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11 avril 2024

Un "ballon rond" pour dribbler le sanglier ?

Juste retour des choses, le sanglier qui dévaste à l’occasion nos terrains de foot, pourrait bien pâtir bientôt d’un retour en pleine poire du « ballon rond », formule rarement utilisée chez nous à part la fameuse balle sphérique « Prévot ». Un type de projectile assez largement étudié dans nos colonnes (1), mais qui bénéficie d’une vaste littérature aux USA où plein de gens rechargent et où surtout il y a le vaste retour d’expérience des balles « pumpkin » et surtout des « muzzleloaders » qui chassent à la poudre noire avec de gros boulets.

Vu que tout le monde autour de nous se passionne pour l’envahissante bête noire, au point qu’on envisage même le retour de la « terrible » chevrotine, pourtant massivement employée jadis par nos pères, tentons de donner quelques clefs de compréhension sur la balle sphérique et ses « rebonds » inattendus. Cette forme géométrique est, de fait la plus difficile à déformer et à détruire, et dans l’absolu, sa force de destruction et pénétration considérables, au point que dans le « deep south » elle est privilégiée pour y tirer les alligators ! Mais il faut aussi avant, franchir quelques écueils…

La tradition américaine de la balle « pumpkin » ou franche sphérique du calibre est aussi vieille que celle du mousquet Whitney (alésage 0.690) émis avant la guerre de Sécession pour le service de l’US Navy avec le couteau baïonnette Dahlgren lequel, avec 730 grains (47 grammes) devait certes faire de jolis trous ! Bien avant que la balle ne Foster fasse son apparition au milieu des années trente, (concomitante ded la popularité du … « 30-30 »), la « round ball » dite aussi « pumpkin » (citrouille !) grâce aux surplus disponibles, facile à recharger, représentait l’archétype de l’arme de cellier, ou d’arrière-cour du ranch. Cette balle ronde ancienne était en effet difficile à battre pour lancer et charger facilement à moins de 50 mètres si on était loin de tout. La précision et la portée passait au second plan quand il s’agissait de repousser tous les indésirables :  coyote s’attaquant aux veaux, renard dans le poulailler, même si en rebondissant, le gros boulet pouvait emporter deux ou trois belles poules rousses, de tante Maggie qu’on voit ci-contre, prête à tirer, derrière !

Avant que les canons rayés Hastings ne se développent, l’arme classique dans ce domaine c’était le HR « Topper », (une sorte de Simplex si on veut), coupé à 26 pouces avec pour effet radical de le rendre ipso facto définitivement « Cylinder » soit lisse, impératif pour passer dans l’alésage nominal du « 12 gauge » soit 0.729. Les balles devaient donc être sous-dimensionnées autour de 0.662 (2) en s’inspirant du temps de la poudre noire (3) de ses artifices de calepinage et de lubrification pour résoudre les deux grands critères régnant sur la propulsion de la sphère : une bonne étanchéité et le centrage dans l’alésage.

La « boule » semblait facile d’utilisation si on suivait la théorie du poids de charge identique de grenaille pour les mêmes composants (4), mais il fallait une balle relativement « dure » qui ne se déforme pas et l’asseoir comme il faut dans une bourre grasse ad hoc, soit percée en forme de « donut » (le beignet…cher à Homer Simpson !), ou à la caler dans des petits coussins moëlleux fleurant bon la cuisine de tante Maggie susnommée : graines de lin, farine d’avoine ou la fameuse COW (cream of wheat) qui avait l’avantage de ne pas durcir au coup de feu. L’arrivée en 1963, du plastique et des bourres à jupe Remington facilita encore la chose pour tous les « rednecks » qui continuaient de prélever le cerf de Virginie avec leurs vieilles pétoires en lisse (5) et qui trouvaient la « pumpkin » meilleure en pénétration que la Foster.

Le retour déjà ancien sur la formule « Paradox » de rayures profondes en bout de canon, et les canons rayés Hastings ne parvinrent jamais à entraver la popularité de la balle ronde car, cette fois, il fallait se rapprocher dangereusement de l’alésage nominal. On connaissait pour les anciens 12 se chargeant par la bouche le taux de torsion de 1/104, et là les sabots demandaient bien plus rapide (1/34) et un couple énorme dans le sens contraire des chokes vissés qui commençaient à se populariser. Rester en lisse où tout le matériel existait ainsi que des centaines de formules de chargement permettait à la balle de 0.662 de passer tous les chokes avec une précision acceptable de 9-12 cm à 50 m, mais une meilleure pénétration (6), et tout en continuant de bricoler dans son coin. Avec les bourres à jupe plus épaisses de l’acier il s’agit alors juste d’ajuster au petit poil la colonne en garnissant la base avec des « cartes nitro » (voir ci-dessous) ou éléments de bourres grasses coupées à la bonne hauteur dans des étuis transparents donnant une immédiate identification visuelle. Le demi-rond avec coupelle rigide transparente pulvérisée au tir étant recommandé pour la même raison, mais aussi parce qu’il tient plus fermement le ballon pour rendre la combustion plus achevée que le sertissage étoile.

Maintenant, où voulons nous en venir ? Aux USA, le pragmatisme cynégétique ne s’embarrasse pas de préjugés : face au sanglier tout va plus vite que chez nous où on ergote sur tout au pot de fin de battue autour d’un verre de « jaune » sans rien vouloir connaître des règles de la balistique. Même s’ils ont inventé le concept des petites balles rapides ensabotées précises à 100 m et plus, la tendance américaine est maintenant, aux fusils « smashdown » ou (traduction libre !) « la grande claque qui fout par terre », sur le tir rapproché de gibiers de grande taille et (ou) dangereux, et donc d’un design de balle différent de ce que tirent les chasseurs de cervidés, et pas non plus vraiment un sabot « lourd » qui obéirait à d’autres contraintes.

Des travaux de John Linebaugh, (pourtant inventeur d’armes de poing rayées de fort calibre) il ressort qu’à égalité de poids de balle et de calibre, la rotation n’a que peu d’importance sur la pénétration, le lisse ayant même beaucoup moins de friction. Les dommages tissulaires sont causés par les zones de méplat (où la bille ronde n’est pas trop mal lotie), la vitesse et la pénétration étant liées à la densité de section, et pas seulement au rapport poids-vitesse. L’idéal serait entre les deux et un compromis qui reste à inventer : une sphère ronde traitée dure thermiquement prolongée par un cylindre à la taille exacte de l’alésage en forme de « queue » stabilisatrice. Nos ingénieurs français en pointe voici quelques décennies sur les balles « techniques » sauront-ils prendre…la balle au bond ?

1/ Voir archives du 23 mai 2022 sur la balle de plein calibre, 23 septembre 2020 et 21 février 2017 sur les balles franches, 10 avril 2020 les travaux « Shotgun from hell » de Ed Hubel.

2/ Lyman fait des moules à 0.662, RCBS en 0.678, et le rechargement des balles extrêmement documenté, voir par exemple le site « Castboolits »

3/ Le chargement par la bouche des armes de chasse à poudre noire, activité quasi inconnue en France est un art en soi qui possède ses contraintes, mais celui par la culasse en a d’autres : transitions du sertissage, du cône de forçage, des rétreints même légers.

4/ Contrairement à la balle cylindrique, la charge de grenaille peut être considérée comme un fluide qui transmet plus de friction et de pressions aux parois de la chambre et de l’alésage. La balle cylindrique ne frotte qu’à l’équateur d’où la tentation de jouer, à tort, sur la quantité de poudre. Toute variation sur les composants d’une cartouche donnée sont dangereux : le simple changement d’amorce, de bourre, de poudre, d’étui peut faire monter la pression de 1500 à 3000 psi d’un coup. Ce qui se ressentira au recul, à l’éjection difficile, à l’état des composants.

5/ Sam Fadala, dans « The complete shooter », reconnaissait encore en 1984avoir pris un gros cerf avec une round ball de 0.535 filant à 606 m/s

6/ Sans charger au maximum, les « deerhunters » avec une précision de 20 cm à 70 mètres pénètrent 8 pouces (20 cm) de sapin !

 

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