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FCM 25.00
26 septembre 2021

Ouvertures d'autrefois : avec le fusil à "un coup"...mais le bon !

Vieillir nous ramène aux goûts de l’essentiel, nos premières années de chasse et une philosophie autour d’armes que nous utilisons toujours (1) mais qu’on ne voit plus guère dans nos campagnes, le Simplex « roi des fusils à un coup », et le Stopvis « construit comme un canon de 75 » ! En voilà une sacrée référence…

simplex

Même à l’époque de notre premier permis, au moment des barricades du quartier latin, le « 75 » ne parlait plus guère à grand monde, surtout nous, joyeux drôles qui rôdions avec des yeux émerveillés autour des armureries des sous-préfectures : Piel à Avranches, Fontaine à Granville, Gendron à Fougères, et leurs vitrines où brillaient déjà les premiers « automatiques ». Les obligations familiales nous obligeaient parfois à chasser quand même un dimanche sur deux, avec quelque vieil oncle (dont nous avons toujours le Simplex) et qui pratiquait une chasse extrêmement efficace. Trayant ses quelques vaches deux fois par jour manuellement à la pâle lumière d’une lampe de poche, il connaissait son secteur par cœur.

images

L’Ouverture faisait l’objet du même rituel : le « miot » de café arrosé de la « consolante », jusqu’à la fameuse heure légale où, au bout du courtils, le gîte ayant été repéré de longue date, le premier oreillard de la saison était proprement exécuté, mon rutilant « automatique » étant juste envoyé au large et en retour, « au cas où », au grand dam du jeune impétrant ainsi empêché de tirer son premier lièvre de manière disons plus classique, sinon éthique !  On rentrait promptement à la maison saluer l’événement en ressortant la cafetière, la bouteille de goutte pour « l’ave maria », voire le « de profundis » avant d’aller, l’air de rien, acheter du tabac à priser entre l’église et la mairie, à l’estaminet à l’enseigne du «Bon Mic » (2), le capucin ayant auparavant été savamment disposé par la tantine, l’air de rien, en arrière du dossard ainsi lesté, tête d’un côté, pattes de l’autre. Ce qui valait, autour du zinc, de longues estimations sur le poids et le sexe estimés de la bête, et de nouveau quelques libations et la voltige des « demoiselles » de blanche, les « paroissiens » venant, au sortir de la messe, ajouter leur grain de sel à ces propos d’abord purement cynégétiques. La fameuse « Ouverture » étant un événement partagé par tout le monde, croyants ou pratiquants du grand cycle de la Nature que découvrent nos Ecologistes actuels, avec la foi brûlante des nouveaux convertis…

liev et pxx

L’impatience de la jeunesse et la volonté de faire parler la poudre se heurtaient dans l’heure de midi à de longues palabres, les cousins chasseurs voisins venant aux nouvelles pour comparer les prises, à l’époque celui n’ayant pu faire son lièvre étant pris pour un nigaud, voire plus grave pour un « horsain » (3). Pour l’oncle Gus qui n’avait jamais eu de chien, sinon à la niche pour faire reculer les intrus et autres rôdeurs, la chasse de l’après-midi était plutôt une promenade digestive qui visait surtout à longer précautionneusement les talus, autant pour vérifier ses clôtures, ou le respect par les « vésins » de la « répare » (4), que tenter de grapiller un ou deux pigeons au passage voire autre  « chape-chute » (5). C’est de cette époque que nous avons gardé ce pas lent, à l’ombre des frondaisons, à scruter le ciel, pour tout ce qui vole, en tous lieux et en toute saison.

chasse sunday

D’une remarquable patience, l’arme toujours en bandoulière, il repérait, au rappel, les compagnies de perdrix qu’il contournait d’une grande boucle, connaissant toutes les « brèches » du Bocage. Il m’envoyait au diable bouilli, soi-disant pour assurer un improbable retour de la compagnie quand un simple tir lointain le voyait revenir avec une paire ou un trio d’oiseaux foudroyés par sa longue pétoire ou de faisans tirés bien sûr, en train de piéter. Pas question de « gâcher », charge à la tantine ensuite de plumer et vider ! Chaque coup devait en effet porter de ces cartouches fabriquées dans l’immédiat après-guerre quand à peine revenu des stalags après tout le monde car libéré par les « ruskofs » en Poméranie, il bricolait ses charges dans le cellier, autour des bidons verts et rouges de poudre « T ». Il se faisait comme beaucoup encore qui se roulaient une cibiche de « gris » autour de l’écurie avant d’atteler, des « spéciales » que le fort verrou du Simplex était capable d’encaisser, bien mieux que l’épaule du novice, devant se colleter, la plaque de couche en bon acier de St-Etienne.

00018_Tres-beau-Stopvis-Cal-16-de-luxe

Adeptes du ball-trap naissant, de la chasse au gibier d’eau en Baie du Mt-St-Michel dans la fougue iconoclaste de la jeunesse avec notre premier chien d’arrêt, nous regardions un peu de haut cette chasse tatillonne, économe de tout, de temps, d’argent et d’énergie et qui pour tout dire était celle d’une autre génération. Au pigeon, le soir, alors que les feuilles n’étaient pas encore tombées, étant le seul à voir le bout de la queue d’une pose improbable, et après un bon quart d’heure d’atermoiements pour savoir qui et comment on allait tirer, le coup de tonnerre de la « spéciale » pouvait en faire tomber quatre, celui visé, plus trois qui étaient branchés dans la trajectoire, mais qu’il n’avait pas vus ! On revenait bras dessus, bras dessous, à nuit noire, car il fallut encore les porter à d’obscures « connaissances » ayant rendu service dans la période des moissons, et bien sûr autant d’occasions de trinquer comme le veut la tradition de la sociabilité campagnarde du Bocage. « C’est le métier qui rentre » pouvait-il dire au jeune chasseur débutant qui prit quand même assez vite au tournant des années 80, un autre chemin…

1/Sur le Beretta 412 « Trunchino » voir notre archive du 31 mai 2018 ; sur la philosophie de l’emploi des singleshots celle du 18 juin 2018 ; et sur les armes à un coup « pointues » du ball-trap US au handicap, celle du 21 juin 2018.

2/Du « Micamot », ou « demi camot », mesure de contenance des liquides et des céréales, en gros un quart de litre, en usage aux confins de la Normandie du Maine et du pays gallo breton.

3/Etranger, non « né natif » de la commune.

4/Dans le Bocage, pays de talus, c’est l’espace entre les « clos » délimitant le voisinage, et objet souvent d’intenses négociations pour l’entretien, l’usage par les bestiaux et les gens, notamment du bois des haies qui sert de fagot pour démarrer la « fouée » l’hiver…  

5/ Aubaine, genre gibier poussé par les borduriers !

 

 

 

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