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FCM 25.00
15 octobre 2020

L'énigme du 270 Winchester boudé par les snipers (partie II, suite et fin)

Les autres arguments sur cet « effacement » du 270 du paysage de la grande précision tiennent aussi du questionnement sur sa conception et du choix de cet alésage de « 277 » comme sorti de nulle part ? Deux ans de cogitations (à partir de 1923) précédèrent en effet sa sortie officielle, ce choix se montrant particulièrement étrange pour tous les bons connaisseurs de la production armurière. La différence est en effet infime avec  le 7 mm, et pas très importante avec le 6,5 ? L’Histoire pourtant assez récente de cette cartouche (1925) a même perdu les origines de cette orientation plus que bizarre. Les meilleurs exégètes de la balistique US mettant au crédit de sa trajectoire ultra plate et du peu de recul, les travaux issus de la réflexion initiale sur le 276 Pedersen. Et pour ce mystérieux alésage de « 277 » millièmes de pouces, le lointain avatar d’une hypothétique carabine Mauser destinée à  la Chine d’avant Mao, munition improbable dont il n’existe même pas une photo !

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Ont aussi été avancés, mais ça ne concerne que les chasseurs, un calibre qui abimerait la venaison, et plus intéressant en ce qui concerne cette enquête, la vitesse (1) qui, justement, dépassait peut-être la technologie des balles d’une époque où peu de tireurs avaient l’emploi de cette trajectoire aplatie, et des longues portées en découlant. Les optiques n’affichant pas, en effet, les performances de celles d’aujourd’hui. Le sniping « de guerre », voir les archives des deux guerres mondiales, n’excédant pas 400 m. en pratique, le 270 a pu être victime comme dans le paradoxe de l’origine de la poule et de l’œuf, de ne pas exister…parce qu’il n’y avait pas encore, à cette époque de demande pour d’aussi longs tirs militaires jusqu’à 1000 yards comme ça arrive assez souvent de nos jours !

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Conçu une vingtaine d’années après le 30-06 qui fit ses preuves au moins 50 ans, le 270 se trouvait donc refoulé dans les limbes de l’histoire foisonnante des calibres issus des élucubrations sans limites des préparateurs US, quand s’imposa ensuite, pendant la « guerre froide », le choix du 308 (7,62X51 OTAN). On s’appuyait de nouveau sur le « 30 », à la fois mieux adapté aux armes semi et auto comme constaté pendant la guerre, avec, en outre, une balle plus longue permettant de travailler et d’affiner le coefficient balistique au lieu de reprendre tout à zéro à partir d’une cartouche comme le 270, certes populaire et performante, mais réservée de longue date aux seuls « civils » et autres chasseurs. On sait même par certains témoignages, qu’au Vietnam, des tireurs d’élite ayant en dotation la carabine à verrou M 70 utilisaient des munitions non standard en 308 qui étaient commandées séparément et à titre individuel comme « munitions sportives pour utilisation personnelle ».

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Et même si vous manquiez de munitions de match, pour vous tirer d’une embuscade au fond de la rizière, il vous restait encore à disposition suffisamment de provisions militaires assez précises pour vous tirer, avec  les copains,  de ce mauvais pas. Enfin il n’est pas inutile de rappeler qu’à cette époque, l’ US Army était passée au 5,56, mais conservait pour le tir longue distance l’expérience de plusieurs décennies soit avec le 30-06 soit avec le 308. D’ailleurs pas mal d’experts militaires à la lumière des récents conflits demandent à revenir à ces solutions éprouvées en matière de précision, de distance, et surtout de puissance d’arrêt…le mythe de la « Kalache » commençant à faire long feu, et pas que dans nos banlieues…Enfin, pour terminer les aspects « militaires » de la chose, il faut penser à l’outillage qu’il aurait fallu penser pour un nouveau calibre, idée coûteuse pour un marché restreint, et surtout l’imbroglio des « mélanges » de calibres dont les belligérants furent coutumiers lors des deux conflits mondiaux. Nos braves conscrits d’après-guerre, par exemple devant jongler avec le 8 mm Lebel du fameux fusil éponyme, mais aussi de la mitrailleuse Hotchkiss, et le 7,5 du FM 24-29 puis ensuite, du Mas 36. Les britanniques sur certains blindés firent mieux encore, la mitrailleuse de caisse pouvant être une Vickers en 303, et celle de tourelle une BSA en 8X57 !

Mais revenons-en au 270 (2) pour constater qu’il demeure le minimum acceptable pour toutes les situations de chasse au gros gibier en général. Il fut popularisé par Jack O’Connor (ci-contre à g.) du fait de son statut légendaire d’écrivain et son seul handicap actuel vient du fait que ce calibre et ses nombreux utilisateurs chasseurs semblent désormais « complexés » face au 30-06 qui a envahi le marché depuis la « libération » de fin 2013. Il pâtit, en outre,  toujours de ces polémiques anciennes selon lesquelles « Dieu est toujours du côté des balles lourdes ». Surtout en France d’ailleurs…Ci-dessous, l'hommage à la carabine historique de Jack O’Connor en 270.

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Le 270 pourtant,  n’a rien à envier au 30-06 jusqu’à 300 m du fait de sa trajectoire plus plane, le seul point négatif étant le choix bien moins grand, on l’a vu plus haut, de balles lourdes, même si l’offre est pléthorique sur la gamme des gros encartoucheurs U.S. qui en offrent chacun au moins  quatre quand on épluche leurs catalogues : Hornady deux 130 grains (Interbond et Interbond light), deux 140 (BTSP Light mag Interlock et Interlock), Winchester deux 130 (Elite XP3 et Ballistic Silvertip), une 140 (Accubond), et pour Federal quatre 130 (Trophy bonded, Barnes TS, Nosler ballistic tip et Partition.) et une 150 (Fusion) pour tout ajuster de 100 à 300 m.

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L’examen des tables balistiques montre qu’avec la même conception de balle, à 250 m, une 270 de 130 grains fait aussi bien que du 30-06 à 180 grains, tant en énergie qu’en vitesse, avec comme avantage pour le 270 un recul plus facile à gérer. Après, c’est affaire de placement et de confiance un peu comme en lisse la différence entre 16 et 12, et le fameux « qui peut le plus, peut le moins », ce qui, pour le moins, a pour avantage de mettre en confiance les chasseurs hésitants

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De fait, beaucoup, mis à part le chevreuil et à la limite les petits sangliers de moins de 50-60 kg, ne veulent rien entendre au-dessous de 180 grains. Entrent aussi en jeu la distance « sur le papier » de 300 m qui est certes la limite « légale » dans notre pays, mais en rien la portée « pratique », bien sûr du tir de battue, mais également du tir d’affût plus proche (voir les statistiques de la chasse au grand gibier) de 100 m. que de 300 et au-delà ! Nous ne sommes pas, que diable, à Lamotte-Beuvron, dans les mêmes conditions que dans les grandes espaces du Wyoming ! Et là, si la balle est bien placée, tout tombe, même avec du 130 grains. Comme l’écrivait Outdoor life : « le tir à plat réduit à néant la plupart des conjectures associées aux tirs à des distances souvent inconnues   ou mal maîtrisées et la balle sur la cible arrive avec un puissant paquet d’énergie ». C’est, on l’aura compris, le magazine qui publiait les écrits de Jack O’Connor …

Par contre, cette revue, comme beaucoup, s’est demandée si le 270 n’était pas au final une « fausse bonne idée balistique » et elle a eu le mérite, bien plus tard, en 2004 de s’attaquer à cette énigme en lançant un test exhaustif avec protocole d’essais vérifiés, portant sur des centaines de tirs et de munitions essayées. La carabine sur mécanique Remington 700 avait un canon extra lourd et pesait 8 kg  bloquée au banc, ce qui permit de comparer la fameuse Sierra Matchking  dont nous parlions plus haut, aux autres cartouches du marché dans tous les styles dont les plus populaires que nous connaissons tous : de 130 à 150 grains. Ce qui a déjà permis de constater de grands écarts à 100 m au sein de mêmes cartouches « tablettes » (du commerce comme on dit au Canada) : autour de 2,5 pouces (soit 6,3 cm, un paquet de cigarettes si on veut : on reste dans la zone vitale du gibier, mais quand même…) les faisant tomber dans le fameux flou d’une précision « selon notre cahier des charges » semblant pudiquement cacher, chez certains fabricants, des munitions d’une précision médiocre quasi mesurée « à la louche ». On tombait là pile-poil dans les rumeurs de « laisser aller » que nous avons évoquées plus haut, de concurrents pas trop bien intentionnés, face à un calibre de chasse à succès qui leur avait tant damé le pion pendant des années…

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Comme attendu, les munitions chargées à la main selon un protocole sévère, suivant à la lettre ceux qui étaient recommandés par les meilleurs guides de rechargement furent bien plus précises, les groupements de moins d’un pouce (2,54 cm …une pièce de deux euros cette fois !) étant courants. Ci-dessus un beau groupement avec une Hornady 168 grains.  Le plus curieux fut la versatilité inhabituelle de la munition face à ses poids de balle les plus classiques allant de 130 à 150 grains, mais plus inattendu encore, et quasiment surprenant même avec de toutes petites balles légères (3) même pas commercialisées de 90 voire  61 grains ! Pour cette dernière  « mini » on atteignait une vitesse de 3400 fps (1030 m/s) et des groupements d’un demi-pouce (1,27 cm) qu’on imagine dévastateurs sur le renard ou le ragondin ! Voilà qui pourrait inspirer certains rechargeurs ayant l’âme de wildcatter car, malgré l’arrivée des nombreux anciens calibres dits « de guerre », et libérés par la nouvelle législation de fin 2013, le 270 est les nombreuses armes qui le chambrent reste encore assez populaire et présent sous nos cieux …

1/ Issu du 30-06 Springfield, le 270 fut certes la première cartouche commerciale à solidement installer la balle de 130 grains à plus de 3000 fps (909 m/s ) mais il avait été précédé dix ans avant par le 250 Savage conçu par Charles Newton, vitesse que le 280 Ross avait également approché.

2/ Ce « 270 » millièmes de pouce donne le diamètre de l’alésage le vrai étant de 277 et le diamètre de la balle de 270 Winchester converti dans notre système métrique est de 7,06 mm. Néanmoins, vérifié au palmer par un armurier, la mesure donne 7,025 mm, ce qui laisse entendre quelques contradictions entre les données US (SAAMi) et européennes (CIP)…

3/ La précision intrinsèque, c’est-à-dire celle obtenue au banc, dans des conditions optimum où n’influe pas la météo s’obtient, pour une arme identique, en diminuant le diamètre et le poids de la balle car obérant moins la rigidité du canon et les vibrations parasites qui en résultent. Par contre sur le terrain où il faut tenir compte du vent, de  la température ambiante, le coefficient balistique et le poids de la balle vont dans l’autre sens et le tir longue distance doit jouer de l’équilibre subtil entre tous ces paramètres.  C’est ce qui explique qu’après le succès initial pour le TLD militaire du calibre 50 (12,7X99), on « redescende » plutôt en ce moment vers les récents  408 Chey-Tac (10,3X77) ou 338 Lapua Magnum (8,6X70).  Le 408 Chey-Tac, apparu en 2001, récemment homologué CIP, détient, aux mains d’un militaire français, le record du monde de tir longue distance : 3 atteintes sur 12 tirs, sur une cible de 1,9X1,2 m…à 4150 mètres !

 

 

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