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30 novembre 2017

"Chasses sauvages" et autres fantasmagories...

La chasse, c’est une passion liée à la quête du gibier, des techniques, des armes, une culture qu’il est intéressant de connaître tant elle véhicule de mythes souvent anciens que nous analysons de temps en temps…pour nous distraire un peu de la balistique et des calibres ! Avec le sujet du jour, celui des « chasses galleries », des « chasses sauvages » ou interviennent au choix, le Diable ou des revenants comme le « grand veneur »  on trouve de vieilles légendes qui ont leur pendant maritime avec le « Hollandais volant » ou le « grand chasse-foudre ».

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Nous autres chasseurs qui hantons  les bois quand le soir et la fraîche tombent, avons tous ressenti ce frémissement que nous sommes peu de choses face à la Nature. Le mythe dans notre Normandie de la Mesnie-Hellequin est une variante régionale de la « Chasse-Migaud » (Centre), de la « chasse gallerie » bretonne, mais aussi à l’étranger du « chasseur noir » ou du Weitenden Heer allemand qui stigmatise ceux qui ont été trop emportés par la passion dévorante de la chasse, et les conduit à hanter les ciels d’orage pour l’éternité ! Balivernes que tout ça me direz-vous…

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Les premières mentions de ces « chasseurs maudits » sont notées dès le XIIè par Orderic Vital, l’écrivain anglais Gautier Map, le trouvère d’Arras Adam de la Halle au XIIIè, Gervais de Bus au siècle suivant et notre Gilles de Gouberville local en parle dans son libre de raison autour de 1550. Voici ce qu’en disait son contemporain Ronsard : « Un soir, vers la mi-nuit, tout seul outre le Loir et passant un détour, joignant une grande croix dedans un carrefour, j’ouis, ce me semblant, une aboyante chasse de chiens qui me suivaient pas à pas, à la trace. Je vis auprès de moi, sur un grand cheval noir, un homme qui n’avait plus que les os, à le voir ». Les mémoires du cardinal de Retz en parlent également, mais le plus surprenant c’est que des rois eux-mêmes comme Henri IV si l’on en croit les mémoires de Sully y fut confronté en août 1558 ! Il y a d’autres signalements de ce phénomène en 1647 et 1672 sur d’autres chasses royales et même une  (en 1698) dont témoigna Louis XIV en personne. Il est signalé pour la dernière fois en forêt de Fontainebleau en 1897, et le grand folkloriste A . Van Gennep signalait 120 occurrences  de ce phénomène fantasmagorique rien qu’en France !

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Toutes stigmatisent des grands chasseurs trop emportés par leur passion qui ont enfreint des lois sacrées (chasse les jours consacrés, ripailles les jours d’abstinence, souillure de lieux saints) emportés avec leurs chiens  dans les nuages et qui, avec comme maître d’équipage le Diable en personne, doivent poursuivre sans relâche jusqu’à la fin des siècles un gibier qu’ils n’atteindront jamais. On cite ainsi les chasseurs maudits de la forêt d’Escambres, le « Mau-Piqueux » de la forêt de Gâvres (encore vu en 1835 !) « avertisseur de tristesse » car le rencontrer était signe de mort prochaine : « fauves par les passées, gibier par les foulées, place aux âmes damnées ». En France-Comté c’était le chasseur éternel de Scey-en-Varey qui sonnait du cor les nuits de la Toussaint et de Noël ; dans le Semois en 1870 la chasse du seigneur de Bohan qui avait vécu de rapines ; dans le Bas-Maine celle du sire de Coltenfao huguenot célèbre pour ses cruautés envers les catholiques.

On voit là, une récupération de l’Eglise comme Jean des Baumes près de Vittel qui chassait dimanche et jours de fêtes religieuses où  le moine de Laval, chasseur forcené qui eût le malheur, un dimanche de dire « le Diable m’emporte s’il ne s’agit pas ici de traces d’un grand loup »… manque de chance c’était celles d’un renard ! Certains de ces « revenants » peuvent aussi être des victimes comme le baron de Hertré, assassiné au presbytère de la Fresnaye et qu’on entend parfois sonner du cor, la nuit, en forêt de Perseigne. En forêt de Fougères, pour se prémunir de telles mauvaises rencontres on préconisait de faire un rond magique autour de soi, ailleurs de faire le signe de croix, ou de ficher sa dague en terre, un peu comme Ronsard le fit en sortant son épée, la garde formant…le signe de croix.

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En fait, ce mythe possède une origine indo-européenne certaine déjà liée aux démons de la tempête et de l’orage, et de la lutte primitive de l’Eglise contre les rites païens et la symbolique du cerf liée au dieu cornu gaulois Cernunnos, prolongation de l’antiquité classique où cet animal était consacré à Diane. C’est cette bête sauvage transfigurée par la croix chrétienne qui « sauve » (au regard de leur vie éternelle) Saint-Hubert et St-Eustache et qui retrouve là sa fonction funéraire et psychopompe, c’est-à-dire de porteur des âmes vers l’au-delà. Au  IVè siècle encore, Saint-Hilaire, et St-Césaire d’Arles s’élevaient contre les mascarades calendaires dont le cerf était encore le roi. C’est ce mythe disgracié et inversé  du « chasseur sauvage » issu des dieux et cultes anciens,  que reprit l’Eglise catholique pour monter de toutes pièces ces fabliaux moralisants dont on voit qu’ils ont, presque jusqu’à nos jours perduré, pour nous faire raconter, au défaut de croire, à toutes ces belles histoires.

 

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