Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
FCM 25.00
10 mai 2024

Qui a tué le juxtaposé ?

Pourquoi nous autres baby-boomers avons-nous abandonné le juxtaposé ? Une question qui nous turlupine d’autant plus qu’en cinquante ans, on en a récupéré quelques-uns sur lesquels on lorgne toujours avec les yeux embués d’un brin de nostalgie…et qu’on tire toujours aussi mal avec ! Immédiatement accessibles à faible prix en 1970, on les abandonnait aussi vite, et pas seulement parce que c’était l’arme des papys « ringards »…

Les « bandes » pleines, basses ou hautes, ne servent pas qu’à faire tenir ensemble les canons, et les plus récentes sont « dans le vent », courantes partout, même pour améliorer le look des utilitaires. On en voit peu (1) ou pas du tout sur les juxtaposés, ce qui les éloignerait du look élégant et épuré, qu’on attend d’une telle arme traditionnelle et classique. Faut-il crier au sacrilège ? Les juxtaposés n’ont pas tous eu la bande concave (swamped rib) qui non seulement faisait gagner du poids, mais permettait un plan plus large pour suivre les cibles en mouvement. Mieux même, les premiers allégés, les fameux canons « plume » (2) et la plupart de la production stéphanoise utilisaient des « visières », sorte d’encoches où on cadrait sommairement le guidon, petite perle minuscule quasi invisible indiquant que crosse-joue-tête, mettaient l’œil en position de regarder le faisan s’envoler de la même manière à chaque fois. Bref de frapper ce que l’on regarde, et pas ce qu’on vise, le ressenti d’un mouvement général où on ne vérifiait rien, côté visée.

Il y avait beaucoup plus de gibier donc d’occasions de tirer, avec des armes beaucoup plus pentées qui tiraient naturellement « haut », et donc plus indulgentes au tir approximatif. Légères et maniables, elles n’avaient pas besoin de bandes nécessairement « ventilées » pour contrer l’effet mirage des canons brûlants des pas de tir, en plus susceptibles de s’accrocher dans le chablis, de prendre des bosses en tombant, et d’attraper au passage toute la saleté. Peu de fusils véritablement « bécassiers » (3) d’ailleurs en disposaient. Les juxtaposés eurent aussi bien sûr des bandes hautes pleines, et même pour le Churchill XXV, une bande « file cut » ( voir ci-dessus) pour donner l’illusion de canons plus long sur le fameux modèle de 25 pouces. Il faut le reconnaître, des juxtaposés à bande ventilées, devant queue de castor, poignée pistolet, chokes amovibles dépassants en plus d’être lourds n’auront jamais la sveltesse de la crosse anglaise.

Pour en revenir à l’époque des « quatre garçons dans le vent » et où Bob Dylan chantait « blowing in the wind », le ball-trap de kermesses démarrait dans les campagnes pour financer les « cocottes » qui palliaient au déficit d’oiseaux sauvages ! Les superposés et surtout les « automatiques », (le plus souvent italiens) à bandes ventilées fournissaient tout à coup un plan de visée plus ou moins long et large, pour cette fois être précis, se corriger, et devenir compétitifs, notamment dans les chasses à fort volume de tir comme le gibier d’eau. Les lecteurs anciens attentifs le savent, l’auteur sévit toujours et encore aux alentours de la Baie du Mt-St-Michel, renommée en ce domaine…

Ce qui permit à cette génération, la nôtre, de monter vite…de bas en haut côté bandes sur les canons, le contraire étant plus difficultueux pour les raisons que nous allons maintenant expliquer. Sur ces juxtaposés anciens dont on apprécie le charme suranné, il n’y a plus de repère, de ligne droite où aligner l’œil. Vous voyez certes le « bout », plus ou moins plat et flou selon l’âge, mais, en fait il ne faut pas le regarder, et seulement se polariser sur le faisan qui monte en flèche. Il faut perdre la mauvaise habitude de vouloir « vérifier » (en raison du changement de plan de visée « droit » passant tout à coup à la vision « périphérique »), un aller-retour qui fait perdre du temps et se complique encore en plus avec l’âge où on accommode moins vite et moins bien.

Il faudrait donc se faire confiance, tirer comme on dit « au coup d’épaule », mais malheureusement ce n’est pas évident avec des armes de rencontre, aux conformations différentes, de surcroit pas souvent utilisées car nombreuses et de calibres différents, dont bien sûr le seize pour lequel tout le monde le sait ici, nous avons le béguin. Pas étonnant qu’on « flotte » toujours un bon moment avec ces armes patrimoniales et souvent chargées d’émotion car « héritées » le plus souvent de copains partis de l’autre côté du pont en forme d’arc en ciel, où nous attend aussi en frétillant de la queue la remuante meute de tous nos vieux chiens partis vers les prairies de St-Hubert, voir si les os sont meilleurs que ceux de notre monde. Pour tirer au fusil de chasse et comme pour beaucoup de choses dans la vie, quand le pli est pris, il n’est pas facile de revenir en arrière !

1/ Les marques de prestiges en firent sur mesure, mais aussi SKB (385 Sporting, 200), Browning, Winchester modèle 21.

2/ Voir archive du 20 mars 2015.

3/ Voir archive du 29 janvier 2017.

 

Publicité
Publicité
Commentaires
FCM 25.00
Publicité
Archives
Publicité