Sans-plomb : ce qui sera "tendance" ?

Pas plus aujourd’hui qu’hier, à part ceux qui rechargent, personne ne « modélisait », tout le monde tirait à chokes fixes, il n’y avait pas de logiciels de calcul, et le combo arme-charge se définissait « au pif » sur le terrain. Aux USA, dans les années 90, il fallut deux ou trois ans pour « comprendre » l’acier, et être « mature » pour choisir ses coups. Notre beau pays n’échappera pas à cette période de flottement, accentuée par le marketing effréné autour des nouveaux substituts dont l’écart de prix unitaire par cartouche est effarant : de 1 à 5 euros entre l’acier et le tungstène-matrix !

Vous l’aurez compris pour les habitués de la rubrique, il faut tabler pour cette raison sur l’acier, les amateurs et nostalgiques du vintage (dont nous sommes également) prendront certes plaisir à gloser sur l’alchimie du cuivre, du zinc ou du bismuth, mais c’est une faible cohorte de passionnés qui, de toute façon, tire peu avec ces « rossignols », que seuls les souvenirs rendent précieux à nos yeux. En fait, le « deux coups » à chokes amovibles va redevenir notre ami, en retrouvant, au fond de la boîte, si elles n’ont pas été égarées des nomenclatures bizarres comme IM (improved modified : trois quart) ou LM (Light Modified : entre quart et demi), le second coup selon la philosophie anglo-saxonne étant là pour tirer le deuxième oiseau, et non pallier à l’échec du premier tir.

Il va falloir aussi revoir quelques vieux dictons comme « le gros plomb passe, le petit ramasse » car c’est la pénétration, et non la sacro-sainte loi des « cinq atteintes » qui va dicter sa loi (1). A l’époque où les encartoucheurs communiquaient peu sur leur petite cuisine, la sagesse conventionnelle du rechargement était qu’on gagnait 1m. de portée par 15m/s à la bouche. Si on passait de 390m/s à 480m/s, c’était 6 mètres ! Appliqué massivement à l’acier par les fabricants au départ, c’était à la fois peu et beaucoup, et sachant que 28 grammes d’acier en 4, donne le même nombre de billes que 39 grammes de plomb, on visait clairement la multiplication des atteintes, mais avec plus de recul, et beaucoup d’estropiés.

C’est là qu’on a vu (merci le gel balistique) que le 2 perçait 4 cm à 47 mètres, et le 6…à seulement 18 mètres ! L’influence du sporting aidant, il fut difficile de convaincre les accros à la vitesse, et la « magnumite » une maladie atteignant bien des chasseurs, difficile à vaincre de surcroit, au pays (voir ci-contre) qui l’avait vu naître avant-guerre (2). Néanmoins, au marais, secteur qui fut le premier concerné par la réforme de 1991, la taille du coup avait toujours plus compté que la vitesse (3), le nombre de billes n’étant pas aussi critique que sa distribution, mais dépendant de la distance où vous tirez : dans les leurres les variations sont infimes ou sans conséquences sur la plage variable disponible, et à la passée, le subconscient va plus vite que les cogitations balistiques. Laissez faire le cerveau, et on discutera après sur le matériel. On tire depuis 50 ans, et si on se met à extrapoler encore plus sur le gibier, on va manquer plus encore n'est-ce pas ?

Une trentaine d’années plus tard, les logiciels étant passés par là, on s’est rendu compte qu’en tirant plus gros, moins vite et plus près, on retrouvait le confort et l’efficacité d’avant. La cartouche américaine acier « waterfowl-upland » de « mi-route » tourne autour de 36 grammes de 3 à 410m/s, tirée impérativement aux chokes IC-LM et à moins de 40 mètres, les gros alésages modernes (Browning-Winchester) étant censé donner de meilleurs motifs avec le plus gros plomb et rétreint le plus ouvert. Est-ce à dire que les « gros coups » vont devenir l’alpha et l’oméga de la nouvelle donne ? Certains, comme les chasseurs de pigeon au vol qui tiraient « limite » avec des munitions rapides et des fusils serrés seront sans doute les plus perturbés, le « gap » devenant important d’une saison à l’autre. La battue à grenaille (renard-chevreuil) avec armes non CIP posera aussi problème l’acier étant incompatible à ces hautes tailles de tir.  Tout chasseur compétent avec un peu d’expérience sait que les données balistiques sont une ligne directrice, ni bible, ni parole d’évangile et qu’il faudra sûrement s’adapter. On en parle peu, mais ça compte aussi, pour le chasseur, en général, plutôt épicurien : l’aspect culinaire des choses, un gibier moins typé « hamburger », meilleur pour la santé en général (adieu le saturnisme), et pour surtout pour nos dents quand il finit dans l’assiette…

1/Voir notre dernier papier du 24 novembre sur le faisan.

2/Archives du 25 février 2022 sur la Winchester Super X

3/ Voir archives du 26 juin 2022, sur le gros plomb « BB ».