La "bonne réputation" du 270 Winchester

On l’a vu dans notre dernier envoi, le 30-06 Springfield entraîne dans son sillage, plusieurs calibres « medium » qui lui sont associés ou en sont issus, avec des performances finalement assez proches. Chez ces derniers, le 270 Winchester occupe une place à part car ce fut à sa sortie en 1925 un véritable « ovni », et curieusement il a même survécu et va sans doute enterrer le 270 Winchester Short Magnum apparu récemment ! Voir les deux cartouches comparées ci-dessous, l'aîné, logiquement plus grand, étant à gauche. Tout ça parce qu’il a la réputation d’être plus « précis » que tout le monde. On va tenter de comprendre pourquoi…

C’est un calibre qui semble intemporel, polyvalent certes mais un poil « limite » vers le bas à la battue sur les très gros animaux. Néanmoins, il n’est pas sûr que la toute nouvelle coqueluche qu’est le 6,5 Creedmoor lui fasse elle aussi la peau. Sa naissance entre 1922 et 1925, malgré les recherches assidues des spécialistes US, et dieu sait s’ils sont légion, demeure un mystère car sa balle (277) ne correspond à rien, peut-être à des études pour une vague commande de munition chinoise, mais rien de sûr ? Autre curiosité c’est exclusivement un calibre de chasse, qui ne fut jamais réglementaire, ni « militarisé » de quelque sorte par exemple pour les forces de l’ordre, comme le sniping. Et personne, alors que c’est un calibre réputé précis, ne s’en est servi pour en extrapoler un « wildcat » destiné au bench rest et autres compétitions de tir à longue distance dont sont si friands nos amis yankees.

D’ailleurs faudrait-il aussi s’entendre sur le terme « précis »…si utilisé dans un rossignol mal entretenu, mais justement…il y en a peu, même si on l’a vu il s’agit d’un calibre exclusivement de chasse, avec donc tout ce que cela implique d’emploi dans des conditions de terrain difficiles, intempéries, chocs, etc. Le 270, nous l’avons déjà longuement expliqué ici, dut son succès à l’excellente campagne de « marketing » dirait-on de nos jours, menée par le grand auteur Jack O’Connor, et la polémique qui s’ensuivit avec un autre auteur, Elmer Keith qui était lui, le chantre des gros calibres puissants, tant en armes de poing que d’épaule. Même au calibre douze, sa recette était simple : canon lisse et "buckshots", soit chevrotines ! Pour toutes sortes de raisons il détestait O’Connor, la polémique faisait vendre du papier, les deux adversaires sont partis depuis longtemps rejoindre St-Hubert, mais la polémique se poursuit encore sur le Net pour tous les amateurs d’armes dont nous sommes. Mais le contexte de l’époque, avant-guerre rappelons-le, était bien différent.

L’avis de ces « grands auteurs » comptait beaucoup plus, ils voyageaient tout le temps, le gibier était abondant, ils pouvaient accumuler une experience pratique inaccessible de nos jours où, en quelques « clics » et sans bouger de chez soi,  le monde entier s’offre à vous. Une grande partie de l’antagonisme entre les deux hommes venait d’ailleurs un peu de là, Keith reprochant à O’Connor d’être plus fort…à la machine à écrire, que carabine en main ! Malgré tout, ce dernier, avec le 270  (ci-contre à dr.) prit quasiment tous les gibiers non dangereux, et le fit savoir brillamment. La réputation de ce calibre était donc bien établie après-guerre…où justement il ne fut jamais tiré ! Il n’eût pas à souffrir de tirs hasardeux dans des armes de surplus brinquebalantes, avec des stocks de munitions périmées. Il continua d’être fabriqué, avec qualité, selon une conception aboutie depuis déjà plusieurs décennies (celle des carabines à verrou système Mauser), la munition à haute pression du fait de la vitesse élevée, requérant un cahier des charges rigoureux et un niveau de contrôle de qualité élevé pour l’époque, gage d’une production uniforme, garantissant des performances égales et constantes. Tous les atouts techniques étaient donc encore restés de son côté.

Influence sans doute des articles pertinents de Jack O’Connor, le 270 obtint dès lors, l’aura d’un calibre « de connaisseurs », négligeant, malgré sa proximité (1) le 30-06 omniprésent. Il s'agissait de purs chasseurs, sachant placer leur balle, gens prêts à mettre le prix dans des armes originales de qualité. Inutile de dire que l’avis de cette clientèle là, compta sans doute beaucoup aussi, tant du côté des fabricants, que des futurs acheteurs…Et imperturbablement, le 270 Winchester continue son petit bonhomme de chemin, même encore de nos jours où il sort bientôt une nouvelle petite merveille tous les mois !

1/ Le 270W utilise le même boitier que le 30-06, mais avec une balle de 277’’, un peu moins puissante malgré la même densité de section, mais avec recul plus faible, donc une meilleure utilisation pratique. Conçu autour d’une balle de 130 grains en 1925, il a été étendu depuis jusqu’à 165 grains, voire 180 pour ceux qui rechargent, mais au détriment de son allonge et de sa trajectoire plate. C'est par excellence le calibre "passe-partout" pour tout grand gibier moyen.