Vous reprendrez bien un peu de hure ?

Pour peu que vous fréquentiez abondamment les battues dans notre région de Bocage, il n’est plus question que de ça : le sanglier. Il en est vu, et tué partout, même inopinément et plus que jamais les chasseurs seront tenus d’emmener dans leur vieux paletot, la « balle franche » comme on disait autrefois. Ce grand gibier ayant c’est bien connu une « bonne tête », on va voir que plein d’expressions y font référence.

Il faut plutôt parler de « hure » pour l’ensemble se terminant par le groin, et surtout le boutoir, partie supérieure où les vibrisses, poils sensoriels lui aident grandement à faire les boutis, les fouilles, les vermillis, et même à muloter mais pas exactement comme le renard, plutôt en suivant les galeries des petits rongeurs pour dévaster leurs provisions de glands péniblement amassées pour l’hiver. Ses dents, défenses, dagues, limes ou broches (ce dernier terme  vaut aussi pour la première tête des cervidés) aident aux fougées qui déracines les plantes, et bien sûr à se défendre. Il s’agit des dents du bas qui, particulièrement chez les mâles poussent continuellement et s’aiguisent sur les grès du haut, effectuant une table d’usure qui doit pouvoir déterminer, comme l’aubier des arbres, l’âge de l’animal. On dit d’un ragot qu’il est « bellâtre » quand ses défenses sont déjà assez aiguisées pour blesser ou « découdre » un chien. De nos jours on les protège avec des camisoles qui existaient déjà au XVIè sous le nom de jacques. Les jeunes et les femelles ont des crocs ou crochets, ces dernières ayant plus tendance à mordre qu’à découdre lors des charges.

Avec tout cet outillage sophistiqué il ne faut pas oublier que le sanglier est capable d’herbeiller, c’est-à-dire de paître dans l’herbe (comme les vaches !), de nasiller en fouillant du groin dans la boue, de frouiller lorsqu’il rejette les bautres, chiques,  mâchonnages  et autres rejets alimentaires que l’oreille avisée de celui qui fait précautionneusement le pied, sait reconnaître de loin. Tout cela accompagne les affouchies ou travail, autres formes de boutis dans ses pérégrinations le plus souvent nocturnes.

Il avise tout cela avec ses mirettes d’où sanglier « miré » quand les défenses usées n’arrivent plus à dépasser les grès lesquels s’allongent en se recourbant vers l’œil. Et son ouïe n’est pas négligeable grâce à ses écoutes, assiettes ou oreilles souvent dressées. On le dit coiffé quand il est saisi ainsi par les chiens du vautrait,  d’où les exhortations des veneurs « aux coûtes…aux coûtes », sur les fermes « roulants » (quand il charge constamment en se déplaçant)  pour immobiliser l’animal dans un hallali où, sur ses fins, il aide le piqueux à se caler pour le servir le plus souvent en arrivant discrètement par derrière  au défaut de l’épaule derrière le cou là où commence l’armure et la paroi, peau très épaisse de sain, la sous-couche de lard de l’animal adulte. Chez les mâles à cet endroit commence la crinière, soies longues hérissées lors du rut ou en cas de danger.

A noter enfin que « vloo » signale le sanglier à vue, comme « taïaut » (1) l’est pour les cervidés. Même nuance pour le « vel-ci-aller » qui est le « vol ce l’est » (2) du sanglier.

1/De « taillis haut » ou hors taillis, voire « sorti du bois » si on veut. Une version militaire indique « taille haut » où épée (où on frappait « de taille » dans la chevalerie) brandie haute avant la charge.

2/Terme souvent utilisé de manière réductrice et abusive quand certains vont au poste, et voient des traces toutes fraîches. C’était à l’origine le cri du veneur signalant la vue ou le relever de l’animal de chasse, contraction de « je le vois ici aller ». Cette citation de Maurice Genevoix dans la Grande meute résume bien l’affaire : « Volcelest ho, Tapageault, le limier flaire et rebeauldit » ! Le chien Tapageault relève la trace, et s’esbaudit (vieux sens de se réjouir, de se relancer en se récriant) à nouveau.