Cooey "Canuck" : la 22 du Grand Nord

Les carabines simples à un coup peuvent faire sourire, elles furent souvent à l’origine de nombreuses vocations de chasseurs et de tireurs à un moment où le petit calibre n’avait pas ce délit de faciès que lui ont donné, par facilité, les hommes politiques de tous bords. Au Canada, comme chez nous, il servit à l’initiation des jeunes, des recrues, et à la chasse, même à l’ours grizzly !

La firme Cooey fut lancée en 1903 à Toronto, par un ancien machiniste formé à Cleveland (Ohio) et qui se développa durant l’effort de guerre en fournissant le Ross Mk III pour les tranchées, ce qui lui donna sans doute l’idée de produire elle-même des armes complètes dès 1919, avec cette carabine à à percussion annulaire à un coup dite modèle 39. Le succès de cette réalisation de Herbert William Cooey (1881-1962), fut tel qu’il fut commercialisé sous un tas d’autres noms : Canuck, Ace, Bisley sport, Eatonian, Rabbit. La canonnerie était sérieuse et précise, mais son principal atout était une sorte de « sécurité automatique » ingénieusement longtemps tenue « en instance de brevet », ce qui empêcha sans doute de vouloir immédiatement la copier…

Le verrou en deux parties obligeait, une fois la patte fermée, à saisir la queue de culasse, et la tirer en arrière pour engager la percussion, procédé très sûr donc notamment pour les jeunes et les néophytes au tir, voire les recrues dans la politique de carabines dites de « cadets ». La notoriété fut atteinte à l’exposition universelle de Londres (1924) où la petite carabine obtint la médaille d’or, et H.W.Cooey par ailleurs médaille d’argent dans l’équipe de ball-trap canadienne aux J.O. de Paris, la demande dépassant les capacité de production, dut alors déménager son usine de Toronto à Coburg. Les Etats-Unis faisant appel à lui pour contourner les taxes d’import en 1932, lui mirent, via la firme Iver-Johnson et ses modèles « Champion » (single), et « Hercules » (hammerless), le pied à l’étrier pour faire bien plus tard (1948) une sorte de Simplex (mod.84) poursuivi par Winchester (mod.370-395) quand la firme fut reprise par Olin en 1961. Herbert Coeey, parti à la retraite en 1937, ayant eu le malheur de perdre prématurément son fils et successeur en 1957, avait été obligé de reprendre du service, déjà âgé, à ce moment.

Dans la percussion annulaire où brilla particulièrement cette firme, elle participa à l’effort de guerre en fournissant 35 000 armes d’entraînement reprenant le look Lee-Enfield, et c’est le fils Hubert qui, en 1939, conçut le joli modèle à répétition 60-600 à 11 coups dans les trois calibres : court, long et Long Rifle.  Le magasin tubulaire nécessitait une alimentation contrôlée à la Mauser 98, deux extracteurs biseautés empêchant la cartouche de monter trop haut sur la face de la culasse, et donc à bonne hauteur juste en face de la chambre.

La dernière réalisation fut contemporaine de la fameuse Ruger 10/22 en 1964 avec un modèle semi-automatique également à succès qui fut repris par Winchester jusqu’en 1970-1979, puis Lakefield-Savage.

Enfin pour la petite histoire, il faut savoir que la 22 LR Cooey-Ace, détint un bon moment, à partir de 1953 le record mondial Boone-Crockett du plus gros ours du monde (autour de 500 kg, 3 m de haut), tué par Bella Twin (1) une petite grand-mère de la première nation indienne Cree sur les bords du Slave Lake dans l’Alberta. L’arme qui datait de 1935 tenait avec des bouts de chatterton, et tirait, en single du 22 Long, plus faible encore (balle de 23 grains contre 40) que le Long Rifle. Elle avait pris soin de tirer à bout portant, à mi-chemin de la ligne allant du centre de l’œil au trou de l’oreille…et surtout de « tuer le mort » en le poivrant des seules 7 balles qu’elle portait sur elle !

1/ Voir sur ce personnage l’archive du 1 novembre 2020.