Chasser au...50 BMG ?

Les actualités nous mettent face à des calibres aux appellations bizarres mais dont les qualités balistiques sont à mettre en parallèle avec ce que qui est utilisé à la chasse, surtout depuis que le tir longue distance devient une qualité nouvelle, voir la vogue sur le 6,5 Creedmoor…Mais de là à tirer au 50 MBG ? Eh bien, certains (pas en France heureusement) l’ont fait, on va voir comment…

Entre les calibres civils et militaires la frontière est bien souvent ténue. Prenons quelques exemples. Le « « 30-06 » y fut bien sûr mis à contribution lors des deux conflits mondiaux, mais surtout, après 1952, le 308 Winchester amena une petite cartouche plus performante pour les unités de police et forces spéciales. Les deux précités sont, depuis 2013 des best-sellers dans nos armureries. Dans ce domaine du tir militaire, un cran au-dessus, il fallait un intermédiaire entre le 300 Winchester magnum, bien connu des chasseurs autour de la Bar-300 (balles de 13 grammes, 850m/s) et le 50 BMG bien plus connu, même des néophytes car c’est la fameuse 12,7 des tourelles des forteresses volantes et de tant de conflits même actuels. 

Spécifiquement créée pour la mitrailleuse lourde Modèle 18, (encore une invention du génial J.M.Browning  que l'on voit ci-dessus tester un prototype), elle est sortie en 1921, sur le modèle d’une « grosse » 30-06 portée à 99mm, longueur totale 138mm. Ce fut toujours une munition de sniping « lourd » entendons par là anti matériel avec donc des munitions spéciales utilisées jusqu’à 2000m. Mais il existe aussi des chargements civils plus légers de 42 grammes (920m/s) à 52 grammes (870m/s). Voyons quels sont ses concurrents. Le 50 BMG (à dr.) comparé au 308 Winchester…on ne boxe visiblement pas dans la même catégorie.

Dans les années 80, c’est à la demande des militaires, pour allonger la portée utile des tireurs d’élite en tir anti personnel qu’est née, sur base 416 Rigby la cartouche (8,6X70) de 338 Lapua Magnum, longue de 93,5mm. A l’origine faite pour tirer des balles de 250 grains (16,2 grammes) très rapides (900m/s), il s’agissait avec une capacité de poudre plus importante de pousser une vitesse élevée le plus longtemps et loin possible avant le « mur » transsonique qui perturbe la balistique. Avec le temps nous sommes passés à des balles de 300 grains (19,44 grammes), toujours supersoniques jusqu’à 1500 mètres, permettant donc un tir ajusté dans la fourchette 500-1500 mètres avec une « grosse » balle encore très meurtrière et précise. Avec une lunette 6,5X20-50, à 500 m. elle groupe dans un cercle de 10 cm. de diamètre et à 1000 m. dans un cercle de 15 cm. C’est la meilleure alternative anti personnel, contrairement au mythe du 50 BMG (12,7X99).

Créé en 2001, homologué CIP en 2013 le 408 Chey-Tac est un 10,36X77,21 qui se place entre les deux, l’arme étant plus légère (10 kg contre 18) que les 50 BMG. L’origine est une 505 Gibbs renforcée, tirant des projectiles de 300 (19,44 g) à 300 grains (25,92g) et des vitesses initiales toujours très élevées : 900 et 1100 m/s. Outre la précision intrinsèque, ces tirs très longs doivent tenir compte d’éléments inconnus du tir de chasse comme la dérive gyroscopique et l’effet Coriolis. Le premier du fait que les canons modernes sont principalement rayés à droite, le projectile dévie à droite, élément à calculer en fonction de la longueur des balles, et du pas de rayures des canons, pour obtenir une correction à gauche qui recentre le tir. Le second, tient compte de la rotondité et de la rotation de la Terre, de la latitude du lieu et de l’azimut de la cible. A 1500m cet effet peut varier d’un mètre !

Il est assez logique que ce soit aux Etats-Unis que certains aient tenté le coup à la chasse avec le 50 BMG, en fait dès que Barrett avec le modèle 82 (ci-contre à g.), et Mac-Millan sortirent les premières versions à verrou, avec néanmoins une difficulté, trouver des optiques, autres que militaires de surplus, pour tenter d’en tirer la quintessence. Nous avons là quand même trois fois la puissance du 375H/H et deux fois celle du 458 Winchester Magnum ! Pourtant, au Colorado on a vu tirer du wapiti à plus de 600 mètres en 7 Rem Mag, avec télémètres, station météo, spotters observateurs avec grosses optiques pour donner les corrections sur des animaux au repos qui se demandait bien ce qui leur sifflait aux oreilles venant de l’autre bout de la colline. Au Texas, infesté de « feral hogs » certains ont monté ces armes au poids intimidant sur des 4X4 et quelques effets collatéraux malvenus (1) ont obligé certains états à légiférer.

En Idaho la chasse est interdite avec des armes au-dessus de 17-14 livres avec ou sans optique. Les défenseurs du second amendement trouvèrent aussitôt aberrant qu’on autorise le tir des minuscules chiens de prairie à plus de 500m et pas les cervidés, avant que quelques fabricants (Barnes, Hawk) sortent des balles à la construction appropriée, notamment pour minimiser les lésions inhérentes à l’énorme calibre. La célèbre revue Field and Stream sortit même un reportage sur des utilisateurs dont les retours d’expérience sont étonnants. Aux distances habituelles, 2-300 m, il n’y a pas assez de résistance pour transférer toute l’énergie, et l’animal est percé de part en part. Au-delà de 1000 m (2) c’est autre chose, on a vu tout l’avant d’un whitetail disparaître, liquéfié !

Quoi qu’on en dise, le 50 BMG est certes un gros fusil, mais un fusil quand même,  aucunement soumis à une force sombre ou mystérieuse relevant de la magie vaudou. Il n’est tout simplement pas cohérent à la chasse, même US et régulièrement mis en cause dans les cercles TLD (tir à longue distance) où tout le monde, à tout prendre, préconiserait plutôt, dans les limites acceptables, le 338 Lapua Magnum.  Ci-contre à g. on voit la comparaison entre les deux cartouches. Rêve stupide ou mirage exotique…vu de France, le 50 BMG à la chasse, ce serait un peu comme pêcher le gardon à la dynamite !

1/En 2008, à Fort-Worth (Texas), une spectatrice qui attendait dans son camping-car les débuts des courses du motor-speedway, s’est pris une balle perdue de 50 qui avait fait 8km avant de lui traverser le bras difficilement sauvé d’ailleurs grâce aux prouesses des chirurgiens. Comme le fit remarquer son époux « je suis farouchement pro second amendement, mais il y a des limites à la c……rie»!

2/Ne pas oublier que le bon John Moses Browning plancha sur ce calibre pour descendre les premiers aéroplanes et surtout les dirigeables d’observation.