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FCM 25.00
2 mai 2019

Dossier superposés Remington (I) : la gestation difficile des modèles 32 et 3200

Succès ou échec ? Les réussites industrielles se jouent le plus souvent à peu de choses, et si les USA, produisirent beaucoup de juxtaposés, mais de faible niveau technique, côté superposés… ils sont  plus ou moins passés…à côté du sujet ! Et quand ils eurent de bonnes idées…elles furent même exploitées par d’autres !

images

 

Pourtant, au palmarès de la revue « Outdoor Life » des 25 meilleurs fusils des cent dernières années, on trouve un superposé quasi inconnu chez nous, le Remington 3200 qui arrive juste avant une légende cette fois internationale, le B.25…lequel n’est américain que par la nationalité de son génial inventeur, John Moses Browning, l’arme fameuse ayant longtemps été fabriquée…à Liège !

Déjà là, on partait d’un raté monumental que tout le monde connaît : John Moses Browning qui avait bien perçu l’intérêt de son prototype de semi-auto, lassé des tergiversations de Winchester alla le présenter à Remington… dont le directeur commercial cassa sa pipe le jour même du premier contact ! Le temps que la firme d’Ilion réagisse, car en ce domaine comme on dit « il faut battre le fer pendant qu’il est chaud » John Moses Browning qui avait déjà des contacts avec la FN de Liège pour d’autres armes, les approfondit en Belgique (où d’ailleurs il s’éteint en 1926) pour sortir l’Auto 5, mais aussi  le superposé B.25 avec le succès international que l’on sait. Il perdure encore d’ailleurs jusqu’à nos jours ! Il avait compris qu’il existait un marché pour des superposés de bonne qualité, mais moins onéreux que les Britanniques (Boss, Woodward, etc.) qui avaient ouvert la voie.

Du Modèle 32 : une réussite inachevée…

téléchargement

Toute l’Histoire mouvementée des superposés Remington ressort un peu de ce rendez-vous manqué car c’est en réponse à la version sport du B 25 (en 1931) que fut conçu l’année suivante le Remington 32, une arme en tous points originale et  réussie avec des innovations telles la séparation des canons (comme le Baby Bretton),  le verrou en tuile (idem notre Petrik), ou la mono-détente Miller, mais qui peina à trouver son marché : 6000 seulement de vendus entre 1932 et 1941 pour des raisons économiques, avec trop de travail « manuel » face à l’automatisation naissante, et surtout conjoncturelles.

Model_32_P2_1

Les Etats-Unis peinaient  en effet à se relever de la crise de 1929, et Pearl Harbour jeta tout à coup massivement les industries du pays, dont bien sûr les constructeurs d’armes et bien d’autres, dans l’effort de guerre. Inutile, bien sûr, de préciser que ce Remington M 32 est un « collector » avidement recherché au pays de l’oncle Sam,  car il est en 27è position du classement des 50 meilleurs fusils de chasse jamais fabriqués pour la revue Field and Stream, et même en Europe où, il est vrai, on a peu de chance d’en voir passer…Et comme, en plus, il a joui dans « Best Guns » de Mickaël Mac Intosh, véritable bible des armes US, d’une excellente pub le dotant d’un meilleur design technique que « The Superposed » Browning qui l’avait précédé de quelques années, les fans des deux camps s’écharpent gaiement  en joutes épiques sur le Net. A noter que ce M 32 ne fut fait par Remington qu’en calibre 12, et quelques-uns en 20 et 410 dans « l’aftermarket »  ou la « customisation » comme on dit de nos jours, par Simmons Guns Specialities qui fit aussi des bandes ventilées et canons pour spéciales de tir sportif  dès l’immédiat après-guerre et jusqu’à nos jours.

…au 3200 qui ne put trouver sa place

Quand le conflit fut terminé, le marché de l’arme de chasse US avait évolué avec l’apparition des premiers semi-autos à  emprunt de gaz (pour contrer l’ autre célèbre  invention  de Browning : le long recul du canon et son fameux Auto 5) et Remington d’autres chats à fouetter, notamment répondre au succès de certaines de ses armes rayées comme le modèle 700, ou ses innombrables versions de fusils à pompe et semi-autos, que de relancer le concept superposé, lequel n’avait connu on l’a vu, qu’un faible succès d’estime. Les affaires étant les affaires, il en céda donc les droits à la fin des années 50 à une obscure firme allemande, toute heureuse d’être passée entre les mailles du filet des tribulations de la guerre en Europe, et appelée à un bel avenir partout dans le monde…Krieghoff ! Nous allons  en reparler au chapitre suivant…

3200

Hal Du Pont,  dirigeant de Remington qui faisait partie du groupe d’investisseurs ayant aidé à la reprise de cette petite entreprise allemande comprit son erreur quand le Krieghoff K 32,  véritable clone, mais amélioré du M 32, devint populaire et bâtit son succès ensuite sur cette ligne qui aboutit plus tard à mieux encore, avec le K 80. Pour tenter de rattraper le coup, l’ingénieur Remington John Lindy fut donc chargé en 1973 de tenter de relancer l’idée d’avant-guerre mais en la bonifiant avec les outils de l’époque : débuts des machines automatisées et de la conception assistée par ordinateur. On reprenait ce qui avait fait l’attrait de l’ancêtre, notamment le verrou en tuile et les canons séparés, surtout pour concurrencer le succès des Miroku  qui, sur la décennie 1963-1973, via l’importateur Charles Daly se vendaient comme des petits pains (5000 par an à son apogée !),  puis les Browning Citori (à partir de 1976) fabriqués au Japon ensuite dans le cadre d’un nouveau partenariat entre Browning et de nouveau la firme nipponne de Kochi ! Mais les coûts de main d’œuvre n’y étaient pas identiques d’une rive du Pacifique à l’autre, même si on comptait sur le chauvinisme armurier ambiant et le « proudly made in U.S.A. »  (que l’on peut traduire par « fièrement fabriqué aux USA » ), pour faire la différence.

C’est un peu ce qui explique les cafouillages de départ quand il fallut dès 1976, rappeler sur des numéros de série s’échelonnant de 4200 à 48 000 (sur 42 000 produits au total) pas moins de 30 000 armes ! Les percuteurs étant solidaires du chien, les tirs à sec étaient déconseillés, et de toute façon, à force de taper sur la face arrière d’une  bascule pas assez épaisse, ils finissaient par l’affaiblir,  voire ovaliser les orifices de percussion.  On risquait de voir ressurgir le spectre de l’enclouage bien oublié depuis le temps des fusils à chiens ! Quant aux ressorts d’éjection, beaucoup trop durs, prenant appui fortement sur le  fer de la longuesse, ils finissaient par fendiller le bois de cette dernière.

Craignant un procès retentissant toujours possible dans un pays hautement  procédurier en matière industrielle, Remington ajouta une barre  métallique en fond de bascule, plus quelques autres ajustements mineurs, cette « remise à niveau » étant matérialisée  pour ceux que ça intéresse, par deux vis hexacaves  bien visibles quand le fusil est ouvert, et surtout un petit coup de pointeau juste derrière la mention OU (over and under : superposé) précédant le numéro de série. Toutes ces modifications se firent gratuitement, garantie « à vie » oblige (…une autre erreur funeste !), puis systématiquement d’usine ensuite. Mais elles sont toujours possibles, même de nos jours (comptez 700 dollars) si vous mettez la main sur un de ces fusils originaux, par l’armurier (Patrick Laib à Spicer dans le Minnesota) qui a récupéré tout le stock de pièces du 3200, quand la production  cessa en 1984.

téléchargement (1)

Hormis toutes ces erreurs de jeunesse, le 3200 reste un fusil qui a beaucoup de fans aux USA car il en fut produit un assez grand nombre (42 000 on l’a vu) dans toutes longueurs de canons, de style : sporting trap et skeet, chasse (Outland), et même un modèle qui fit une apparition timide sur le marché européen dans un moment assez inopportun il faut le dire…celui où arrivaient en force de ce côté-ci de l’Atlantique les superposés italiens ! Il proposait aux USA d’importantes nuances de « grades » c’est-à-dire de niveaux de préparation qui pouvaient faire varier le prix du simple (autour de 500 dollars) au double pour les séries spéciales « un sur 500 » ou « un sur mille » par un Custom shop qui continua même à faire quelques fusils personnalisés après 1984. Une centaine de fusils partit même en Belgique bénéficier du traitement des meilleurs graveurs de l’époque, bien sûr, avec une majoration de prix en conséquence de 25 %. Avec chokes fixes au départ, il disposa assez vite d’adaptables Briley à parois minces, sous l’influence des tireurs de trap et de skeet avec un premier fusil exclusivement dédié à cet exercice dès 1976. En 1980 apparurent des petits calibres (20, 28, 410) et même, idée assez visionnaire, de 1975 à 1977 (900 élément seulement produits) un 12 Magnum qui fut le premier superposé au monde à  proposer, de série, des canons prévus pour le tir à la grenaille de substitution. Sur le plan sportif, Matt Dryke gagna avec le 3200, la médaille d’or en skeet aux Jeux Olympiques de 1984.

Les atouts  étaient son verrouillage haut en tuile, rapide et sûr, prisé des pas de tir, ses canons séparés qui ne pivotaient pas sur des axes remplaçables mais des fentes aménagées dans la bascule, des déclencheurs mécaniques ne dépendant pas du recul, et même une sécurité originale jamais reprise ailleurs, positionnée au plan médian des sélecteurs de canons pour le tir. A gauche on faisait tirer le canon supérieur, à droite l’inférieur, au milieu tout était bloqué et c’était simple comme bonjour.  Les bois étaient le plus souvent de très belle qualité, tout comme son prédécesseur le M 32 dont il est dit que les ventes difficiles, liées à la grande dépression de 1929, amenaient à le doter des meilleurs lots de la pile ! Son poids conséquent (3,5 kg) était compensé par un centre de gravité plus près de la main forte et de la bascule du fait de la géométrie légère des canons.

Remington, on ne peut que le constater, rata donc à deux reprise le coche du superposé du fait que ce n’était pas une marque « de niche ». Le prix du 3200 était trop élevé pour le chasseur de base qui trouvait après- guerre (notamment chez Remington qui en fit des millions) en fusils à pompe ou semi-auto tout ce qu’il lui fallait à beaucoup moins cher. Et paradoxalement, le produit n’était  pas assez valorisé côté constructeur pour faire du profit vu le peu d’éléments vendus. Le meilleur exemple en étant, avec quasiment la même arme (beaucoup de pièces du M32 et du K 32 sont interchangeables), le succès de Krieghoff qui s’adapta tout de suite et avec succès chez les sportifs car il sut et put immédiatement tenir compte et réagir à ce qui émanait des pas de tir. Le modèle 3200, on l’a vu était certes un bon fusil d’usage mais qui ne pouvait sans les modifications importantes faites ensuite d’office en usine, tenir longtemps la charge de cadences élevées imposée par le tir de compétition. Le K 80, « demi-frère » en quelque sorte du 3200 puisqu’ils avaient  tous deux le même « papa »,  (soit le M 32 vu plus haut), malgré la proximité de conception d’origine était à des années-lumière de son concurrent direct. Krieghoff,  entreprise établie depuis 1980 aux Etats-Unis, ayant considérablement amélioré le K 32 issu du vieux M 32 pour  faire  avec le K 80 et ses notables améliorations, un fusil de conception modulaire permettant tous les choix sur les pas de tir et à la chasse.

Sa relativement  forte production pour un superposé fait du Remington 3200 un fusil encore populaire aux States qui peut  valoir 1500 dollars de nos jours, que les mises à jour aient été effectuées ou non, surtout si on reste un tireur occasionnel qui ne tire qu’une centaine de cartouches par an. Les ajustements (notamment chez le spécialiste cité plus haut) peuvent le faire monter à 2200 dollars, soit 1854 de nos bons euros, ce qui n’est pas mal pour une arme vieille de 50 ans et qui a sans doute beaucoup tiré car elle a souvent été destinée au tir sportif. Mais le fait d’être restée « proudly american »  ou fièrement américaine est à ce prix ! La devise « America first » brandie par certains de nos jours, comme on le voit ne date pas d’aujourd’hui…

Prochain envoi :  les superposés Remington (II), la filiation Remington-Krieghoff

 

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