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3 septembre 2023

Ithaca "Flues" : le best-seller des juxtaposés U.S.

Il faut bien le reconnaître, à part peut-être le Winchester modèle 21, il est bien difficile pour nous d’identifier le « deux coups » du chasseur américain dont l’image classique est plutôt celle d’un type en « buffalo plaid » coiffé d’un Stetson, hantant les « uplands » en épaulant un fusil à pompe Remington ou un Auto 5 Browning ! La production pourtant de ces armes dignes de notre « Robust » fut pléthorique mais portée par des marques inconnues chez nous : Parker, Fox, Lefever, L.C. Smith et surtout l’Ithaca « Flues » à 230 000 exemplaires entre 1908 et 1926.

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L’entreprise de Fall Creek dans l’état de New York est typique du foisonnant capitalisme économique de la transition avec le XXè siècle puisqu’issue en 1880 des premiers succès de W.Baker et d’un site de production opérationnel dès 1883 avec trois modèles à chiens extérieurs qui durent tenir compte de deux facteurs importants : la survenue révolutionnaire du phénomène « hammerless », et la nouvelle technologie des aciers. Dès 1890, les Etats Unis avaient emboité le pas des aciers Bessemer à haute teneur en soufre, et tout allant très vite, deux ans plus tard Ithaca maîtrisait déjà les aciers carbone à faible concentration de nickel et de chrome, entraînant à sa suite la concurrence pour accompagner l’apparition des poudres pyroxylées. Mais pour toutes les raisons économiques que l’on imagine, il était plus facile en fait, de céder aux importations européennes belges et surtout allemandes (acier fluid Krupp) qui, bien sûr pour cette dernière furent beaucoup moins « politiquement correctes » après 1918 …

1924 Ithaca HTT-L

La production américaine entra alors dans une période où il fallut jongler en même temps au changement d’action c’est-à-dire passer des platines surannées datant du silex à l’hammerless, mais aussi des canons damas ou en acier torsadé, aux technologies de fonte les plus modernes s’adaptant, en sus de la transition de la poudre noire à celle sans fumée. Ithaca sut le premier prendre le train en route, assis sur l’expérience de Baker, apportant au fur et à mesure des modifications qui, sur le même cadre, incorporaient des nouveaux verrouillages définissant les modèles. Tout ça produit intentionnellement en nombre limité pour rationaliser la production et limiter les coûts. Sur le passé du canonnier Baker, alésages et rétreints aux normes exigeantes, bénéficiaient ainsi à toute la gamme, des plus hauts grades aux plus bas. De 1883 à 1915 les trois modèles à chiens extérieurs Baker (1883-1897) en calibres 10-12, NIG (New Ithaca Gun 1888-1915) en 10-12-16-20, puis IGC (Ithaca Gun Company), coexistèrent avec les premiers « boxlocks », et virent même apparaître les premiers ressorts hélicoïdaux.

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Dans le même temps, les hammerless ne cessèrent de progresser dont les noms furent toujours associés pour le design et la conception aux techniciens de l’entreprise NIG (New Ithaca Gun) frappés sur le côté de la bascule du célèbre chien setter : Frederick Crass 54 000 exemplaires de 1888 à 1901 en 10-12-16, Franck Lewis (1902-1906), 62 000 exemplaires dont le 20 ajouté en 1906, et David Minier 22 000 armes sur la période 1906-1908. Il s’agissait déjà d’un « deux coups » moderne à trois verrous : deux dans une barre traversant l’extension de bande des canons, un de sécurité dessous, et tout en ressorts « à boudins ».

Ithaca Lightning Lock-L

Pour la série suivante, celle qui nous préoccupe ici, Ithaca fit appel à Emil Flues, fils d’un immigré allemand de Bay City (Michigan), un forgeron qui s’était déjà fait connaître par des customisations soignées de singles schützen Ballard en 40-60, et qui avait réfléchi aux simplifications (seulement trois pièces par canon !) à déjà apporter aux premiers hammerless et déposé (1895) un brevet qu’Ithaca racheta en 1907. Ce model « Flues », entre 1908 et 1926 devint alors un horizon indépassable qui barra la route à Remington, mais aussi tous les concurrents de l’époque comme LC Smith, Fox, et même Parker : 95 000 armes seulement produites dans la période contre 223 000. Winchester, à ce moment, étant polarisé sur la production des carabines à levier. Le battage médiatique fit aussi son office, la célèbre Annie Oakley du Wild West de BUFFALO Bill l’employait pour ses exploits au tir, mais aussi James Packard (des automobiles du même nom), l’acteur Tom Mix, et surtout l’empereur éthiopien Haïlé Sélassié qui, selon la légende, du fait de la ségrégation raciale, dut venir en 1922, chercher son exemplaire (payé 3000 $), transporté avec sa suite, dans un wagon de marchandises ! Pour ceux qui ont un peu de culture armurière, sera plus convaincante son utilisation par le balisticien chantre des hautes vitesses Charles Newton, ou le célèbre graveur Rudolf Kornbrath.

Ithaca ne s’endormit pas sur ses lauriers car fut confronté comme tout le monde à l’évolution des cartouches. UMC proposait des poudres sans fumée depuis 18 ans, et Winchester depuis 15 ans déjà quand le Flues était sorti dans un tas de calibres (10-12-16-20-28), et les cartouches Winchester Super X crevant tout à coup l’écran en 1925 amenèrent des spécifications SAAMI qui ont duré jusqu’à 1992. Pour gérer ces charges modernes, en 1925, sortit donc le NID (New Ithaca Double Barrel Shotgun) dont l’originalité était d’avoir un seul verrou supérieur rotatif, puis plus tard (1934) repensé par Fred Knickerbacker, un verrou croisé type Greener et chambre 70. Les grades de 1 à 7 de « Field » à « Star », avec même incrustations d’or au sommet, étaient couronnés par un « Souza Special » du nom d’un célèbre musicien, fameux sportsman de la haute société, fréquentant assidument les pas de tir.

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Il ne s’en fit cependant que 45 000 car cette arme extrêmement solide au point qu’elle servit de banc d’essai pour les cartouches Winchester Olin en 10 super magnum, se heurta à la crise économique de la Grande dépression, la popularité de l’Auto 5, et même des fusils à pompe dont d’ailleurs, en interne, l’Ithaca mod. 37 (conçu, une fois de plus par John Moses Browning) qui connut un grand succès. Comme bien d’autres en Europe, la firme organisait aussi sa propre concurrence ayant acheté dès 1916 les actifs de la firme défunte Lefever pour exploiter le nom et vendre 25% moins cher que ses modèles Flues et Nid avec des caractéristiques à peu près comparables : double contre simple verrou dont les épures servirent d’ailleurs quatre ans avant la sortie du NID. Il se vendit ainsi entre 1921 et 1948, quasiment autant de Lefever Nitro Special que de Flues. Juste avant la Grande Dépression, (où Parker fut repris par Remington, Fox par Savage, L.C. Smith par Marlin) Ithaca rajouta Western Arms utilisant un cadre en fonte malléable au lieu de l’acier forgé du Lefever, et il s’en vendit encore 66 000 de 1929 à 1946.

Parker en 1980, en entamant une reproduction fabriquée au Japon en 20-28 de ses modèles historiques lança dans le monde « upland » des chasseurs à la plume une mode « revival » reprise par Fox en 1990, puis Ithaca avec son « classic double », redonnant de l’intérêt au double juxtaposé pour la chasse du petit gibier devant soi. Mais il ne s’agit plus vraiment, tout comme nous en France comme à l’époque des Darne ou du Robust, de productions grand public. Galazan (Connecticut Shotgun Manufacturing Company) mixe ainsi pour Savage les anciens Fox avec son propre design pour produire des armes haut de gamme qui sont du niveau des meilleurs artisans européens. Portées par les livres de Jim Fergus, malheureusement un des seuls « nature writers » publiés en France, ces armes mythiques renvoient à des temps perdus où abondaient des oiseaux inconnus chez nous : chukars, « ruffled grouses », bécasses et tétras dans des paysages si époustouflants que cet auteur pouvait dire qu’ils pouvaient parfois « vous faire oublier de chasser »…

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