Les premiers chokes externes

C’est curieux de constater comment les choses évoluent vite. A part quelques armes rares et d’exception, les fusils à chokes fixes semblent devenus ringards, tant les chokes interchangeables longs ou courts, voire spéciaux tiennent désormais le haut du pavé. Qui se souvient encore des « polychokes » (1), ou des externes qu’on vissait tout au bout des Auto 5, ou des premiers semi-autos européens ?

L’histoire de ces appendices en bout de canon est pourtant plus ancienne qu’on ne le croit. C’est l’armurier américain Sylvester Roper en 1866 qui en eut le premier l’idée, reprise ensuite par le britannique J.S. Heath en 1880 avec déjà une excroissance en bout de canons jugée guère esthétique. C’est d’ailleurs cet argument qui reviendra le plus souvent pour tordre le cou à cette idée pourtant mise en pratique très vite aux USA par le colonel Richard Cutts, inventeur du compensateur de recul bien connu sur le PM Thomson (la mitraillette d’Al Capone si on veut), mais également essayé sur la Winchester 97. Il vendit ses droits en 1929 à la firme Lyman Gunsights qui adopta immédiatement en sus du fameux « Cutts compensator » des chokes amovibles de différentes longueurs très prisés des tireurs sportifs, notamment au skeet, car on annonçait 15 à 30 % de recul en moins pour des gens tirant beaucoup.

En Europe on ne s’intéressa guère à tout ça avant 1961 où Winchester mit de série en vente des Winchokes internes sur son modèle 59 « Versatile » qui ne connut guère le succès, mais l’idée fut reprise quatre ans plus tard pour le modèle 1200 (pompe) et surtout le SA 1400 promis lui, à une toute autre carrière. La fin des sixties fut celle de l’avènement des nouveaux semi-automatiques notamment européens (Franchi, Breda, Beretta) venant piétiner les plates-bandes de l’antique Auto 5, mais aussi du ball-trap et des grosses cartouches destinées au gibier d’eau. La définition des chokes, autrefois bien plus simple et se résumant grosso modo à lisse-quart-demi-trois quarts-full s’étendit à la demande des tireurs sportifs.

C’est ce qui explique que le système autrefois bloqué par exemple chez Browning à de simples astérisques (*) se chargea de tirets (-) pour des crans déclinant ces valeurs anciennes. Et quand le système se bloqua vu l’amplitude de la demande on termina par de simples lettres comme « C » ou « S » pour lisse et skeet…Ce système anglo-saxon, pour ne pas dire US, la mondialisation aidant est devenu quasi universel (2). Les chokes externes à visser, de différentes longueurs firent alors leur apparition sur les semi-autos européens où ils dépassaient du museau en forme de seringues, ce qui leur donne encore aujourd’hui un caractère désuet, mais qui n’était pas dénué d’efficacité ni d’atouts par rapports aux chokes internes standard d’aujourd’hui.

 Ils avaient la longueur et les performances des longs actuels, mais sur des canons courts le plus souvent de 62. Ils protégeaient mieux le canon en cas de choc, ils étaient plus faciles à identifier (3), mais pouvaient avoir tendance à se desserrer surtout sur les systèmes à long recul. C’est pourquoi d’usine, la bande ventilée se prolongeait d’un petit ressort engrenant sur un léger crénelage ad hoc, le petit geste de vérification et de revissage éventuel en fin de chasse étant également une incitation à bien entretenir l’ensemble et à remettre, au besoin, une larme de la fameuse « graisse blanche »…

Les goûts ayant changé, tous ces appendices…à rallonge donnent un petit air comique et aussi sympa à tous ces petits fusils de Mickey qui ont des airs de seringues et très datés débuts des seventies. Par contre, si vous touchez un de ces jolis semi-auto, il sera bien rare qu’il vous parvienne avec tous ces petits « godets » soigneusement empilés comme à la parade, car dans les déménagements par exemple, rien n’était plus facile que de les égarer à droite et à gauche. Eh bien rassurez-vous, ils sont encore tous disponibles et pour pas cher en plus chez le spécialiste des chokes en France (4), soit sur Internet ou à la maison-mère chez Gemini en Italie pour faire un réassort qui vous donnera un look de chasseur « vintage » ! Ne vous inquiétez pas trop, c’est devenu à la mode…

1/ Voir notre archive du 1^er octobre 2017.

2/On l’a déjà donnée ici voici la liste complète de la nomenclature anglo-saxonne des chokes : N (negative) c’est en quelque sorte tromblonné ; C (Cylinder) ou lisse ; S (Skeet) ; IC Improved cylinder (notre quart ancien) ; LM (Light Modified) un peu plus ouvert que M (Modified) notre demi ; IM (Improved Modified) trois quart ; LF (Light Full) trois quart ; F (Full) plein choke. Les particularités US (chasse à l’oie des neiges et au dindon) donnent aussi des nomenclatures que vous pourrez trouver sur certains chokes importés : XF (X-Full), SF (Super Full), SDF  (Super Dumper Full).

3/ Plus c’est long, plus c’est serré ! Regarder quand ils existent les poinçons des fusils italiens (Franchi, Breda, Beretta) : O =lisse ; 0,25 quart ; 0,50 demi ; 0,75 trois quart ; 1, Full.

4/ Chasse-tir-malin, armurerie de Luçon en Vendée, site très complet sur le Net, accueil sympa, expédition rapide confirmée par l’auteur.