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FCM 25.00
9 juin 2020

Le "sans-plomb" est-il "super" ?

Les informations alarmistes sur l’interdiction du plomb dans les munitions se précisent de plus en plus, sous la pression des écologistes et l’effet « cliquet » de leur poids politique actuel où l’idéologie tient fort peu compte des réalités du terrain, et il va sans doute falloir tenir compte de ce changement sans doute fondamental pour la chasse française pour toutes sortes de raison, de pratique, mais aussi techniques et industrielles. Selon le mot du président Willy Schraen, autant être « acteurs que spectateurs », et voyons ce que ça changera pour le chasseur lambda. 

Tom Roster

 

On le sait depuis les travaux du général Journée, et surtout ceux plus récents pour la bille d’acier de Tom Roster, à moins de 30 mètres, toutes valeurs égales de chokes, de longueurs de canon, de cartouches, pour peu qu’on soit « dedans », balistiquement parlant, rien de déterminant ne joue vraiment. Prenons déjà la longueur des canons : en théorie on perd autour de 3m/s par pouce (2,5 cm) perdu, ce qui nous ferait grosso modo 9m/s de mieux entre un 76 et un 66 cm, mais attention, mesuré à la bouche ! A 40 mètres ce petit avantage retombe à 6m/s, c’est-à-dire pas grand-chose surtout si on préfère un fusil maniable pour tirer au vol. Une argumentation que l’on va reprendre plus loin, et dans l’autre sens.

heavy dove

Les fabricants de poudres eux-mêmes reconnaissent que la combustion complète s’établit entre 45 et 50 cm, et certaines longueurs auraient même comme effet, de ralentir la vitesse au bout du compte dans des canons trop longs. Donc revenons à la cartouche. Théoriquement toutes les charges ont une vitesse initiale suffisante (autour de 380m/s) pour pénétrer tant que la taille de la grenaille adaptée au gibier approprié est utilisée. L’enjeu pour le chasseur est donc de parfaitement s’ajuster dans la fenêtre charge-vitesse dans ce qu’il veut faire. Bien sûr vous me direz que les encartoucheurs se chargent de tout ça pour vous en vous concoctant des « spéciales » (il y en a désormais pour tout : corneilles, renard, chevreuil, migration, etc…) qui vous dispensent d’y réfléchir. C’est un peu le cas de la chasse devant soi où, théoriquement, on tire de plus près. Mais là, où il nous arrive de tirer le pigeon au vol ou au posé, et le canard à la passée ou à la hutte, ça vaut parfois la peine de se casser la nénette à tenter de comprendre ce qui se passe quand on tire un coup de fusil.

iioo

Justement, venons-y, c’est pour les sauvaginiers, avec la bille d’acier il y a bientôt trente ans, ce qui a peut-être brouillé un peu les cartes dans nos têtes. « Avant, c’était avant »…on savait tous, avec l’expérience que c’est au-delà de trente mètres que les charges lourdes commençaient à payer, car à plus de 400m/s le plomb a tendance à se déformer donc on compensait par la densité de charge. Mais la densité de l’acier étant catastrophique on accéléra la vitesse (jusqu’à 490 m/s), ce qui eût d’ailleurs pour effet avec également la plus grosse charge, de favoriser le 12 face au 16 qui faisait pourtant le fond de la chasse française depuis des décennies. Cette différence de vitesse permit de gagner 9 m. pour la grosse grenaille, et 5 pour la plus petite…mais sans, avant l’arrivée de substituts plus sophistiqués (mais plus chers : bismuth, tungstène, cuivre) pouvoir encore rivaliser avec le plomb. Malgré tout, entre eux même, les tests balistiques (logiciel KPY shotshells ballistics) ont montré que, pour l’acier, et une même pénétration dans le gel de 3 cm, il valait mieux tirer du 2 à 424m/s que du 4 à 500m/s car celle-ci était obtenue à 44 mètres au lieu de 35, et en plus avec moins de recul. En effet c’est comme le kilo de plume et celui de plomb qui fait certes, toujours un bon kilo, mais pas avec les mêmes effets. Voir tableau ci-dessous

gap de pénétration steel

Où voulons nous en venir ? Plus de vitesse ne donne rien à 35-40m. si on emploie du petit plomb qui ralentit plus vite que les gros. C’est la charge qui permettra d’ajuster sa distance d’efficacité vers le haut ou vers le bas selon ses besoins. Sur les mares de gabion ou les postes à pigeon, les distances sont quasiment toujours nettement identifiées, et la règle des cinq impacts peut être ramenée à trois. Sur la mare, la disposition des leurres donne des points de repères de distance précis. Au pigeon, le posé au poste, un peu comme dans les palombières des Landes, donne un panorama habituel où chaque arbre est à une distance donnée, et le succès au tir assuré…si on met bien en face, et avec la bonne cartouche !  Bien sûr, entre ces deux gibiers on compare des pommes et des oranges puisque on ne tire pas la même chose : un coup de 4 de plomb contient 152 billes, et celui d’acier de son côté 168 ce qui est quasiment kif-kif…mais il n’en est pas même en ce qui concerne la densité. Il faudrait au moins tirer du 2 acier pour approcher la charge de plomb, et encore, le taux de décélération de l’acier sera plus important avec une zone frontale de gerbe plus large, et un effet de choke divisé par deux pour ceux estampillés « fleur de lys ».

Poids lourd…pour la plume ?

Ces derniers chokes devront d’ailleurs être bien analysés car initialement uniquement prévus pour le plomb et même en ces temps-là, totalement fixes et non interchangeables.  Raison de plus donc d’y penser quand on dispose d’armes anciennes pourtant encore pleinement opérationnelles. A la lumière des travaux effectués dans les pays anglo-saxons, premiers touchés par la réforme des années 90 dans les zones humides, il faudra revoir l’allégorie spécieuse et l’image du « tuyau d’arrosage » plus ou moins pincé au bout qui prévalait jusqu’ici pour donner une image erronée de la sensation de vitesse de la gerbe. Une analogie défectueuse car si les molécules d’eau ne sont pas compressibles, les gaz de combustion de la poudre eux, le sont. Le choke (votre pouce si on veut) ne rétreint pas le débit (comme l’eau) jusqu’à ce que la charge atteigne le « goulet », elle atteint sa vitesse maxi avant, et le frein du rétreint agit bien moins qu’on le croit pour jouer sur la vitesse. Certains tireurs « au vol » qu’il s’agisse du pigeon dans le vent ou des faisans de haut vol devront peut-être revoir leur affaire, avant de passer chez l’armurier prévoyant l’ouverture non seulement pour faire leur choix de cartouches, mais aussi de chokes. 

remington-cartouches-de-chasse-nitro-magnum

Pour le tir au vol de l’un comme de l’autre, il faudra sans doute revenir aux fondamentaux, et donc à la charge lourde, même si nous le savons tous, certains tireurs habiles voudront toujours de la cartouche rapide dans un fusil « serré » car le « full » atténuera certes la perte de densité, et maintiendra la gerbe un peu mieux sous contrôle, l’empêchant de se désagréger trop vite, mais dans la limite de ce dernier expliquée plus haut. La difficulté sera de trouver le juste équilibre sans passer par de fastidieux tests « à la planche » comme on en faisait autrefois avant que les encartoucheurs ne découvrent les joies du marketing. Malgré tout, soyons en sûrs, les bureaux recherche et développement ne seront pas avares de recettes magiques pour tenter de ménager la chèvre et le chou, peut-être, comme c’est le cas de certaines cartouches « premium » (voir la « long beard » de Winchester par exemple) de « buffers » dont nous parlons par ailleurs. Ci-contre à g. le "tampon" est bien visible sur cet autre concurrent de la long beard, montrant que cette technologie se développe. 

A part bien sûr l’acier, le coût des matières premières des substituts, incitera les encartoucheurs, comme ce fut le cas en zone humide, à diminuer la charge utile, et jouer encore et toujours avec la vitesse. Il s’agissait, et on retrouvera sûrement cet axiome, de compenser le manque de densité et de force de frappe par la vélocité mais au préjudice de la charge, et qui dit plus rapide, dit plus de dispersion. Les travaux de Tom Roster ont montré que jusqu’à 35 mètres, la vitesse n’apporte rien de plus, mais que le gros plomb lui, possède encore assez de « peps » pour aller plus loin, jusqu’à 40mètres. Entre 500m/s et 424 m/s la différence de distance n’est que de 5m pour le plomb N° 6, mais monte à 9 mètres pour le N° 2 ! Le chasseur devra donc se préoccuper de paramètres un peu négligés avant comme la distance, et les conditions climatiques, à « lire les boites » et s’assurer que la vitesse est cohérente avec la charge qu’il tire, cette dernière, au pis-aller étant une variable d’ajustement à pousser vers le haut ou vers le bas selon ce qu’on tire, mais en gardant toujours présent à l’esprit le facteur déterminant de la charge.

superspeed

Sur un plan technique, l’histoire étant un éternel recommencement, il n’est pas interdit de penser à un retour des « canons longs » : à 40 mètres, sachant qu’on ne gagne que 2m/s par pouce de canon accru, donc moins de 10 m/s de différence à la bouche entre un canon de 26 (66 cm) ou 30 pouces 76 cm), à 40 mètres cette vitesse retombe à 6m/s ce qui, reconnaissons-le ne représente pas grand-chose. Mais, depuis le général Journée, les poudres ont bien évolué, notamment en progressivité. La combustion qui devait autrefois être complète entre 45 et 50 cm, (après quoi le gain était considéré comme minime voire freiner la colonne de gaz), pourrait être revue à la hausse, sans trop de rétreint pour une poussée plus longue et continue et conserver  ainsi un tant soit peu de vitesse.

Le tireur lambda lui, aura tout intérêt, pour tirer loin, s’il n’est pas une « épée » dans le domaine, à privilégier la lourde charge de gros plomb, plus cohérente, et plus loin, et dans un fusil pas trop choké autour du demi-choke (voire LM) qui pourra, de plus, l’exonérer de la fameuse loi des cinq atteintes. Entrent en jeu d’autres paramètres comme la distance qu’il sera plus important de bien apprécier, ou le grand vent : sous 30 mètres il n’aura aucune influence, et on remarquera même que dans les bourrasques, le gibier semble plus proche : les leurres sont plus animés incitant à des poses plus rapides et plus faciles des oiseaux (cela vaut également pour le pigeon) voulant être plus vite au calme et à l’abri. En Amérique du Nord, ce n’est pas un hasard si y furent inventées les grosses charges car on y tire loin, depuis plus longtemps que nous (acier en 1991 aux USA, en 1999 au Canada), notamment par ce que la chasse avec des appelants vivants y est interdite.

téhh

On vient de le voir, cette remise en cause, touchera avant tout ceux qui tirent loin, sauvaginiers, chasses d’affût mais impactera sans doute toute la filière. Tous les substituts seront plus difficiles à adapter aux petits calibres (20-28,410) si en vogue en ce moment car ils offrent moins de place pour « jouer » avec la gerbe, et donc le compromis charge-vitesse.  Ipso facto, le 12 risquerait bien de devenir l’option la plus évidente en sport et pour la chasse devant soi…ce qui ne serait pas sans conséquences sur l’offre armurière des dix années à venir.  Les encartoucheurs déjà, ont montré qu’il sera impossible de tout faire en même temps, jouer sur le plastique (étuis, bourres) et les charges. Rassurés un moment par certaines déclarations présidentielles, par effet de « balance », à l’approche d’élections incertaines (1), les chasseurs, et surtout toute la filière, devaient bien s’attendre à ce que soit repris par la main gauche, ce qui avait été donné par la droite…et la fameuse rencontre de Chambord rimer avec changer…de bord !

1/La récente offensive lancée, comme par hasard, par un sénateur LRM suivi 64 parlementaires de tous horizons contre les chasses traditionnelles illustre bien ce propos. Il les juge "politiquement", oui, nous avons bien lu, "politiquement" indéfendables ! Il s'agit bien de tenter de rallier quelques voix écolos, la tendance qui a le vent en poupe actuellement. 

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