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15 novembre 2023

"Nuisibles" d'autrefois : brigands des campagnes, pirates des poulaillers

Au moment « woke » où il faut appeler le rat « surmulot » pour ne pas le vexer, engageons-nous sur la voie étroite et périlleuse des « nuisibles » tels qu’on les connaissait voici quelques lustres, disons quand nous avons commencé à porter le fusil. Le « politiquement correct » n’était pas né, et on appelait un chat…un chat « haret » qu’il convenait…d’arrêter, surtout s’il était continuellement en maraude !

un

Il y avait encore des gardes à l’ancienne, espèce devenue rare car moissonnée à Verdun, personnages trop souvent confondus avec le « champêtre », autre figure pittoresque et bourrue qu’on rencontrait, l’œil soupçonneux à l’orée du bois. C’était un métier à part entière demandant une certaine endurance à traquer les « bracos » dont ils connaissaient toutes les ficelles, conduire les chasses (battue, fermé, chaudron) organiser lignes et tableaux en connaissant la législation et les droits, parfois tenir aussi le chenil. C’est dans l’élevage et la protection du gibier qu’ils rencontraient les « nuisibles », véritables « sauvageons » de la cambrousse.

deux

Quelques clics sur le Net nous montrent qu’il existe désormais pléthore d’associations pleines de bons sentiments exaltant l’utilité du renard et même des « grolles », corneilles et freux chers à Rabelais, tous ces becs droits dont la cacophonie charme les oreilles de tous les coureurs des bois. On connait leurs relations houleuses et tendues avec tous les rapaces diurnes et nocturnes avec lesquels ils se « houspillent » en attaques individuelles ou collectives tapageuses. La pie bavarde à l’activité incessante en sous-bois agite son impressionnant organe à tout prétexte : vol d’une buse dans le ciel, chat en braconne dans les fossés, et le ton monte vite quand, en plus, deux ou trois collègues arrivent à la rescousse à tire d’aile, même parfois renforcés par le geai, autre pillard, sentinelle des bois chamarré de noir-blanc-bleu.

trois

Tous ces « becs droits » étaient dotés d’un pic puissant venant à bout de tout, qui s’associaient pour multiplier les dégâts tant dans les semis que dans les vergers, et surtout en ce qui concerne la chasse, sur les couvées de perdreaux, de faisans, et même de lapereaux et levrauts. Avant même d’être piégés aux « tendues » que l’on dispersait habilement pour ne pas donner l’éveil à ces oiseaux naturellement méfiants, les gamins des villages les dénichaient pour une prime dérisoire qui était certifiée par la gendarmerie au terme d’escalades périlleuses. Les inaccessibles étaient gratifiés d’une cartouche que la société locale fournissait aux gardes ou aux volontaires, et les victimes étaient parfois vendus comme « pigeonneaux » en terrines, entrelardés ou en civets comme les poules d’eau et les judelles…Seul le goût (fort assurément !) changeait un peu…

quatre

De nos jours, restent les campagnes de régulation de printemps qui permettent aux chasseurs habilités de se familiariser à l’intelligence de ces oiseaux, que connaissent bien ceux qui affûtent aux pigeons et aux formes. Malgré leurs appels sonores, ils ne sont pas si faciles que ça à tirer car, en plus d’avoir l’œil, ils ne tiennent que fort peu de temps la pose. Et au moindre geste ils décampent. Dans le même acabit côté prédation sur des proies peu alertes (poussins, volailles), mais tir interdit, il est plaisant d’observer le vol lent et lui aussi bruyant des buses, qui se perchent à proximité avant, comme un aigle royal vu leur envergure dépassant souvent le mètre, de s’abattre serres en avant sur les leurres en plastique et qui en sont fort dépitées !

Bien oublié de nos jours depuis la catastrophe de 1956 et l’épizootie de myxomatose, le lapin était souvent taxé lui aussi de nuisibles, avec son corollaire de chasse, le furet, toujours plus ou moins présent dans nos campagnes, mais presque toujours frappé d’interdit. Il s’entourait d’une ambiance particulière déjà au tir hasardeux en matière de sécurité, mais aussi avec ses mœurs mystérieuses : dormant souvent, surtout au fond du terrier quand il avait coincé un jeannot naïf « comme un lapin de six semaines » ! Son alimentation nourrissait toute une exégése : fallait-il le nourrir de viande, ou seulement de pain et de lait ? Pour plus de vigueur, on conseillait la viande fraîche tous les 2-3 jours, et surtout pas de sel, censé être pour lui, un poison violent. Par ailleurs c’étaient bien souvent les mêmes qui pourchassaient sans pitié, en déterrant, mais aussi par le piège, le gaz, et même le poison, renards et blaireaux. Dans cette lutte incessante, les « puants » n’étaient pas oubliés.

six

Leur intérêt dans la lutte contre les rongeurs, (démontrée maintenant par les scientifiques), mais surtout la disparition des protagonistes disposant du savoir-faire pour les prendre, a fait passer au second plan cette lutte souterraine et sournoise autrefois intense et permanente. La fouine, hantant les habitations, hangars, granges, meules de foin, ruines, jamais bien loin des poulaillers arrivait en tête des objectifs devant le putois vivant plus proche de l’eau, et ne se rapprochant des hameaux que l’hiver. L’hermine faisait un peu la même chose s’installant en lisière près des maisons aux premières gelées, son immaculé pelage d’hiver étant recherché pour le costume d’apparat des rois ou de certains magistrats, et entrant d’ailleurs dans les armes de la province bretonne. La martre n’était rencontrée que dans les bois, chassant de nuit écureuils et mulots, pillant les nids dans un vaste domaine, grimpant et sautant sur un parcours habituel délimité par une substance odorante déposée par une glande située à la base de sa queue longue et touffue. Enfin la belette, de plus petit format, complétait le tableau de ces mustélidés féroces qu’il ne fallait pas laisser proliférer (1), ni dans la campagne et encore moins près des habitations, autour des basses cours, et des garennes.

cinq

Avec le temps, selon la chanson « tout s’en va », il est inconvenant de parler désormais de « nuisibles », à peine de se faire mordre autrement par les réseaux sociaux…Certaines pratiques ont cessé, d’autres sont apparues inopinément et prospèrent (ragondin par exemple), et sur la liste des ennemis des cultures (ou plutôt des élevages) arrivent même maintenant les étourneaux qui parait-il, seraient eux aussi comestibles ! A quand donc le pâté, sinon d’alouette, mais de sansonnet ? Comme dit l’autre « faute de grives, on mange des merles » !

1/ Pour la martre et la fouine, rut en juillet-août, de 3 à 6 petits qui naissent en avril-mai, sevrés à 3 mois. Les putois (idem 4 à 6 par portée) dès 5-6 semaines suivent leur mère de nuit, et sont autonomes à 3 mois. L’hermine qui se reproduit de mai à août, peut faire des portées de 10 si les rongeurs sont abondants ! Tous ces mustélidés étaient chassés et piégés (sauf le vison), et même le hérisson, certes utile car détruisant insectes et mollusques, mais pouvant lui aussi s’attaquer aux nids de cailles et de perdrix. Tous ces gibiers naturels ayant plus ou moins disparu, le commun des chasseurs fout maintenant une paix royale à ces petits fauves comme les martres dont on a plaisir à observer les jeux parfois quand la nuit tombe sur la campagne, en fin d’affût au chevreuil d’été.

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