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4 décembre 2023

Contre la bise de "Nordêt" : coup de kaoua et l'antigel qui va avec !

Accompagné de la « bonne goutte », la dégustation du noir breuvage, tenait partout d'un véritable rituel auquel personne n'échappait en campagne, qu'il s'agisse du « vésin », du facteur, du chasseur passant à portée de la ferme au bout du chemin, bref de tout hôte de passage dans notre Bocage normand.

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Toujours à proximité de l'âtre il restait ainsi à « mouriner » des heures de temps, avec donc une qualité variable selon les fermes qui s'approvisionnaient majoritairement près des colporteurs, (notamment du fameux « Planteur de Caïffa ») qui apportaient aussi deux fois dans le mois environ, allumettes, épingles et autres petits objets bien utiles dans la vie quotidienne à la campagne. Le café vous était servi bien chaud, voire quasi bouillant (malgré le fameux adage : « café bouillu, café foutu » !) dans une petite tasse remplie à ras. On avalait une première lampée « pour faire de la place »...ce qui permettait de juger le visiteur ! Grand place voulait ainsi dire...beaucoup de goutte ! Et quand on avait avalé les dernières larmes de ce mélange, il y avait toujours la redoutable « rincette » ! La plus élémentaire prudence étant de demander à se servir soi-même, ce qui restait possible vu les règles de l'hospitalité, notamment si l'on arrivait la première fois dans une « place ». Du fait des « connaissances », qui se répétaient plusieurs fois par an en campagne quand on a souvent besoin des autres pour un « coup de main », on avait vite fait de jauger son visiteur...et de le traiter en conséquence !

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Chez certains paysans réputés pour « regarder pousser l'herbe », c'est-à-dire, attendre les allées et venues de tout un chacun dans la commune, fallait particulièrement se méfier des « embuscades » et autres « coups de pieds de barriques » où le rituel se prolongeait à loisir. Il fallait sans cesse en reprendre un « pour ne pas partir boiteux, sur une jambe », voire une « miséricorde » équivalent au « pt'it dernier pour la route ». A cette époque où il n'y avait pas beaucoup d'automobiles, (ni d'alcootest !), la traction animale pourvoyait à tout, et les vieilles juments qui connaissaient la route, étaient rompues à ramener seules le patron assoupi dans le fond de la carriole, à domicile. Comme disait l’autre : « vaut mieux boire un verre et s’en ressentir, que de ne pas savoir et de s’en repentir » !

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Certaines maisons étaient ainsi renommées « assommer » leurs visiteurs, et leurs exploits faisaient le tour du village, que l'on se racontait au bistrot après la messe, ou mieux encore au marché où les patrons, après affaires se retrouvaient entre hommes, les épouses ne goûtant guère toutes ces « histouères » de "bésson" faisant jaser tout le voisinage...

Là aussi d'ailleurs, fallait se méfier : l'hiver, les plus prévoyants chasseurs emmenaient avec eux, la « taôpette », petit flacon d'un quart de litre déjà, vite englouti pour peu que souffle un vilain vent de « Nordêt » celui qui faisait venir vanneaux, canards et bécasses à tire d’aile. Si la passée tardait, obligeant à piétiner dans la bise, fallait bien vite se retrouver au chaud à l’estaminet le plus proche pour encaisser l’horreur de la bredouille. Le plus souvent on attaquait une « demoiselle » (un sixième de litre) de « blanche » (1) où, si on était plus de quatre son double, le « petit pot ». Les discussions aidant, ainsi que les allées et venues vers les commodités (du fait des propriétés diurétiques bien connues du café), certains alignaient ainsi une bonne demi-douzaine de tournées, de quoi effectivement, plus ou moins ...endormir le client, et les affres du buisson creux et de la retraite manquée ! Après, fallait encore rentrer dans ses pénates le pas mal assuré certes, mais à l'époque des chiens courants, ceux manquant à l'appel offraient tous les prétextes de retours aussi tardifs, de recherches hasardeuses à la lumière du fanal et au son de la trompe dans l'obscurité, échappatoire à ne pas trop utiliser souvent, à peine de dormir bien vite à "l'hôtel du c...l retourné" ! La Chasse apprend certes à dénouer les ruses du gibier, mais aussi celles du ménage...

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(1)   : appelée ainsi du nom de « l'ieau blanche ou petite ieau » qui la première, sortait du serpentin tout au bout de la « bouillotte ». Cette « première venue », imbuvable, titrait à 80°, mais on en gardait toujours un litre de côté pour usage médical ou vétérinaire comme antiseptique et cicatrisant pour les chiens décousus par un solitaire, parfois en y mettant en plus des herbes à macérer. On stoppait l'opération quand la goutte ne pesait plus que 25 degrés...ce qui donnait quand même une moyenne de 65 degrés environ à la cuvée de l'année! La goutte n'était, en fait buvable qu'après un séjour d'au moins six mois dans un fût de chêne, mais mélangée avec celle des années précédentes (il en restait toujours des fonds de caveaux notamment dans les commerces qui avaient comme on dit « du débit »…), et consommée avec du café, elle « passait » pour les clients assez peu regardants...peu importe le flacon, pourvu qu'on ait l'ivresse !

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