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17 décembre 2014

La chasse n'est point un art sujet aux caprices du temps !

On trouve cette maxime déjà au moment de la rédaction vers 1370 du "livre du roy Modus", écrit par Henry de Ferrières, premier ouvrage entièrement consacré à la chasse et contemporain du fameux "livre de chasse de Gaston Phébus", comte de Foix, de surcroit superbement illustré qui fait l'objet actuellement d'une belle exposition nationale. On ne peut qu'inviter tout chasseur à s'y reporter sur le Net. Ce personnage historique (1331-1391), écrivit au soir de sa vie (1387-1389) une grande fresque exhaltant la chasse comme "menant droit au Paradis", car éloignant de l'oisiveté...mère de tous les vices comme on le sait !

phebus-sanglier

Il explique comment le jeune chasseur démarrait comme page, dès l'âge de sept ans, cantonné au départ au chenil, le compagnonnage avec les chiens demeurant l'aspect essentiel d'une éducation qui se complètait sept ans plus tard, vers 14 ans, comme valet, menant la meute, faisant le pied, sachant déjà dépecer, et déjà bien frotté à l'utilisation des "engins", c'est-à-dire les pièges en tous genres. A vingt ans le jeune homme ou "aide" était un chasseur accompli avec trois chevaux (pour les relais) à sa disposition, l'épée et la dague au côté, l'estortoire à la main, cette grande gaule destinée tout à la fois à réfréner chevaux, chiens, voire à corriger les valets, précise l'auteur : "s'il est besoin" !

Legende ci contre : le sanglier tué est dépecé, la meute est rassemblée, et les deux chasseurs en bas préparent la curée faite avec les abats et des bouts de pain dur, autour d'un grand feu. Remarquer l'épieu, de l'homme en rouge, en haut qui a sans doute tué la bête vu également son épée au côté, et les  deux valets  en jaune et rouge dont l'un avec le cor à la ceinture, équipés de l'estortoire, grande trique qui servait à se garder des chiens, des chevaux...ou à corriger les négligents ! 

Le comte de Foix, selon l'historien contemporain Froissart qui vécut à sa cour d'Orthez dans le Béarn possédait...1600 chiens de toutes races : dogues, lévriers, courants, chiens d'oysel, ancêtres de nos épagneuls et autres chiens d'arrêt. C'est dire s'il aimait cette "plus noble beste, la plus raisonnable et la plus avisée que Dieu ne fit jamais". Même s'il fait mention de l'utilisation de l'arc, mais du bout des lèvres, et encore assorti de bons chiens (sans doute pour retrouver un gibier souvent blessé), comme un pis aller "pour hommes gros et vieillis" ou encore de l'arbalète qui sert souvent de mesure de portée ("à un ou deux traits d'arbalète), un peu à la manière de nos fusils actuels, on sent bien que c'est dans la chasse des "bestes rouges qu'on prend par force" qu'il puisait toute sa motivation. 

Dans ces bêtes rouges, il faut voir les cervidés, et à tout seigneur tout honneur le cerf, ou le chevreuil "très bonne petite beste agréable à chasser", et à propos duquel cette remarque vaut encore de nos jours dans toutes les sociétés de chasse soucieuses de l'éthique : "on doit renoncer à chasser les femelles afin de ne pas perdre les faons dont elles sont prises, jusqu'à ce qu'elles aient faonné, et que leurs faons puissent vivre sans elles". Ses observations sur le lièvre sont savoureuses : "sa chasse a plus d'agrément qu'aucune que celle d'aucune beste au monde" et il cite cinq raisons de l'apprécier dont celle qui nous fera le plus sourire à notre époque de restrictions en tous genres, est celle "de pouvoir les chasser toute l'année sans les ménager, du matin au gîte, au soir à la relevée" ! Il décrit fort bien ses malices : "il ira d'un trait d'arc ou plus dans un sens, et puis reviendra d'autant sur ses pas, et puis reprendra d'autre part, et fera cela dix ou vingt fois. Puis il s 'en viendra en fort (comprendre touffu ou broussailleux) pays et feindra y demeurer et croisera dix ou vingt fois et y fera ses ruses, puis il prendra un faux sentier, et s'en ira bien loin. Et il fera plusieurs fois de telles feintes avant de regagner son gîte". 

La chasse aux "bestes noires" était celle du sanglier "orgueilleux, fière beste et périlleuse. Quand il est échauffé, courrouce ou blessé, il court sus à tout ce qu'il voit devant lui (...) il ne se fie point à sa fuite mais à sa défense et ses armes (...) il court sus aux chiens et aux gens et menaçe fort en grognant". Dans cette époque infestée de loups, même s'il dit "rien vouloir mettre dans son livre qui ne soit droite vérité", il véhicule quelques superstitions curieuses, comme sa morsure empoisonnée...du fait de sa consommation de crapauds, tout comme pour l'ours "merveilleusement fort part tout le corps, sauf la tête qu'ils ont si faible que s'ils y sont frappés, ils restent tout étourdis" ! Il rencontre aussi le lynx dit loup-cervier "qu'on ne chasse peu, si ce n'est par hasard". Son observation du renard est toujours d'actualité : "toujours il suivra le couvert, s'il pouvait le faire d'une ronce, il le ferait, et quand il voit qu'il ne pourra durer il se met dans la terre, il y a ses fosses qui sont ses forteresses".  Il note bien sûr "qu'il préfère gélines (poules) et chapons, et qu'il fait grand dommage aux garennes de lapins et de lièvres qu'ils prennent et mangent par leur grande subtilité et malice, et non à la course". 

Six siècles plus tard toutes ces remarques sont toujours d'actualité n'est-ce pas ?

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