L'énigme du 270 boudé par les snipers (partie I)

Le 270 Winchester fêtera bientôt, en 2025, ses cent ans. Il existe nombre de cartouches plus récentes, mais ce calibre est toujours là, même pas trop perturbé quand sortit son « petit frère », le 270 WSM en 2001. Ci-dessous les deux cartouches comparées. Le mystère c’est que, malgré son succès ininterrompu dans le cercle finalement plutôt restreint des chasseurs, il n’a jamais été utilisé, ni sembler intéresser ou trouver sa place, dans le monde très fréquenté de la précision pure : celui des militaires, des policiers, voire dans la communauté des tireurs longue distance.

Il est en effet curieux de constater que capable d’une précision suffisante pour abattre une antilope à 300 m, aucun sniper ou « wildcatter » n’ait jamais cherché à exploiter ses qualités. C’est, en effet encore de nos jours un des calibres les plus vendus en Amérique du Nord, et même dans notre pays où une soixantaine de chargements, au moins, sont proposés.  On a immédiatement fait des recherches pour affiner la précision autour des 6,5mm, des 7mm, du « 30 » mais jamais pour le 270, comme si, à un moment donné, dans le passé, il avait été décrété que le 270 n’avait rien à faire de ce côté. Circulez, il n’y a rien à voir !

L’armée, les forces de l’ordre, les firmes, les tireurs, les chasseurs ont tout tenté pour améliorer plusieurs calibres concomitants (1), mais pas le 270 ! Il n’a jamais gagné aucun appel d’offres, mieux, il n’a jamais fait partie des calibres mis à l’épreuve du combat…La communauté du sniping, un peu partout est certes affaire de fonctionnaires où le poids des traditions demeure important, et c’est assurément encore plus le cas aux USA où la Police suit les militaires depuis la nuit des temps, qu’il s’agisse des armes longues (AR 15, M16) ou des armes de poing (Colt M 11, Beretta F 92) mais ça n’explique sûrement pas tout…

Ce dilemme, et, de ce côté, on peut faire confiance à la presse spécialisée US, a été largement analysé, disséqué, commenté. On a parlé d’un manque de fusil emblématique pour représenter le calibre, mais il fut conçu initialement, pour le modèle 54, première carabine à verrou grande série (sous influence Mauser) de Winchester laquelle était une copie moins coûteuse du modèle 51 Imperial, fabriqué seulement en série limitée depuis 1919. Mieux, la carabine la plus populaire de l’entre-deux guerres (et Winchester  la commercialisa jusqu’en 1951), le modèle 70, (en haut) fut proposé d’entrée dans ce calibre-phare quand il prit la suite du Modèle 54, (ci-contre à g.) en 1936.

On a aussi dit que le seul calibre dans les compétitions à l’époque, (ce qui peut se comprendre puisque calibre officiel de l’US Army) était le 30-06 dont le 270 était pourtant issu, (comparaison ci-dessous) mais les tournois fameux organisés à  Camp Perry,  s’ouvrirent assez vite également aux 243 Winchester, 280 Remington…mais jamais au pauvre 270 ! Winchester manqua peut être aussi d’esprit d’ à propos en refusant d’enfoncer le clou du succès commercial, gageant que la réussite initiale à la chasse était bien suffisante, les autres encartoucheurs, nombreux sur le marché se refusant sûrement ensuite à fournir des munitions de qualité « match »… pour un concurrent avéré ! Remington notamment, avec le 280 (7,21X84) sortant en 1950, un calibre assez proche.

 Le seul qui s’y colla un peu, et c’est assez récent, fut Sierra avec une balle de 135 grains (Matchking) et n’en vendit que très peu. Berger a offert ensuite trois balles de chasse VLD de haute qualité entre 130 et 150 grains, mais qui n’étaient pas vraiment des balles de match immédiatement disponibles pour tout un chacun avec une arme du commun, car plutôt prévues pour des armes customisées et au free bore, adapté. Ce « vol libre » étant la partie du canon qui se trouve entre la fin de la chambre et le début de la prise de rayures. Avant que la balle ne quitte l’étui il y a une première montée en pression et une prise de vitesse sur quelques millimètres avant d’être freinée par la prise de rayures. Si ce free bore est trop court, les deux pressions arrivent ensemble et le recul est plus fort. Si le vol libre est bien conçu, la montée en pression, imperceptiblement, s’étale dans le temps, et rend le tir plus confortable et donc plus précis car il y a moins d’appréhension liée au recul.

Victime comme le 22-250 et le 220 Swift d’un pas de rayures relativement lent (1 :10)  proposé par la majorité des armes rayées,  ces balles de relatif « petit » calibre peuvent difficilement  améliorer leur coefficient balistique, au-dessus de 150 grains. Fin 2015, Berger a sorti avec la Elite Hunter Hybrid une balle (à notre connaissance, non disponible à ce jour chez nous), à haut coefficient balistique de 170 grains qui nécessite des canons au pas rapide ( 1 :8) dont le catalogue de la marque spécifie bien en toutes lettres : « balle délibérément destinée aux chasseurs qui utilisent des carabines personnalisées »… Actuellement, seul Nosler  après avoir longtemps produit une Partition de 150 grains, depuis 2013 sort  dans notre pays, une Accubond long range en 140 grains  possédant un  coefficient balistique élevé s’en approchant. Et sans à devoir se doter d’une coûteuse carabine « custom », mais également pouvoir être cependant intrinsèquement considérée comme une balle de niveau « match » sur les pas de tir. Ces munitions sont celles de chasseurs « pointus », toujours pour abattre proprement du gibier, et non faire de jolis petits trous très loin là-bas, au bout de la butte de tir, dans un petit carton…

1/ Dès qu’ils sortirent, Speer pour le 280 a fait une balle de 150 grains à haut coefficient balistique (à 2900 fps soit 878 m/s), Berger pour le 284 en 180 grains, Scenar pour le 264 en 139 grains.

A suivre : partie II, suite et fin le 270 Winchester actuellement