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25 janvier 2019

Le loup chez nos voisins bretons en 1850

Nous semblons être enfin sortis des fausses pistes : le loup, c’est quasiment reconnu par tout le monde maintenant, est en expansion rapide dans notre pays, et ce n’est pas une bonne nouvelle pour nos campagnes. Pas besoin d’évoquer les souvenirs de la conquête du Yukon pour envisager à quoi on s’expose, il suffit de fouiner dans les archives de notre département voisin de l'Ille-et-Vilaine pour voir de quoi il retourne…

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Pays de landes et de forêts, ce département breton, frontalier de notre commune, se remet tout juste des guerres de la Révolution et de l’Empire quand il faut faire face à la prolifération du loup et « les ruineux brigandages de ces animaux désastreux » selon le maire de Plerguer, entre Dol et St-Malo en 1804. La nuit, en 1835 selon une lettre du maire d’Ercé-près-Liffré au préfet : « les lugubres hurlements se répandent d’un bout à l’autre de l’horizon, auxquels les chiens des hameaux répondent dans un vacarme épouvantable ». Le folkloriste Paul Sébillot qui sépare les loups en deux catégories, ceux qui s’attaquent aux chevaux, et ceux qui ne s’en prennent qu’aux moutons, note que les marchands de bestiaux doivent garder nuit et jour leurs enclos, et que, par temps de neige, il faut allumer de grands feux aux carrefours et entrées de villages pour préserver les moutons et surtout les chiens, cibles de prédilection du loup. En 1841, le maire de Vitré somme le sous-préfet d’organiser des battues contre les loups qui font des ravages aux portes mêmes de la ville.

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Ces autorités qui, sous l’Empire et la Restauration ayant de bonnes raisons, (séditions et insécurité générale, les munitions étant rares et surveillées), de différer celles-ci en invoquant les récoltes, participaient indirectement à la prolongation du fléau. Dans ce département, la chasse au loup était permise en tous temps, dévolue bien sûr à la louveterie dont les obligations étaient en 1814 de posséder au minimum un piqueux, une meute de dix courants et quatre limiers. Mais l’institution était débordée, et pas toujours efficace. En 1825 sur les 5 louvetiers du département, seuls deux  chassaient vraiment : le comte de Langle et M. de Chateaubourg qui, s’il tua 800 loups dans sa vie, cette année-là n’en fit que 8 contre 29 sangliers et 5 renards. C’était malgré tout un des meilleurs veneur d’Ille-et-Vilaine qui tuait une trentaine de loups par an, dont un record de 105 livres à son palmarès.

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Hors louveterie donc, la chasse s’organisait quand même avec l’ouverture (ordonnance du 9 juillet 1818) aux particuliers motivés, francs-tireurs au fusil ou au piège, dénicheurs au liteau pour la prime ou les quêtes alentour…aussitôt investies en bolées et chopines dans les estaminets ! Peu considérée, cette dernière activité n’était pas si aisée, Oberthur notant que les louveteaux « ont tout de suite une physionomie assez sauvage et hargneuse ». Il s’agissait de la reconnaissance de fait d’une activité de terrain déjà bien présente comme en atteste la reconnaissance de Pierre Guérin de Chalun (près Vitré), qui, en 1802 avait tué cent loups en dix ans. Quand la prédation dépassait les bornes ou que sévissait la rage (1) les gens se mobilisaient d’eux-mêmes comme en 1800, tous les ouvriers des forges de Port-Brillet et de Bréal qui bloquèrent la forêt du Pertre, les loups s’attaquant régulièrement aux chevaux qui débardaient le bois alimentant les fourneaux.

Les sous-préfets déclenchaient aussi de leur propre initiative des « huées » ou battues de grande ampleur où se mêlaient gens du pays, « pros » que nous venons de voir (2), et gentlemen veneurs dont nous allons parler plus loin. On a le cas en 1832 en forêt de Villecartier près d'Antrain « toutes les chasses faites précédemment avec des chiens n’ayant rien donné » avec une centaine de fusils répartis tous les cent pas avec, déjà, préconisation de ne pas tirer ni dans la traque ni dans la ligne, et surtout de ne viser que le loup. La plus importante de ce type eut lieu dix ans plus tard dans les Côtes du Nord (22, Côtes d’Armor de nos jours) à Yvignac, mobilisant 2000 hommes de tout l’arrondissement pour un résultat mitigé : 8 levés, deux tués.

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Les équipages de vénerie de leur côté qui menaient la danse depuis bien avant la Révolution comme le marquis d’Orvault (3) en forêt de Gâvre (dans le 44, en dessous de Bain-de-Bretagne), reprirent leurs activités, mais avec des meutes « retrempées », la plupart de leurs chiens ayant été fusillés à la Révolution. La vieille race des grands fauves de Bretagne très créancée loup en pâtit un peu, surtout après l’apparition du sanglier dans le département en 1814. Grâce au Vte Le Coulteux de Canteleu on sait que certains maîtres d’équipages n’hésitèrent pas à instiller du sang de loup dans certaines meutes (4). Sous la Restauration, le marquis de Coislin et son beau-frère M. de Botdéru possédaient quarante grands fauves de Bretagne chassant de préférence le loup et le sanglier, et son fils les croisa même ensuite avec des griffons du Berry, pays d’origine de son épouse Mlle de Lancosme. Ce qui donnait des chiens ardents et mordants certes, mais cette dernière qualité, s’illustrant parfois aussi au détriment des moutons…ou des étrangers de passage !

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Fondé à cette époque l’équipage de Boisfleury à Guéméné-Penfao, découplant aux limites de l’Ille-et-Vilaine et du Morbihan possédait 35 chiens de l’ancienne race bretonne à poil dur provenant des lices de M. de Botdéru, vu plus haut, croisées ensuite à un étalon anglais : il tua 29 loups en 1838. Ils prenaient le plus souvent des louvarts ou des femelles, les grands vieux loups étant réputés imprenables car prenant tout de suite un grand parti, débûchant vite et se forlongeant en prenant de plus en plus d’avance. Malgré les relais de dix chiens postés à l’avance on vit ainsi un grand loup mené de la forêt du Gâvre, jusqu’à la ville d’Ernée en Mayenne, aux confins de la Normandie et du Maine, soit un parcours de 120   km dans la journée ! Tous ces chasseurs étaient bien sûr également motivés pas les pertes infligées au gibier qu’ils chassaient habituellement, telles celles citées par Clamorgan en 1864 « …s’en prennent aux faons des bettes fauves, biches et cerfs, petits cochons sous la laye, et chevreux »

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Le poison (strychnine en particulier) venant s’ajouter à toutes ces associations de bonnes volontés, permit de lever la pression du loup sur les campagnes : en 1843 on ne citait plus qu’un seul  loup tué dans l’arrondissement de Fougères (à St-Sauveur-des-Landes), 6 à Montfort, 3 à St-Malo (Meillac), et en 1890 ne furent plus versées que 327 primes, cette fois, pour la France entière. Un bon siècle plus tard, et en ayant déjà bien du mal avec le sanglier, prions le Bon Dieu pour que le loup ne vienne pas en rajouter à nos difficultés actuelles de chasseurs ruraux…

1/ En 1816, une louve enragée mordit 6 personnes (un mort) à St-Erblon, Bruz, Bourg-des-Comtes. En 1872, deux mordus et un mort à Bécherel.

2/On piégeait l’hiver, par temps de neige avec des fosses, et des équipes spécialisées au collet venaient de la Mayenne toute proche pour toucher la prime. Fallait rapporter les oreilles ou les pattes. Par sécurité, car il y avait pas mal de triche, certains trimballaient même la bête toute entière qui, même morte, faisait emballer les chevaux !

3/Ce dernier était réputé avoir incorporé dans sa meute un…renard qui, d’ailleurs fut un jour tué lors d’un ferme, par un de ses congénères.

4/ Le comte de Kergolas eut ainsi un louveteau élevé par une de ses lices, et les « mulets » issus de ces croisements se reproduisaient avec facilité  vivant en parfaite intelligence dans la meute. Le Coulteux de Canteleu a montré que les louves en chaleur pouvaient fort bien se faire couvrir par des chiens de berger vagabonds. Il tua en 1872 « un grand chien loup noir qui avait une tête de dogue, une oreille tombante, et qui, pour tout le reste, était un loup ». En 1892 encore, le vicomte de St-Paul décima une petite meute de loups métis « dont les louvarts étaient de toutes les teintes ».

 

 

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