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10 février 2015

La chasse au loup aux chiens courants

Le loup est revenu en France, et même...Ségolène Royal voudrait parait-il, s'y attaquer ! Voici presque un an (voir post dans ce blog du 28 mars 2014), nous avions un peu dégrossi la problématique du retour annonçé de ce super prédateur, et cherché dans les vieux bouquins à voir comment on s'y prenait quand il y avait encore, mais déjà beaucoup moins de loups en France mi XIXè siècle.

 

le couteux

L'auteur de référence, c'est le comte Jean-Emmanuel Le Couteux de Canteleu (1), un voisin de chez nous puisqu'il était lieutenant de louveterie aux Andelys et Louviers et qu'il fait de nombreuses références à des régions proches : forêts de Mortain, du Pertre, de Mayenne. A l'époque où il écrit « la chasse du loup », en 1861, il n'existe plus que sept ou huit équipages vraiment créancés sur cet animal où on manque déjà de chiens « spéciaux » (2), du fait de la mode des chiens « anglais », plus légers pour courir surtout les cervidés. S'il y a moins de loups, ils font néanmoins encore des ravages : un couple adulte peut tuer une vache, il rôde surtout par temps de neige et brouillard près des habitations où il enlève chiens et chats à foison, suit les troupeaux sautant sur les isolés, visitant les collets, prenant même des oies en plein jour dans les cours de ferme. S'y ajoute la rage : 20 personnes mordues en 1830 en forêt de Lande-Pourrie à Mortain, qui meurent toutes dans d'atroces souffrances à l'hôpital d'Avranches.

 

loup grav

En forêt de Mayenne les charbonniers se font régulièrement tuer leurs chevaux gris ou blancs (plus faciles à repérer dans la pénombre ?), voire attaquer au point de devoir quitter leurs cabanes. A cette époque où les armes à feu se modernisent et se démocratisent permettant aux « bourgeois » de se constituer de petites meutes, il existe déjà des battues au fusil qui ne sont certes pas l'outil de prédilection du lieutenant de louveterie, mais pour lesquelles il donne des informations très utiles. Le loup c'est en fait un « super renard » qui se forlonge plus vite, plus fort dès que lançé (3), suivant comme lui, le couvert les ravins, les fossés. Le seul avantage c'est qu'il ne se terre pas ou alors en extrême urgence, quand, acculé, il fait tête, sous une grosse pierre ou dans quelque trou de blaireau.

 

loup tête aux chiens

Les postés doivent obligatoirement être sous le vent, le loup adulte ne s'effrayant pas nécessairement du bruit (sauf de la trompe qu'il a en horreur), comprenant bien que le danger est plutôt du côté silencieux du bois. Il force donc assez souvent le rabat. Il ne faut pas découpler plus d'une dizaine de chiens, en encore bien ameutés car il n'est pas rare que, lancé par des isolés et ayant pris quelque avance, il fasse discrètement retour et étrangle un des traînards au passage !

 

Les véritables équipages de vénerie au loup avec une soixantaine de chiens procèdent toujours de la même manière. Il faut faire le pied en évitant soigneusement de lancer un grand vieux loup, réputé imprenable . En septembre on s'attaque principalement aux louveteaux et leurs mères, et surtout aux « louvarts », jeunes loups de 6 mois à un an (vers avril). On ne lâche que 20 chiens, tentant de faire rembûcher l'animal de chasse pour le cantonner à tel massif où on pense que, fourbu (il a été parfois poursuivi à vue sur 12 kms !), il va se reposer, et on reprend les chiens. Le reste de la meute est resté couché dans les fourgons suivant la chasse de loin, on prend gîte et on bivouaque sur place, ou au château voisin. A l'aube, les meilleurs piqueux font les brisées s'assurer que rien n'est sorti de l'enceinte, et découplent les chiens les plus sûrs et plus vifs de la veille pour reprendre la voie, remettre le loup sur pied, mais en lui lâchant au train vingt chiens nouveaux...ce qui peut faire reprendre la chasse une bonne journée de plus ! On s'apercevait que le loup fatiguait à ses retours offensifs sur la meute, ou quand il se faisait battre sous bois au nez des chiens. Gare alors  aux « dentées » ! . C'était le bon moment pour lâcher la totalité de la meute qui finissait par le coiffer et l'étrangler.

 

téléchargement

Une chasse qui, on le voit, n'était pas de tout repos ni sans danger. Le Masson, de Gavray, auteur de « la Vénerie normande » fut ainsi mordu par une louve qu'il avait jeté à terre d'un coup de fusil et dont il s'était approché un peu trop vite. En 1801, deux énormes loups qui avaient tué ou blessé 17 personnes près de Varzy en Bourgogne, ont défiguré un traqueur. En 1851, près de Guingamp une louve attaqua 63 personnes, de face puis à la nuque, et finit par être tuée à bout portant par un posté...dont elle avait saisi le canon à pleines dents ! En 1817 à Clamecy, un loup tua 6 personnes, en blessant 12 avant d'être tué au passage par un garde posté. On l'a vu dans un récent post (28 janvier 2015 « Chiens courants ou chiens d'arrêt  ? »), la strychnine à partir de 1875, mais la démocratisation de la chasse « bourgeoise » finirent par éradiquer le loup, bien loin alors, un siècle plus tard, de représenter la même menace que sous l'Ancien régime (4). Toujours grâce aux chiens courants mais plutôt lors de rencontres inopinées en « treulant » c'est à dire en foulant les bois un peu au hasard, mais avec des chiens sûrs et tenaces, de races désormais très variées : vendéens, poitevins, mais aussi genre bassets artésiens normands (cliché ci dessous), meutes « de poche » et maniables,  capables d'amener, en donnant de la voix, tout gibier de rencontre vers les postés. Une race dont le créateur est d'ailleurs le comte Le Couteux de Canteleu.  

meute bassets

(1) : 1827-1910, ancien officier de cavalerie, il a aussi écrit le "Manuel de la Vénerie Française" (1858).

(2) : on ne fait pas un chien de loup. Il doit être de parents chasseurs déjà de cet animal

(3) : un loup peut mener "grand train" 5 heures durant et faire 60 kms dans une nuit ! 

(4) : cette chasse fut codifiée sous Charles IX et connut son apogée sous Louis XIV. Le Grand dauphin en prenait cent par an. Les équipages les plus célèbres : St-Denis, la Conterie, la Rochefoucault, d'Enneval d'Argentan qui poursuivirent la fameuse bête du Gévaudan dont on parlera bien ici un jour dans son aspect spécifiquement chasse et notamment de sa mort, particulièrement étrange, tuée d'une seule balle, par un seul chasseur...

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