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4 mars 2015

La bête du Gavaudan et la chasse : 4/ Epilogue, la Bête tuée au cours d'une traque...impossible !

En décembre 1766, les attaques reprennent, deux enfants arrivent à tenir jusqu'à l'arrivée des secours, la bête se retire non sans hésitation et les témoignages bien sûr affluent : « elle a bien des rapports avec le loup, mais elle est différente en plusieurs points...beaucoup plus grande surtout quand elle se hérisse...museau camus, tête plate, bande noire depuis les épaules jusqu'à l'extrémité de la queue dont le bout est d'une grosseur prodigieuse ».

gev 2uuu

Le 10 décembre deux femmes qui coupent du bois sont assaillies, arrive à leurs cris un bûcheron et à eux trois ils multiplient les coups de hache dans le vide...qu'elle esquive facilement tout en continuant de leur tourner autour en montrant les dents. Versailles ne veut plus rien entendre, pour la Cour, la bête est morte, et les locaux doivent s'organiser seuls.

Le jeune (19 ans), marquis d'Apcher s'y colle. Il s'appuie sur les curés pour l'information, et les bons chasseurs du pays pour seconder sa petite meute. Il fait des battues au coup par coup avec des gars qui connaissent le terrain comme leur poche. Il y a un peu moins de morts (11 attaques 5 victimes quand même), la Bête est plus cantonnée toujours autour du Mont Mouchet, elle rôde plus près des villages, essuie même au passage des coups de fusil tous chargés et prêts à servir dans les maisons où on vit barricadés le soir, depuis bientôt trois ans : touchée aux côtes, elle pousse un cri aigu et s'en va. En août attaquant 6 garçons qui se mettent en cercle dos à dos et lance en avant, ils la touchent, elle s'acharne, leur tourne autour mais ils ne peuvent la percer. Le 15 septembre en plein village, elle s'acharne sur une femme devant sa maison, la foule accourt, encerclée, elle fait tête, prend plusieurs coups de fusil...aucun effet. Nouveau témoignage intéressant de ces gens qui ont donc eu bien le temps de la combattre et de bien la détailler « elle paraît toute boutonnée sous le ventre » !

Nouvelle trêve de novembre 1766 à mars 1767, puis jusqu'à l'épilogue du 19 juin, 15 morts et une attaque en moyenne tous les trois jours dans cette période finale. L'élément déclenchant semble avoir été le 16 mai 1767, la mort de Marie Denty (11 ans), petite voisine préférée de Jean Chastel, qui, on l'a vu, avait eu maille à partie avec les gardes royaux l'été précédent. Dans cette période, il fait bénir 3 balles confectionnées avec des médailles saintes portées habituellement à son chapeau, au pélérinage annuel de N.D. De Beaulieu, et le jeudi 18 juin, un enfant dévoré à Desges précipite les choses.

Etant ici sur un site de chasseurs, qui savent ce qu'est une battue, il va falloir bien préciser les choses et se rendre compte de l'étrangeté de cette ultime traque qui finit par avoir raison de la bête du Gévaudan. Le marquis est prévu de ce crime aussitôt le 18, à 23 heures, et à minuit il décide de déclencher (en pleine nuit !) le départ vers le versant Nord du Mont Mouchet. On est en juin, il fait clair certes, mais faut aller avec seulement 12 chasseurs de sa maison et de ses terres à 15 kms de là, boucler une enceinte de plusieurs centaines d'hectares. C'est assez surréaliste non ? Car n'étant sûrement pas seul derrière ses chiens, ça ne fait guère plus de 7 ou 8 postés pour des centaines d'hectares soit un chasseur à peu près tous les 2 kms et sous bois ! On arrive sur place vers 2h du matin, chiens découplés qui semblent mener, puis lancer. Un isolé qui "couine" semble même être culbuté par quelque chose. Le jour se lève, dans ces postés il y a que des gars du coin, qui connaissent tous les taillis, les trois frères Roux...et tiens tiens... également les Chastel père et fils ! A 10 h du matin, alors qu'il est donc en poste depuis plus de huit heures, le père Chastel, la soixantaine à l'époque et donc un âge canonique, assis au pied d'un grand pin, les lunettes sur le nez, lit les litanies quand il entend les chiens mener au loin, et un craquement pas très loin, devant lui, dans les fourrés...la Bête lui vient droit dessus...s'arrête...le regarde...s'assoit sagement sur son derrière, comme si elle le connaissait ! Pas d'attaque, pas de fuite, elle reste assise, sur place. Il a le temps de fermer calmement son livre, d'enlever ses lunettes, lever les deux chiens de son fusil à silex (1), viser calmement...une seule balle suffit, au défaut du cou (avait-elle encore sa cuirasse ou non, de toute façon c'était le bon endroit où tirer) qui fracasse derrière l'épaule gauche. Il n'a même pas eu à doubler. Curieuse fin, n'est-ce-pas, pour cet animal qu'il contemple tristement en lui disant en guise d'oraison funèbre : « bête, tu n'en mangeras plus » !

 

oooooo

Epilogue et opinion de l'auteur. On s'est longtemps posé la question de savoir ce qu'était vraiment la Bête du Gévaudan car après avoir été autopsiée et promenée partout, elle alla jusqu'à Versailles où le Roi épouvanté par cette charogne puante, la fit illico enterrer dans le parc du château où ses os doivent encore reposer. Une formidable littérature (voir sur le net toutes les hypothèses avancées, et où il y a même un « site sur les sites ») s'est emparée de ce mystère : un ou des loups, un hybride chien-loup dressé, un gorille, une hyène, un glouton...et même, pourquoi pas, des extraterrestres un peu comme dans le fameux film Predator avec Schwarzenegger ? Et un récent film fameux (« le pacte des loups ») a pas mal relancé aussi l'intérêt sur cette affaire. Or, en 1958, fin du mystère (pour ceux qui connaissent le dossier, les autres continuant à fantasmer pour le plus grand bénéfice des éditeurs) car une chercheuse a retrouvé, par hasard, oublié aux archives nationales, le rapport effectué en juin 1667 sur place par le notaire royal Marin au moment de l'autopsie.

C'était bien un chien mâle, hybride sans doute (large tache blanche sur le poitrail en forme de coeur qui démontre la bâtardise et qui avait été signalée par de nombreux témoins), de 53 kgs, 77 cms au garrot. On peut penser que « terroriste » avant l'heure, épaulé peut-être par un noble local dont il était le garde (mais pour quelle raison ?), un des fils Chastel avait dressé un ou plusieurs hybrides (2) à attaquer les gens, sans doute protégés par une cuirasse ce qui explique que ce ou ces animaux semblèrent si longtemps indestructibles. Et que le père Chastel ferma plus ou moins les yeux un bon moment, avant de sonner la fin de l'histoire quand sa petite voisine Denty fut tuée. Restait plus qu'à sacrifier finalement cette bête au comportement si déroutant quand elle le vit posté, et au terme de cette battue au déroulement particulièrement suspect, tous les chasseurs habitués des battues en conviendront. Il était temps...130 morts, 70 blessés, 250 attaques en trois ans. Imaginez ça à notre époque de sensibilité à toutes les tragédies vu leur exposition médiatique !

 

  1. : ce fusil pieusement conservé était un calibre 24 (15,5 mm) de 3 kgs, 1,32 m en tout dont 93 cms de canons doubles mis à feu par silex, et transformé à piston vers 1840. Sa crosse est sculptée et ornée à la manière des sabots du pays. Il tirait, bien sûr à cette époque à poudre noire et des essais contemporains ont mesuré la puissance d'une telle arme chargée à balle à 1200 joules à la bouche, donc largement de quoi tuer un gros chien à une dizaine de métres.

  2. : sans doute de loup mâle capturé jeune au liteau et accouplé avec une lice de fort mâtin, car les louves sauvages sont quasiment impossibles à faire couvrir par un chien domestique. Sa tête épaisse de 20 cms est celle d'un gros chien type molosse tout comme l'ouverture de sa gueule bien plus importante que celle d'un loup. Les témoignages ont aussi montré que la bête fut souvent vue accompagnée d'autres chiens « qui lui léchaient le museau ». Les historiens contemporains qui ont mis sur ordinateur le cursus de toutes les attaques ont aussi démontré l'impossibilité matérielle de plusieurs attaques concomitantes éloignées de dizaines de kms. Il y eût peut-être plusieurs bêtes, certaines mêmes blessées et tuées dans les nombreuses fusillades, et remplaçées par d'autres. Le fait qu'il y ait eu 15% de décapitations fort nettes sur des cadavres récents, et de victimes déshabillées montre, comme l'avaient dit, et comme le confirmèrent ensuite lors de leur retour à Alençon, les Denneval qu'il y avait « autre chose ». Une bête sûrement, mais aussi un ou des « meneurs » derrière qui à certains moments n'étaient pas loin, et arrangeaient ou exploitaient parfois les scènes de crime. Dans quel but ? C'est toute la question non encore résolue de nos jours.   

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