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26 mars 2020

1930 : l'Algérie, pays de Cocagne de la chasse française

Les évocations sur ce site des « tueurs de lions » Jules Gérard et Bombonnel (1) ne doivent pas nous faire oublier combien ce qu’on appelait encore pudiquement « les colonies » purent frapper les imaginations par le biais de toute une littérature dédiée sur un bon siècle. Les plus anciens d’entre nous (2) peuvent encore en témoigner.

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En 1930 l’Empire colonial français rivalisait avec celui de la perfide Albion, ayant après 1918, récupéré sur l’Allemagne défaite, le Cameroun et le Togo. Dans cet ensemble, l’Afrique du Nord, et en particulier l’Algérie, prenaient une place à part, puisqu’on s’apprêtait à fêter le Centenaire. Toutes les familles en métropole avaient plus ou moins un vague cousin parti là-bas faire fortune dans des paysages extraordinaires et un univers cynégétique fantasmé décrit d’entrée par une œuvre littéraire foisonnante. Le fameux Jules Gérard ne doit pas éclipser d’autres écrivains-chasseurs un peu oubliés de nos jours : le général Jean-Auguste Margueritte avec « chasses d’Algérie » (1866, régulièrement réédité ensuite), Henri Béchade « la chasse en Algérie » (1860), Louis Noir « un tueur de lion » (1891), bien sûr Bombonnel (1860).

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En 1882, C.Fallet dans « au-delà du col du Djebel-Halonia » donnait le ton « …tout près de nous, on entendait rugir les lions », et en 1857 le journal la Nouvelle Estafette d’Alger mettait en garde : « il est dangereux de fréquenter les broussailles et les bois qui entourent notre ville ».  Cette vague « orientaliste » ne se tarit pas, bien au contraire dans l’entre-deux guerres : « chasses et randonnées dans le bled algérien » par Auguste de La Font (1925), ou « En culotte de chasse, souvenirs des Alpes, d’Algérie et d’Annam » par F.J.Trousset (1929). Bien sûr, à la suite du « Chasseur français » (fondé en 1885), avant 1900 le « Journal illustré » et la « Chasse illustrée » multipliaient les reportages exotiques : sur le tir de la panthère (1868) par le vicomte de Dax, lièvre et faucon (Lallemand, 1898), la caille en Algérie (Decintel, 1893). A noter aussi, dans cette même veine et réédités en 1970 chez Firmin-Didot les 4 albums (1928-1930) de Gabriel Ramecourt.

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Jules Gérard (3) restait bien sûr, avec ses 26 lions tués jusqu’en 1857 le parangon de ces chasseurs militaires, plus ou moins précurseur de ces officiers de SAS qui, de 1954 à 1962 avaient su gagner l’estime des populations. En septembre 1842 dans une seule après-midi, il tua, avec son seul « fusil de dragon » (4) 45 perdreaux et 7 lièvres ! Mais Margueritte  (ci-dessous à dr.) fit mieux encore en octobre 1850 dans le Kef-Médalès : 56 gazelles, 5 sangliers, 47 lièvres, 63 perdrix, 37 colverts, 44 sarcelles, 8 chacals (djeb) faisant office entre  loup et renard de « nuisible ». Ayant été chef du bureau arabe de Theniet-el Had, puis capitaine de poste à partir de Laghouat dans le Sud, il donnait, dans sa relation d’intéressantes et pittoresques anecdotes sur les personnages du terroir. Il cite quelques panthères dans les bois de Khroumirié, hyènes et sangliers dans les forêts du Tell, gazelles dans les oueds du Sud, où les chefs indigènes chassaient encore parfois au faucon, l’outarde et le lièvre. Né en 1823, il connut une mort glorieuse à la tête de ses cavaliers chasseurs d’Afrique à Sedan le 2 septembre 1870.

MARGUERITTE

Le Chasseur Français de 1929 dans la projection du Centenaire à venir nous donne une idée de ce qu’était la chasse en Algérie avec, en 1927 à partir des ports d’Alger, Bône, Philippeville près de 110 tonnes de gibier exporté vers la France ! Dans une ambiance, proche de la chasse pratiquée dans le Midi si bien racontée par Pagnol, (et pour l’Algérie par Albert Camus dans « le premier homme »), lièvres, perdrix, cailles abondaient dans les plaines de la Mitidja où seules les grosses chaleurs limitaient, via les chiens premiers atteints, la chasse. L’obtention du permis était un droit pour les « Français », mais « une faveur pour les indigènes de bonne réputation », le braconnage étant généralisé au point qu’on prévoyait des taxes spéciales pour lièvres, perdreaux, et même alouettes des champs. On projetait déléguer aux caïds « gens honorables, choisis par l’administration », la verbalisation des contrevenants par les khodjas (5), quand la guerre arriva.  Lions et panthères faisaient encore rêver, mais la dernière avait été tuée en 1930 en forêt de Djilel, (voir ci-dessous à g.) et le dernier lion « de Barbarie » en 1943 au Maroc (6).

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A la Libération, après les émeutes de Sétif, le climat changea et les « évènements », sur dix ans (1954-1962) perturbèrent considérablement l’exercice de la chasse. Elle fut officiellement interdite en 1955, mais on fermait les yeux « dans le bled », en tenant compte des opérations en cours, des déplacements des « hors-la-loi », certaines battues notamment au sanglier vu les dégâts, devant se faire sous protection des militaires de l’Armée ou du SAS…voire, si l’on en croit certains clichés d’époque, avec leur participation avec les armes de service !  En 1960, le désarmement progressif des Pieds-Noirs accentua la chose, et l’Indépendance eût sans doute d’autres priorités. A partir de 1991, une nouvelle décennie de troubles n’a sûrement pas facilité les choses pour nos collègues chasseurs algériens qui, certes existent toujours, mais, à ce que l’on voit sur le Net, rencontrent néanmoins des problèmes de logistique (armes, munitions), et particulièrement de chiens créancés.

1/ Voir nos archives des 4 et 27 janvier 2018 sur ces deux figures emblématiques de la chasse en Afrique du Nord.

2/ Voir les collections du Chasseur Français jusqu’en 1955…nos premières lectures, après l’école !

3/Publication de 1855.

4/Il s’agissait de l’ancien « fusil d’artillerie » à silex modèle 1822, passé à percussion et qui reçut ce nom en 1832. On peut penser qu’il ne tirait pas à balles (17mm !) sur les malheureuses perdrix, l’impressionnant calibre qui les auraient coupé en deux, permettant sûrement d’y fourrer de la grenaille…

5/ Fonctionnaire qui assiste le caïd. En 1919, ils étaient répartis en huit classes, avec avancement à l’ancienneté tous les trois ans. Dans l’institution du bureau arabe fondé en 1844, toujours subordonné à l’autorité militaire, le rôle du Khodja était mouvant, secrétaire, employé municipal, dans le bled, notamment, une sorte de garde-champêtre intermédiaire entre la population et l’administration coloniale.  

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6/200 lions furent tués entre 1873 et 1883, le dernier en 1890 près de Batna dans les Aurès, et en Tunisie en 1891 près de Tabarka. Malgré tout, un rapport récent (2013) cite qu’il pouvait épisodiquement être encore s’en trouver sur le territoire algérien jusqu’en 1965 ! Les cahiers du centenaire (1930) en signalaient un, vu par un aviateur dans l’Atlas marocain. Les opérations militaires des années 55-60 en ont évoqué un près de Sétif en 1956, et un appelé en 1959, dut se réfugier sur le toit d’une mechta effrayé par des grondements nocturnes…mais était-ce bien un lion ?

 

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