Le sanglier est-il...lunatique ?
L’approche-affût et tout son attirail derrière (vision thermique, carabine had hoc, etc.) aiguise, par force notre curiosité, et doit affiner notre jugement par rapport à la battue classique qui relève plutôt du « coup de pied dans la fourmilière ». La lune dont l’influence est partout reconnue (marées, cycles naturels) peut-elle affecter la chasse du sanglier déjà affligée de paramètres bien particuliers et différents de l’autre grand gibier ?
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A part les cervidés et certains prédateurs (1), le peu de données scientifiques aux résultats souvent décevants ne signifient pas qu’il n’y a pas de corrélation avec les tables solunaires, déjà employées à la pêche et étendues au gibier d’eau. Ces dernières extrapolent sur l’observation des quatre phases : la nouvelle lune, plus obscure qui favoriserait l’activité diurne du lendemain, le premier quartier (moitié droite illuminée) se levant tôt avec plus de nuit au petit matin et des animaux impatients en fin de soirée. Ce ne serait donc pas pour rien que la pleine lune serait dite « lune du chasseur », le dernier quartier (moitié gauche illuminée) brillant tard, causant une favorable chasse du soir et une activité intense avant l’aube.
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La théorie, on le voit serait celle d’une grande activité quand on y voit « comme en plein jour », pour se déplacer et se nourrir, et repérer les prédateurs là où il y en a. Cette différence de luminosité est évidente bien sûr pour ceux qui chassent dorénavant à l’aube et au crépuscule, mais qu’est-ce que ça change pour nous qui devons organiser des battues diurnes qui sont quand même un peu la conséquence de ce qui s’est passé quelques heures auparavant, et dont on suit les péripéties sur les caméras judicieusement placées ?
Il faut aller en Italie centrale (université de Sienne 2019-2020) pour trouver quelques éléments de réponse, de plus très intéressants car impliquant de surcroit la présence du loup gris qui commence à arriver chez nous. L’observation d’un réseau de 25 caméras a permis de constater ce que l’on sait déjà : l’extrême plasticité du sanglier expliquant d’ailleurs la réussite de son expansion, même face à la pression de chasse. Il est bien plus difficile à cerner que le reste du grand gibier car il se déplace plus fréquemment et en groupes serrés dont le nombre attise la méfiance et la sécurité (2). Les stratégies de prévisibilité y sont plus difficiles, il se « cantonne » moins et il a toujours un « plan B » quoiqu’il arrive !
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Du fait de son métabolisme il est animé primo par l’accès à la nourriture et secundo par la tranquillité pour y accéder et vivre sa vie aux conditions les plus favorables (accès à l’eau), faire des petits, s'établir en « compagnie » terme idoine pour cet animal grégaire par excellence. Sa recherche de nourriture étant plus basée sur l’odorat, la luminosité passe au second plan et il est plus actif par les nuits sombres aux ciels nuageux son « pic » d’activité se situant paradoxalement en novembre pile au moment de la pression de chasse maximale de l’autre côté des Alpes comme chez nous ! Pour cette même raison ça se passe plus au crépuscule qu’à l’aube ( souvenez vous de la chanson : "il est cinq heures Paris s’éveille" !), la chute des feuilles l’obligeant, en plus, à effectuer de longues distances.
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C’est donc moins le cycle lunaire que la luminosité ambiante et surtout les « pressions » diverses, de chasse, mais aussi environnementales (allées et venues des agriculteurs, du tourisme, des prédateurs) qui jouent pour les déplacements vers les zones protégées. Les conditions atmosphériques qui nous intéressent au premier chef avec des formules toutes faites (« ils reviennent sur leur pied », se déplacent « sous le vent » etc.) ne les atteignent pas tant que ça. Dans des régions de pluies régulières comme dans notre Bocage de l’Ouest ils s’habituent à la norme, et évidemment par temps chaud, ils apprécieront le calme qui suit l’orage, moins d’ailleurs pour se rafraîchir les idées que pour vermiller dans un sol ramolli…
Grâce aux outils modernes de surveillance, il faut tenter d’identifier des tendances (3), continuer quand même de « faire le pied », trouver des schémas temporaires : ils sont là plus souvent qu’on ne le pense compte tenu des dégâts récents observés pas loin des caméras…qui prennent tout à coup le chevreuil mais plus du tout le sanglier ! Tenu de se déplacer quotidiennement pour manger, il va s’adapter, prendre des habitudes si pas dérangé selon la taille de remise : un fort épais au milieu d’un bois, n’est pas une immensité de maïs ou de miscanthus, et il prendra vite des habitudes s’il n’est pas dérangé.
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Face à un animal qui apprend très vite et nous laisse souvent perplexes, il faut comme lui sans cesse s’adapter sinon il gagnera à tous les coups et plus le dispositif sera lourd et mal organisé il aura des chances de s’en tirer indemne. Ce qui ouvre la voie à de nouvelles pratiques plus souples et légères pour l’environnement social : battues restreintes avec des chiens autres que les grands courants (griffons, drathaars, voire labradors !) offrant des outils supplémentaires dans une boîte déjà bien garnie.
1/ Aux Etats Unis, sur le puma en Californie où l’analyse des contenus stomacaux sur 82 félins ont montré la prédation à 60% sur des animaux domestiques, et non sur la faune sauvage.
2/ L’esprit grégaire de la compagnie réduit ses déplacements aux possibilités des plus faibles (marcassins) et son QI au plus petit dénominateur commun de l’ensemble : le groupe sera moins craintif que les isolés, eux plus prudents.
3/ L’analyse du travail des caméras associées finement au goudron et à un léger agrainage sur une saison fidélise les déplacements et donne une tendance : quand le calme est bien établi il y a 40% de chance de les revoir sous 24 heures, puis 70% sous les 48 heures.