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1 janvier 2022

Les chasseurs afro-américains du "Deep South"

Si l’on regarde autour de nous, les gens de couleur sont assez peu nombreux derrière les chiens, et c’est un peu la même chose aux Etats-Unis où, même en hausse, en nombre de permis (+3%) c’est dans un taux bien inférieur à ce qu’ils représentent (13%) dans la population globale. Mais nous l’avons déjà vu dans notre évocation de Holt Collier (1), il existe dans le Sud une grande tradition de chasseurs afro-américains maîtres-chiens, dans le « Deep South ».

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Elle est à placer dans les suites de la guerre de Sécession, où les plantations impossibles de fonctionner sans le travail forcé furent démantelées, l’abandon du riz libérant de vastes zones devenant humides et propices au gibier d’eau, et à la chasse des « sportifs » venus du Nord. Un certain équilibre se fit (2) entre les populations noires de familles de petits métayers chassant le lapin et l’opossum, et les blancs chassant la caille, le colin de Virginie, les cervidés. Une sorte de terrain d’entente se fit dans cette époque de ségrégation qui dura une cinquantaine d’années avant la grande migration des travailleurs noirs des années 1916 à 1930 (1,5 millions de personnes) vers le Nord (automobile) et l’Ouest, puis la seconde encore plus massive (5 millions de personnes) des années 1940-1970. Ce tableau de A.B.Frost (à g.) montre justement un métayer expliquant au chasseur où est parti le gibier. 

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La chasse afro-américaine en pâtit également quand le whitetail, habituellement chassé avant 1970 le dimanche sur des petites poussées au fusil et aux buckshots (chevrotines), mit à mal les territoires habituellement dévolus aux lapiniers. A partir de 1980, la plupart des terres furent louées, il y eût une grosse pression de chasse sur les terres publiques, et une difficile cohabitation avec les beagles lapiniers qui prenaient la voie des whitetails au grand dam de ceux qui les attendaient à l’affût. En Alabama (et même chose dans le Mississipi voisin) les 113 000 chasseurs qui prenaient 1 million de lapins en 1967, étaient descendus à 15 000 chasseurs et 10 000 prises en 2015. Autour de Tuscaloosa on était passé de 12 équipages à deux.

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La chasse aux chiens courants, attaquée il y a bien longtemps puisque le Wisconsin l’interdit dès 1876, cessa dès 1920 dans tous les états du Nord-Est, et se maintint péniblement dans le Sud : l’Alabama sur 67 comtés (3) l’interdisant partiellement ou totalement sur la moitié. Paradoxalement, ce sont les grandes plantations reprises au début du XXè siècle par des grands groupes financiers ou industriels et des particuliers fortunés (4), qui ont sauvé la tradition afro-américaine de dressage des chiens.

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Au nombre de 150 sur plus de 300 000 acres elles fournissent chiens, chenils et le personnel et moyens d’organiser tous les ans des grands field-trials, objets d'importants rassemblements de passionnés où chiens des plantations et ceux de plusieurs générations de dresseurs s’affrontent en présence des gouverneurs des états voisins de Géorgie et Floride. Depuis 1981, une association (Black dog handlers association) perpétue cette tradition d’une chasse afro-américaine qui doit se maintenir face à des conditions d’exercices rendues matériellement plus difficiles, mais aussi contre les préjugés : difficulté d’évoluer sereinement au milieu d’une population majoritairement blanche et armée, et de se trouver soi-même légalement armé face à des forces de l’ordre un peu trop sur le qui-vive, et prompte à réagir…

1/ Voir archive du 21 avril 2020.

2/ Source : S.Giltner « Hunting and fishing in the new south ».

3/ L’équivalent de nos départements si on veut.

4 /Bernard Baruch, Henry Ford, Cornelius Vanderbilt, Andrew Carnegie, Joseph Pulitzer, la famille Guggenheim.

 

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