Un fusil insolite et "clivant" : le Bretton !

Voilà bien un fusil qui a toujours fait causer ! Dès sa conception en 1936 (1), mais surtout suite à sa fabrication après 1946 par la Société Générale de Mécanique de St-Etienne, c'est un fusil qui n'a jamais laissé personne indifférent. C'est en fait un « outil » unique en son genre dont l'utilisation, d'avant-garde à l'époque de la technologie de l'aluminium naissante, l'a rendu, encore de nos jours, une véritable curiosité armurière.

Ne faisant rien comme les autres, ne se cassant pas (2), avant même que les chasseurs se disputent longtemps à son sujet, certains armuriers de l'après-guerre le déconseillaient souvent aux débutants. A cause de son look sortant des sentiers battus, de son système de chargement inhabituel, mais principalement du recul (l'animal ne pèse que 2,2 kgs en 12, et même 1,8 kgs en 20 !) le rendant rédhibitoire pour les néophytes, sa montée fulgurante au tir faisant qu'on mettait souvent trop « devant »...sans même parler de la claque suivant derrière, si on avait un peu trop épaulé à la va-vite, dans la foulée comme c'est si souvent le cas quand Dame Bécasse consent à s'envoler !

Indestructible car très simple de construction (60 pièces seulement, voir éclaté ci-contre à dr.) avec ses canons en Dural, (3) et donc inoxydable, son entretien se résume à deux séances de nettoyage par an : avant et après l'ouverture. Par contre c'est pas vraiment un fusil de sporting et de ball-trap, car plus on tire avec...plus il cogne ! Cent cartouches dans l'après-midi, épaule endolorie garantie.

C'est avant tout le fusil des bécassiers grâce à son (faible) poids toujours inégalé, même à l'heure où tout le monde fait du « light » à grand renfort de bascules en ergal, ou avec l'emploi massif du titane partout où on peut en couler. A la limite, ce peut être l'arme d'un chasseur couvrant beaucoup de terrain et tirant peu, de surcroit un gibier vous partant « dans les pattes » et, impérativement, avec du petit plomb. Bécasse on l'a dit en premier lieu, et à la limite lapin, mais guère plus car dès qu'on tire des 32 grammes, ça commence à pousser. Donc faisan et surtout lièvre, on peut être limite, et il est même difficile de s'appuyer en ce domaine sur des artifices comme les dispersantes et autres ARX qui, toutes, font entre 32 et 36 grammes. Au terrain, à la billebaude son chargement idéal serait une petite 28 grammes dans le premier coup disons « court », et une bourre grasse 32  grammes dans le second « long » autour du demi-choke.

On le voit, ce n'est donc pas, malgré son indéniable résistance aux intempéries,  le fusil idéal pour le gibier d'eau, et ses grands « coups de longueur » avec des grosses cartouches qui vont chercher loin et des canons chokés à mort. Même chose pour le grand gibier et le tir à balles, ces dernières relevant toujours d'un chargement un peu plus fort que la moyenne.

Malgré toute sa spécificité, ce fusil conserve ses partisans indéfectibles qui tirent de tout avec, petit et gros plomb, et même les plus grosses balles Brenneke. Fabriqués depuis 1999 en Slovaquie (4), les aficionados semblent regretter maintenant -nostalgie quand tu nous tiens- que la production actuelle « n'ait plus rien à voir avec celle des années 70 » où ces armes si particulières étaient encore fabriquées à St-Etienne. Qu'importe, tout amateur d'armes qui se respecte, se plait à rencontrer encore assez souvent à la corne du bois, ce fusil à l'aspect et à l'emploi si particulier...et à en discuter avec son porteur !

 (1) : sans doute influencé par le système Darne

(2)  : le "Baby" a été suivi ensuite par le "Fair-Play" qui lui se "casse" comme la plupart des superposés, mais reste toujours très léger : 2,4 kgs. 

(3) : le démontage des canons s'opère comme suit, attention arme déchargée bien sûr. Démonter le collier-support des canons avec une pièce de monnaie ; 2, enlever le devant après avoir soulevé la patte de fixation en la faisant glisser vers l'avant ; 3, dévisser les canons à la main. Remontage en sens inverse. 

(4) : mais toujours éprouvés à St-Etienne. 

Ci contre à dr...le Bretton est assurément avant tout le fusil des bécassiers !