Aux "pieds" du loup...

Un peu dans la foulée de notre précédent article sur le loup autrefois, son retour plus ou moins progressif selon un axe actuel Bordeaux-Nancy peut amener les chasseurs attentifs et qui font le « pied » à croiser un de ces jours, sa « voie », en partant…de zéro puisque l’animal a disparu de nos territoires depuis 150 ans au moins. Les vieux bouquins nous renseignent là-dessus utilement.

Les chasseurs « littéraires » se souviendront de Vigny « nous avons aperçu les grands ongles marqués par les loups voyageurs que nous avons traqué ». Et aussi la manière de procéder : « …rien ne bruissait donc lorsque baissant la tête, le plus vieux des chasseurs qui s’était mis en quête, a regardé le sable en s’y couchant. Bientôt lui que jamais on ne vit en défaut, a déclaré tout bas qu’en ces marques récentes, annonçaient la démarche et les griffes puissantes de deux grands loups et de deux louveteaux ».

Habert, sieur d’Orgemont sous Louis XIII en 1624 prévient déjà : « de trois sortes de loup on voit la différence. Les uns sont longs et grands, courants de violence, harpez comme leuriers (rapides comme lévriers), d’autres sont plus petits et plus chargés de poils qui tiennent du mestis (bâtard), les autres plus gouffauts (lourds) d’une allure grossière, comme d’autres ils n’ont la course si légère ains (ainsi) semblent des mastins (gros chiens de garde), ils sont tost par nos vistes leurier,s aux accours attrapés ». Même si, selon Oberthur « l’opinion est souvent exprimée qu’il y a souvent des places et passages souvent affectionnés par les loups », il  importe de faire soigneusement le pied.

Charles Estienne (1637) citant Clamorgan préconise : « …estant donc arrivé avant le jour, faut escouter les abbois des mastins et chiens de villages, car si le loup a passé par là, il se tourmentent d’abboyer avec grand effroy d’autre façon qu’il ne font aux gens. Lors il faut s’acheminer vers le boys en ayant l’œil toujours en terre pour cognoistre les traces et pas de quelque loup ». Au besoin il faut même un peu préparer le terrain « …s’il a pleu (plu) la nuict, fera beau en revoirs ». Un piège à traces qu’on prépare nous aussi encore de nos jours en « labourant avec le hoyau (la houe) quatre pieds en carré (en gros 1,20m) et la terre qu’après labouré mettre en poudre et l’égaler doucement afin que la nuict suivante, la beste qui passera à cet endroit inculpera de son pied dans ladicte terre ».

La prudence s’impose quand on se rapproche des forts. Habert encore : « puis prenant garde aux pas, dans les champs labourez vers dequel costé les loups se sont retirés, lestement son limier avec plaisir et joye, sans trop le resbaudir (l’exciter) le mettra sur la voye. Il le tiendra de court, fera les avenues, les sentiers et les chemins des lisières connues. Quand il verra son chien prendre du sentiment des pas du loup, témoing son rembûchement, lors il luy fera feste, et n’ira plus avant ».

Le pied du loup qui ressemble à première vue à celui d’un chien de forte taille et, selon Oberthur « il faut être fin connaisseur pour ne pas se tromper et avoir un terrain favorable pour en juger ». Brehm pensait aux beaux jours d’été « le matin quand la rosée est tombée et qu’elle fait de la poussière, une espèce d’argile susceptible de prendre les empreintes de tous les animaux ». Estienne le dit bien fort : « il a le talon large et gros faisant trois trous en terre sur le sablon. Il a les ongles gros et courts, et les deux doigts de devant toujours serrés, ce qu’un chien n’a pas. La louve les a de même façon, osté qu’elle a le pied plus long et plus étroit ». Oberthur bien plus tard confirme : « en regardant attentivement on verra qu’un grand loup a le pied plus serré et plus long que celui d’un chien, les deux doigts médians bien réunis et le talon nettement trilobé avec les ongles gros et arrondis. Le pied du chien est moins régulier, et les doigts du milieu sont ouverts ».

Pour tous ceux qui font souvent le pied à la bête noire, un chasseur averti en vaut deux…