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FCM 25.00
20 janvier 2017

As-tu fait ton lièvre ?

Par chez nous c’est le leitmotiv, la question lancinante qui obsède les trois grosses semaines suivant l’ouverture et qui fait le « vrai » chasseur, celui qu’on interpelle au café, en allant chercher le pain ou au détour d’un chemin creux quand les fusils se « cassent » et que revient inlassablement l’antienne « as-tu feu ton lieuve » ?

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Trente l’ont vu, une demi-douzaine l’ont tiré, tous bien sûr sont fermement décidés à l’occire derechef, mais surtout pour le mettre à la poche-carnier « dans le dossard » comme on dit, où fier comme Artaban, on laissera négligemment pendre d’un côté les grandes oreilles, et de l’autre les immenses pattes. La fusillade du premier jour pour tout bon connaisseur des êtres de la commune, et pour peu que le vent porte, aura déjà donné une petite idée de ces opérations quasi militaires : au Sud c’est chez Zidore que  le « douze » a tonné, et là pas de suspense « yeu  raterait eun vach’ dans un corridor » ! Au Nord la pétarade laisse prévoir une hécatombe, Alphonse est non seulement un fusil sûr, mais il chasse depuis deux ans avec son gendre pourvu d’un « automatique » qui, de plus, a triplé derrière. Pour sûr que le capucin…et peut-être même deux sont au tapis !

lievre

Il faut comprendre, longtemps avant qu’on voie la queue d’un chevreuil ou la rencontre anecdotique avec un « cochon » c’était la pièce maximale qu’on pouvait alignait dans une chasse communale. Et être capable tous les ans de l’aligner proprement classait d’emblée le personnage au panthéon de la Diane locale et de la fierté communale. Les anciens qui connaissaient leur territoire, en gros quelques vergées autour de leur hameau qu’ils arpentaient matin et soir pour aller « aux bêtes », avaient l’œil exercé pour repérer l’oreillard au gîte (1). Ils chassaient aussi lentement, très lentement avec des chiens sans race et sans âge, des corniauds rassis qui n’avaient pas leur pareil pour méthodiquement faire et refaire trois fois le roncier, habitués qu’ils étaient à traquer le lapin, fond de toutes nos chasses avant la fameuse maladie. Pas un pouce de terrain, pas une « graissière » examinée, et combien de pièces de gibier furent ainsi faites derrière des « villotins » qui avaient fait le talus au pas de course derrière leurs fameux chiens d’arrêt.

lièvre cher

Tous ces ancêtres chenus qui doivent bien rigoler là-haut avec tous nos chiens LOF et parait-il « créancés » chassaient, ce dont on devrait bien s’inspirer de nos jours, à bon vent et avec la météo. Sous la pluie il fallait chercher dans le sec le caillouteux, les petits ronciers, sous les vieilles souches. Dans la chaleur, souvent présente à l’ouverture la bordure du trèfle et des luzernes, sous les genêts, dans les bosquets ombragés. Par vent fort en plein champ dans un sillon où le lièvre s’allonge, perpendiculaire au vent, se rase couchant ses longues oreilles, motte de terre parmi tant d’autres, mais qui, sans vous perdre de vue, vous guette en coin avec son œil d’or et vous part dans le dos quand il n’est plus même temps de monter le fusil. Inutile d’aller au bois dans cette période de premier frimas où la moindre chute de feuille ou craquement de bois mort l’effraie et le fait décamper.

Le gel le voyait au marais, la neige derrière de petits murs ou talus, bien abrité du vent. C’était une période où il « ouvrait » plus longtemps, sans « bracelets », mais il y en avait tant ! Le jeune chasseur écoutait pieusement les conseils des anciens : la hase était cataloguée partir « dans les bottes », se couler et accélérer en « portant la hotte » (2). Le bouquin, sortir comme un diable de sa boîte à grands bonds, oreilles dressées, la queue haute. A cela s’ajoutait, pour le néophyte que nous avons tous été, le stress de manquer l’immanquable, en terrain découvert où son tir était, (en théorie !) bien plus facile que le lapin, lutin bondissant, crochetant à tout va, changeant de vitesse et de sens, tout en offrant une cible bien plus petite. La connaissance du terrain, le long atavisme de ceux qui avaient la pratique des « champs à lièvres » et se trouvant donc sur leurs gardes, était payante. Là où le « jeunot » surpris, balançait trop vite et vidait impatiemment son « deux coups », l’ancien laissait partir et « queue-tête-pan » faisait bouler le rouquin. A cette époque où on chassait encore majoritairement « aux courants », la hase était aussi censée être plus retorse, « lapinant » un bon moment dans les petits couverts avant d’être lancée, longeant souvent les sillons sans les couper, un peu comme le renard, avant de faire de fréquents retours.

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Quarante ans plus tard, le lièvre ouvre moins longtemps, ce qui a permis de maintenir sa présence un peu partout, mais sans qu’on le chasse vraiment avec toute cette science qu’avait su accumuler nos anciens. C’est devenu pour les jeunes générations qui en voient bien d’autres aux battues, un gibier parmi d’autres, mais qui reste néanmoins pour nous tous encore, le roi de la chasse en plaine.

1/ Le tir « au gîte » reste une pratique controversée (parait-il ?) d’autrefois. Elle n’était pas, malgré tout,  imparable : on a vu des lièvres subir le premier coup mal ajusté…et s’enfuir d’un bond avant le second coup…lâché dans la précipitation, et souvent derrière…

2/ En faisant le dos rond et les oreilles baissées dessus…ce qui ne l’empêche pas d’aller vite, mais en offrant une cible plus rase. 

Notre photo ci-contre à g.  : les "jeunots" tel que celui-ci, (au fait, saurez-vous le reconnaître ?) voici quarante ans avaient plus d'opportunités que de nos jours de faire plusieurs lièvres à l'ouverture

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