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9 novembre 2019

Finasseries bécassières

Ce bel oiseau de chasse, objet de nombreux préjugés doit son mystère au fait qu’il n’a pas connu de littérature forte avant 1850, ni d’études scientifiques sérieuses avant Ternier (1885), époque où tout le monde depuis Diezel (1806), Chenu (1852), Polet de Favreau dix ans plus tard le voyaient en voie de disparition à cause du braconnage (lacets, filets, phares, croûle, affût à la fontaine dit encore « chute » en Bourgogne), des défrichements, et même de l’avènement du chemin de fer !

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Les chasseurs furent, en sus, divisés en différentes « chapelles » régionales défendant leurs acquis, lesquels retardèrent les études sérieuses que proposait déjà de Brévands en 1876 avec un « bureau central d’informations » qui ne prit forme qu’en 1951 avec la naissance du Club National des Bécassiers, ou la fin de la chasse de mars, effective seulement…en 1972 ! Tous ces atermoiements furent donc propices à des mystères et zones d’ombre qui font le miel des passionnés. Passons sur les légendes les plus courantes, celles des bécasses chirurgiennes qui se soignent toutes seules et même « infirmières », qui soignent les autres, c’est confirmé. Même chose sur le transport des poussins signalé en 1936 par le journal de St-Hubert du Cher, et abordons des sujets moins courants. Par exemple l’emploi de la campane ou du grelot ? Tous deux semblent indispensables pour suivre la quête de son chien, savoir si ce dernier ralentit à l’arrêt lorsque le son s’estompe. Jourdeuil contredit d’Houdetot sur l’ouïe de l’oiseau ainsi alerté, mais se montre au bout du compte « partisan des chasses silencieuses, elles réussissent la plupart du temps mieux que les autres ».

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Sur sa fragilité au tir même opposition entre Réveilhac « un grain de plomb suffit bien souvent à l’abattre » et Oberthur « j’ai vu des bécasses tirées plusieurs fois et perdant des plumes à chaque départ, n’être ramassées qu’à la troisième ou quatrième reprise ou perdues définitivement ». Il préconisait donc du 7 ou du 6, et tira même lors d’une battue au sanglier sur une bécasse à la chevrotine, laquelle s’envola quand même ! Le « saut de crapaud » ce petit vol en cloche de quelques mètres était vu par certains comme une ruse à l’image du hourvari des cerfs et chevreuils pour rompre la voie, ce qui, pour Edouard Demole était moins une tactique de défense, que les suites de la fatigue d’un long voyage.

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Le tir sur un oiseau au sol considéré de nos jours comme un crime par les passionnés était plus mesuré au XIXè : le vicomte d’Applaincourt reconnaissait que le geste manquait d’élégance « autant il est stupide et criminel d’assassiner un lièvre au gîte ou un perdreau piétant, autant il est imprudent de laisser échapper un gibier rare qui se défend fort bien ». Hoffmann modérait le propos « il n’est excusable de tirer une bécasse gîtée que dans le but de donner de la fermeté à l’arrêt du chien ou si la conformation du terrain rend le tir au vol à peu près impossible ». Demole précisait encore : « si le fouillis empêche de voir le départ ou que la remise probable est inaccessible ». Il recommandait de tirer trente centimètres en dessous, gageant que l’oiseau serait tué par le simple déplacement d’air de la gerbe !

Et la bécasse...au "ferme" ? Joseph Oberthur signala une bécasse blessée qui, à la relevée, chargea, se posa carrément devant lui, déployant l’éventail de sa queue et claquant du bec menaçante, pointe en avant « l’attitude étant tellement agressive que ma chienne, pourtant fine bécassière, paraissait terrorisée et restant inerte ». Edouard Demole affirmait qu’on ne voyait jamais l’oiseau faire « poudrette », sa propreté parfaite exempte de poux et de vermine comme gallinacés et passereaux, supprimant le besoin de s’ébrouer dans la poussière pour s’en débarrasser.

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C’est en matière de cuisine que le mystère s’épaissit déjà notamment entre la différence entre mortifier et faisander, tout le monde, comme Oberthur considérant « qu’une bécasse fraîche n’est pas meilleure qu’un bon pigeon » ! Le Mesnagier de Paris, dès 1540 disait déjà « leurs boyaux sont gras et sans ordure » et il recommandait de les rôtir tout comme Brillat-Savarin, à la broche. Les intestins étaient donc parfaitement comestibles « les seuls de leur espèce à fondre en une sorte de crème, aspect de rillette froide » dont la graisse devait même se racler au fond de la lèchefrite, la fourchette lestée d’une bouchée de pain. Dans la bécasse en effet tout se mange, particulièrement la tête, procédure bien connue depuis les recommandations du baron des Ravots dans les contes de la bécasse de Maupassant avec quand même quelques priorités : « une bécasse trop cuite ne vaut rien » (Elzéar Blaze), ou « le morceau de la perdrix c’est l’aile, pour la bécasse et la caille c’est la cuisse » (Duwarnet). Encore fallait-il séparer (Réveilhac) « les moins présentables en salmis » comme préconisé par les moines Bernardins de l'abbaye d’Abbeville dont Alexandre Dumas donne la recette : citron, moutarde et vin blanc. Et les plus grasses à la broche, situation décrite avec gourmandise par E.Mulsant : « quand l’oiseau tourne à la broche, votre Vatel (c’était le Bocuse de l’époque !), s’il est soigneux, doit d’un liquide butyreux, humecter sa peau ramollie. La bête, par la garantie d’un feu de Vulcain, parfume bientôt la rôtie, sous elle étendue à dessein, en laissant tomber sur le pain, la plus succulente partie des riches trésors en son sein ».

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