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FCM 25.00
14 mars 2024

La fin des vaches maigres pour les bourres grasses ?

Les préoccupations « vertes » du moment font revenir sur le devant de l’actualité, cet art désormais méconnu (à part ceux qui, bien sûr, rechargent) des bourres dites « grasses ». Si on en juge par les questions souvent posées, leur emploi sur le terrain n’est pas toujours compris : plus homogènes et régulières, plus dispersantes, ou réservées aux seuls tirs de près ?

Il faut revenir au mitan des années 50-60 et notre regard émerveillé de garçonnet déjà touché par la magie de tourner la manivelle du sertisseur et la poésie de la subtilité des poudres (1) pour comprendre les arcanes des fusils de l’époque qu’il faut impérativement comprendre si on veut les apprécier de nos jours. Les chokes étaient fixes, bien plus serrés, les types d’âmes et de raccordements bien différents des technologies actuelles avec un fort impact sur le rendement des bourres à l’utilisation subtile, véritable « art » qu’il fallait maîtriser selon son utilisation future. La chasse devant soi, à la billebaude, levait après l’Occupation beaucoup plus de gibier qu’il fallait, depuis les travaux du général Journée, frapper selon la fameuse loi dite des « cinq atteintes » garantissant 77% de succès, le restant étant dévolu au chien omniprésent aux côtés du chasseur.

Selon le terrain, il y avait déjà les « best-sellers » comme la « Tribloc » (2) de feutre rose et liège un matériau massivement employé, mais rarement seul car si sa souplesse amortissante resserrait la gerbe, elle la ralentissait aussi d’où souvent une association avec de la cire ou un lubrifiant qui, réchauffé par la pression du coup de feu, redonnait de la vitesse. Un procédé repris par la bourre « Iris » avec trois étages de duretés différentes, cire « rouge » et feutre pour assurer une gerbe régulière et compacte. La bourre « Gabel » opérait elle, avec des petits grains de liège contenu dans un petit cylindre en carton graissé serti aux deux bouts, les étuis en carton ciré, plus épais que le plastique qui fit son apparition dans les années 70 (3) jouant aussi son rôle d’amortisseur, cette fois latéral.

On le comprend, dans des armes aux cotes bien arrêtées depuis des décennies, tout était affaire d’étanchéité avec des coupelles intercalaires de diverses épaisseurs séparant déjà la poudre et la bourre (pour l’empêcher de migrer vers le haut), puis une autre de la charge de plomb. Et pour le sertissage final on conseillait encore la rondelle (numérotée pour identification) encore et toujours de liège, se fragmentant mieux au départ du coup, pour moins perturber la gerbe que le carton. Malgré la « réclame » des grandes maisons, les chasseurs comme pour les cigarettes de « gris » qu’on se roulait avec les doigts, se méfiaient des « toutes cousues », et chacun pouvait y aller sur ses petites recettes avec les innombrables bourres de remplissage en fibre, feutre, papier compressé de différentes hauteurs pour arriver à bonne hauteur finale de sertissage.

Selon le terrain, par exemple à la sauvagine, le « tamponnage », délicat à doser à cause des risques de surpression se faisait avec sa petite « tambouille » de doses infinitésimales de semoule, amidon de maïs, fécule de pomme de terre ou talc (4) censée resserrer la gerbe de 25%, pour obtenir une meilleure glisse et une sorte de « fartage » des plombs entre eux. Autre préoccupation bien oubliée de nos jours, celle du choix des amorces selon un code de couleurs à amodier avec la bonne demi-douzaine de sortes de poudres : les blanches pour la balle, les rouges les plus courantes notamment la fameuse poudre « T » (5), les bleues ou grises pour les charges lourdes, les vertes et jaunes pour les canons courts. Les balances électroniques si pratiques de nos jours n’existant pas encore, il fallait jouer de la dosette, petite « louche » pleine de petites astuces mécaniques d’emboîtement, permettaient de jouer des charges de plomb et de poudre qu’il ne fallait pas forcer dans le petit godet, mais juste lisser en surface avec un petit carton.

Actuellement, le choix d’une bourre grasse toute faite peut se poser en termes de « premier coup » dans un emploi classique en ayant adapté son rétreint, et n’implique plus toute cette réflexion qui est presque une « philosophie » de la manière dont on veut chasser, tant le panel de munitions est désormais vaste. Il y a soixante ans, on pouvait « tâtonner » un peu, et on cherchait moins la « performance », le gibier étant partout et il suffisait, en deux coups de manivelle, de s’adapter pour le dimanche suivant.

Sur les vieilles cartouches à bourres grasses bien conditionnées que l’on peut retrouver intactes (6) et dont on peut apprécier l’aspect « vintage » (si on a les armes qui vont avec), faut quand même se méfier des bourres qui, séchant avec le temps, et ayant perdu leur effet lubrifiant, auront rétréci et donneront, (si déjà « ça pète » ?), une gerbe irrégulière. Il est prudent au moins d’en éplucher une sur la série pour voir ce qu’elles contiennent. Sinon, c’est toujours un plaisir de remonter le temps avec ces témoins tactiles et pétaradants de connaissances d’une grande diversité qui malheureusement se perdent : en général, coups de longueur à proscrire, mais à la chasse comme pour tant de choses, il n’y a que la foi qui sauve…

1/ Outre la poudre noire, citons la plus forte S2, la MM, la T, la J pour rayés et armes de poing.

2/ Pour les nostalgique, toujours fabriquée à Nontron (Dordogne).

3/ C’est le paradis froufroutant des bourres « à jupe » avec étanchéité aux deux bouts, pied qui fait amortisseur et dont le godet évite aux plombs d’être perturbés par la friction au passage dans le canon. Pour les rechargeurs qui utilisent les bourres grasses, il y a même maintenant des « couvettes » à lèvres souples plastique qui suivent la pression et font mieux que les anciens intercalaires en liège. Avec les éléments actuels toujours disponibles, une bourre grasse au rechargement soigneux et bien maîtrisé vaut toutes les munitions industrielles à prix d’appel.

4/ Ce minéral n’a pas les inconvénients des matières organiques plus sensibles à l’humidité et qui peuvent s’assembler en grumeaux donc favorables aux surpressions. Au tir au sol, il matérialise bien la gerbe en une traînée blanche…et parfume les sous-bois…ambiance poudrette pour les fesses de bébés !

5/ Voir les tables de chargement : la vivacité de la poudre T apparue en 1900 (et qui n’est plus produite depuis des lustres) est proche de l’A1 mais avec un grammage un peu plus fort du fait de son conditionnement en paillettes et non en petites lamelles verdâtres. Au son, elle pète plus sec notamment dans les vieux calibres 16 qu’on reconnait de loin avec un peu d’oreille.

6/ Voir archives du 26 février 2024, puis 12 et 23 janvier 2021.

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