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30 janvier 2017

Quelques anciennes idées reçues sur le lièvre

On nous demande parfois ce qu’on entend par « anciens auteurs », liste difficile à établir  sous peine de manque d’exhaustivité, mais qui représentent toujours des sources toujours savoureuses à exploiter. C’est d’ailleurs la philosophie de ce site, que de tenter d’éveiller l’attention des chasseurs contemporains sur ce qu’il y a d’intéressant dans les chasses d’autrefois où on chassait certes ( à peine !) autrement que de nos jours, mais avec plus d’occasions de rencontrer du gibier. « Rien de nouveau sous le soleil » nous disent pourtant certains qui prélèvent à peine deux chevreuils par an, mais se prévalent pourtant d’une plus grande expérience, que tous ces devanciers qui en prenaient chacun 80 par an !

tir lièvre

 

Ce n’est donc pas pour ces gens « savants de la science infuse » que nous fouillons inlassablement les archives et allons parler des idées reçues qui alimentaient le débat cynégétique il y a une centaine d’années sous forme de questions parfois curieuses au sujet de la chasse du lièvre. Elle était selon Le Coulteux de Canteleu : « la plus fine de toutes les chasses, et en quelque sorte la clef de toutes les autres ».

Comment différencier, à la vue la hase du bouquin? La question était d’importance aux courants où on ne chassait pas les levrauts censés « gâter les chiens et les rendre paresseux et musards », ni les hases difficiles à lancer. Leverrier de la Conterie proposait : « le bouquin est plus court, plus rouge et mieux râblé, culotté et gigotté que la hase, il a la tête plus ronde et plus grosse (…) la hase plus grande, plus lourde et les oreilles longues ». En situation, et où il faut se décider vite il faut bien dire que cette  recette laisse un peu perplexe. Les crottes ou repaires semblaient plus sûrs : petites, sèches et aiguillonnées pour les mâles, plus rondes et luisantes pour les femelles.

Le gîte est-il l’habitation du lièvre ? « On le tue à son lancer, et non à son gîte » dit encore « forme » qui n’est qu’une demeure de passage. Le lièvre s’en faisant tous les jours, sauf en situation de gel. Dort il les yeux ouverts ? Une vieille question qui fait un peu sourire de nos jours, mais qui avait la vie dure. Voici ce qu’en disait Simon de Bullandre en 1558 : « il dort les yeux ouverts où que soit le zéphyr, l’incite à se gîter sur un mont verdissant, ou quand le vent de chaleur nous martyre, rendons qu’il s’en va dans les blés jaunissants ». En fait c’est à observer son œil rond guetté au gîte que l’on croyait qu’il dormait toujours comme ça.

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Différence entre les lièvres dits « du pays » et ceux seulement de passage ? Le « local » était censé ruser et se faire prendre en son canton, l’étranger se faire lancer pour rejoindre son pays d’origine en droite ligne, parfois à plusieurs lieues de là. Pour les cantonner on recommandait de leur semer « des pelures de pommes dont ils sont friands », et surtout planter en beau milieu d’un champ une branche d’aubépine pour s’assurer que tous les lièvres du pays y viennent fienter.

Force du « sentiment » ? Jean du Bec, suivant en cela la théorie des humeurs voyait dans le lièvre « un petit animal mélancolique, sec et froid, en telle humeur qu’il est sans sentiment ». On a longtemps cru que ses pattes poilues, l’isolant du terrain, rendaient sa trace plus ténue que les autres animaux de chasse. Longévité ? Les mâles étaient renommés vivre 7-8 ans, il en fut tué de si vieux que leurs dents étaient usées jusqu’aux gencives…ce qui devait rendre le civet coriace… « mais en ces temps les gens avaient de bonnes dents » dixit Pierre Garnier ! La robustesse de l’animal était déjà reconnue : un lièvre dont les deux pattes avant lors d’une battue furent brisées par un coup de chevrotines, ne fut repris par les chiens qu’un kilomètre plus loin.

cor et liev

Raréfaction ? Une préoccupation toujours actuelle, « Dame Nature se montrant prévoyante car il a plein d’ennemis », la hase fait plus de levrauts qu’on le croit habituellement. Un couple peut ainsi engendrer dix lièvres car il est fécond dès le premier mois de sa vie, à dix mois. Cri du lièvre ? Seulement quand il est saisi par force ou pris par les chiens, ou au collet, à semblance de voix humaine dont celle d’un jeune enfant. La hase n’appelle pas ses petits, mais se signale à eux en agitant, d’un bruit imperceptible, ses oreilles l’une contre l’autre. Va-t-il au terrier ? Jamais, mais la question se posait car, pourchassé il pouvait s’y cacher. Faut-il le sonner ? On préconisait d’attendre qu’il soit loin, la peur pouvant le faire doubler ses voies et refroidir le sentiment.

Ses ruses ?  Jean du Bec l’avait remarqué « le lièvre qui va et vient sur lui-même, fournit tant de ruses ». On érigeait en axiome cynégétique le fait que crochetant, par exemple à gauche, il irait ainsi toujours faire retour de ce côté ensuite. Celle du « carrefour » était un entrelacement de voies effectué avant de se gîter, et c’est souvent grâce à neige, reconnue comme le « livre des ânes » qu’on parvenait à comprendre comment il échappait aux chiens. Notre voisin Leverrier de la Conterie, tout comme bien avant lui, du Fouilloux  (qui vit la même chose sur un étang), observèrent des lièvres passer et repasser deux fois la Vire à la nage, et même se laisser dériver par le courant pour se remiser sur une petite île. Leverrier, retardé et en train de réparer un de ses étriers et caché derrière un pommier vit un lièvre donner le change à un autre lièvre qu’il forcait à sortir, à coups de pattes, de son gîte, pour tout à coup faire hourvari d’un grand saut de côté. Ayant rallié, il remit la meute sur cette voie, et l’animal ne fut pris que douze km plus loin ! S’il n’y avait pas encore de chemins goudronnés, le dicton « lièvre forlongé sur chemin pierreux et un lièvre manqué » montre que le stratagème était ancien en forêt, sur les chemins sablonneux surtout quand les bois étaient pleins de rosée ou de pluie, voire de feuilles bruissantes. Leverrier, encore lui, après une heure de chasse, vit un lièvre faire 500 m sur une route, revenir sur ses pas…et se jeter par la fenêtre ouverte d’une petite chapelle !

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Toujours grâce à la neige fut percée l’énigme de trois lièvres toujours rabattus dans le même petits bois et jamais mis sur pied ensuite. Ils suivaient une coulée de renard, voie puante par excellence, dégoûtant les chiens qui battaient en retraite. Apprivoisés ? Comme le renard, même pris petits, ils finissent toujours par revenir à leur nature sauvage…mais on en a vu battre du tambour, mettre le feu à un petit canon avec leurs pattes, et même… faire les morts ! 

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