et son acolyte St-Hubert nous aiment, car ils ont eu pitié de nous par ces temps de grande sécheresse, puisqu’il ont inventé la bière !

1/ Avis aux ivrognes, pas question d’aller au poste ou sur le terrain avec un coup dans le nez, on parle ici des fins de journées quand on discute au coin du feu, loin des clichés du fameux sketch de la « galinette cendrée » qui nous fait encore tant de mal.

2/ Une coutume qui date des débuts du culte ancien (VIII è siècle) de St-Hubert, plus ou moins bien subie par les néophytes, la théorie voulant qu’on marque du sang de l’animal de prise, les organes des sens si utiles sur le terrain : nez et sourcils.

3/ Le nombre des chasseurs est passé de 16,7 millions en 1982 à 14,4 millions en 2010, la tradition du « deer camp » subissant les aléas des coupes forestières, et des nouvelles pratiques individuelles comme le tir à l’arc qui se pratique plus longtemps : quatre mois sur la saison, au lieu d’une semaine. Dans le Wisconsin qui a perdu 33 % de ses bois en vingt ans les archers sont passés de 24 % à 48 % des prélèvements de cervidés entre 2002 et 2019.

4/ Piégés le plus souvent avec un seau d’antigel que l’odeur suave attire.

5/ Les enfants n’y sont les bienvenus qu’en apprentissage des us et coutumes permettant que le camp se perpétue ensuite.

6/ Voir archives consacrées à certains « besoins » impliquant la vie au grand air des 8 juin 2017, 8 janvier 2024, 4 décembre 2023.

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