Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
FCM 25.00
26 mars 2015

Le lièvre, roi des ouvertures d'autrefois

Les statistiques de notre société de chasse sont impitoyables : depuis quelques années, il n'y a plus un agriculteur-chasseur sur les 20 adhérents de notre FCM 25, là où ils représentaient les deux tiers des 44 sociétaires de 1958. Et tous ces braves gens couronnaient amplement le lièvre comme roi de la fameuse « ouverture », le lapin, base de toutes les sociétés de chasse jusque là, étant rapidement laminé par la myxomatose.

 

kortal et lievre

La chasse à cette époque faisait partie de la vie rurale, c'était un des aspect de la vie des champs à la fin de l'été car l'ouverture était un peu avancée par rapport à ce qui se fait de nos jours. Le produit de la chasse améliorait l'ordinaire des familles, dans les derniers feux de l'automne, au même titre qu'un peu plus tard, la « tuerie » de cochon alimenterait les longues soirées d'hiver. On chassait en culotte de velours, en « bleu » et en béret, la clope au bec, le plus souvent en famille avec le grand-père et les oncles dans la fièvre des derniers jours et le rituel de l'examen des armes au râtelier, le choix des cartouches en carton, le tout dans le jappement des chiens...qui avaient tout compris ! Et que de nuits blanches avant le jour fatidique, et de discussions enfiévrées pour crever l'abcès du sempiternel dilemme «  mais Bon Dieu, par où on attaque » ?

 

Les vieux chasseurs suivaient leurs habitudes, celles des « postes » que leur donnait la connaissance des territoires, des remises, des gîtes et des habitudes connues du capucin. Dans cette époque sans « Gaecs », sans « stabus », on avait l'habitude, depuis des générations d'aller « aux bêtes » c'est à dire à la traite, manuelle bien sûr, tôt le matin et tard le soir, et l'occasion effectivement, de remarquer bien des choses de la nature. Et dès les premiers tirs, passée de quelques minutes l'heure légale, on savait bien à l'unique coup de feu donné par son antique « Simplex » que le Père Untel, venait de tuer (au gîte bien sûr) son premier oreillard de la saison !

 

D'autres se fiaient à la météo selon des principes immémoriaux et bien connus. Tout bon chasseur savait qu'allant au gîte, ne voulant point que la rosée le touche, il suit plus volontiers chemins et voies. Dans cette chasse qui se pratiquait d'abondance alors aux chiens courants, ses ruses provoquant de fortes relances, faisaient la joie de ceux qui appréciaient le récri des chiens, et surtout n'avaient pas peur de faire du chemin, au pas de course, derrière eux. Souvent se forlongeant au son de la trompe, le mâle ou bouquin était aussi réputé mieux tenir son gîté que la hase, se fiant à sa vitesse (jusqu'à 60 kms/h) pour ensuite prendre de l'avance, et là effectuer mille ruses. Retour en crochet, tapé au talus, se rasant au sol, donnant le change en bousculant un congénère, se mêlant au bétail pour masquer son odeur pourtant de plus en plus tenue à mesure qu'il se fatigue. On a vu des lièvres se cacher dans des parcs à brebis, des jardins potagers à toucher les maisons, sur le haut d'un mur, et même s'il n'est pas particulièrement réputé bon nageur, traverser plusieurs fois des plans d'eau !

 

Les jeunes chasseurs, pour leur premier permis, redoutaient l'épreuve du premier face à face, la fierté villageoise étant en jeu, et tout se sachant bien vite, on tentait jusqu'au dernier moment de profiter des conseils des anciens pour être efficace : « s'il part les oreilles bien droite c'est un capucin, s'il porte la hotte c'est une hase ». Facile à dire, mais dans l'excitation du moment ? D'autres conseillaient plutôt de ne pas s'exciter et de chasser (ce qui n'est pas du tout conseillé de nos jours) ...le fusil à la bretelle, et de posément l'aligner selon le fameux « queue-tête-Pan ! ». Combien alors d'animaux « enfumés », et de sourires goguenards quand tout le monde se retrouvait à midi au café de la place, la grande coquetterie étant d'y arriver en toute (fausse ) modestie, l'air de pas y toucher, le dossard bien rebondi, la tête du lièvre et ses gigantesques pattes arrières, débordant des deux côtés du carnier. Fusaient alors les explications « il fait bien ses huit livres non ? », et bien sûr les circonstances toujours homériques de l'exploit sachant que le chasseur tue et... manque toujours par adresse ! C'est d'ailleurs ainsi qu'on distingue un chasseur débutant d'un chasseur confirmé : à la qualité de ses excuses...pour avoir raté...ou pour s'être abstenu de tirer !

 

chiens 1955

C'est dans ces « trente glorieuses » après l'Occupation, auprès de chères figures disparues auxquelles on doit tant, que s'est forgée la génération actuelle des chasseurs comme on dit pour nous autres maintenant, « dans la force de l'âge ». Chez mon grand père Marius Chamonaz, dans les Dombes, au début des années soixante, on vivait sans télé et sans ordinateurs, parmi une armada de chiens (notre photo ci contre à dr. l'auteur en 1953 avec une fameuse lice "Missette" et sa progéniture) et d'armes de toutes sortes et dans l'agitation perpétuelle dès que le mot fatidique  « ouverture » était prononcé. Garde particulier sur 2000 ha et quatre chasseurs, il alignait méticuleusement, de l'écriture soignée de ceux qui, bergers avant 1914, n'avaient été qu'à l'école « des quatre jeudis », dans le carnet de tir de cette chasse, par saison : 150 perdrix, 80 faisans, 180 lièvres, une vingtaine de chevreuils, et quelques sangliers de passage, en pleurant déjà amèrement la disparition du lapin déjà durement frappé par la myxomatose ! Pas de lâchers, une grosse régulation...un autre monde quoi ! De cet extraordinaire personnage qui m'emmenait partout enfant dans les bois et chemins, et avec lequel malheureusement je n'ai jamais pu chasser (1) j'ai conservé peu de choses. Le goût de la chasse sûrement, et quelques souvenirs : des armes originales (2) et surtout sa trompe plus que centenaire dont je me plais à penser, à chaque battue, que le son, porté par le vent, bien loin de chez nous, lui fait encore dresser l'oreille, dans un petit cimetière tout près de Bourg-en-Bresse...

 

chasse 1955

1/Décédé en 1979 (né en 1897), je chassais déjà depuis dix ans, mais bien loin de là-bas où sûrement son activité cynégétique finissait, vu l'âge, par décliner, et je ne suis pas vraiment sûr, quand on en parlait, qu'il ait bien pris au sérieux la manière dont nous « les jeunes » on chassait !

 

2/Mais qu'il n'utilisait pas ! Occasions et copains aidant, il avait amassé en une vie de chasseur un gigantesque arsenal, mais je ne souviens jamais de l'avoir jamais vu utiliser autre chose qu'un massif juxtaposé calibre 10 à canons damas signé « Herzog à Lausanne ». L'engin, fort court de canons (66 cms) dans la pénombre de la passée du soir au canard faisait outre un boucan formidable, de magnifiques flammes ! A chiens extérieurs, quand à 20 ans je lui parlais avec enthousiasme de mes modernes acquisitions (« automatiques », etc...), il rigolait doucement « ...pardi, mon petit, crois-moi, ce sont les oreilles des chiens qui me font encadrer et tomber à tous les coups le gibier »...comme comme quoi l'aide à la visée ne date pas d'aujourd'hui !  Notre photo ci contre à g. Marius Chamonaz (2è à partir de la gauche) au retour d'une matinée "ordinaire" de l'automne 1955 : 3 faisans, une perdrix, deux lapins, deux lièvres. Le temps de boire un "canon", peut-être un peu moins à prévoir pour l'après-midi...mais en ces temps bénis, la bredouille était rare. 

Publicité
Publicité
Commentaires
FCM 25.00
Publicité
Archives
Publicité