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5 mars 2024

Funeral grade models : la chasse aux idées noires...

Aura de mystère et de légendes plus armurières que véritablement urbaines, les armes « noires » via les « black editions » courantes chez la plupart des grandes marques correspondent en fait uniquement à des juxtaposés, la plupart du temps de l’âge d’or britannique. Commémoratifs de la mort de la reine Victoria (1901), « veuves noires » des mânes des chasseurs emportés dans les tranchées des Flandres ? On va voir qu’il s’agit en fait d’une technique armurière pour adapter l’offre à la demande saisonnière de la chasse à la grouse…

Il est vrai que ces armes « out in black » ou plutôt « faded black finish » conservent une fine élégance partagée par la fine fleur de la production liégeoise : Defourney, Francotte, Christophe (1), et même tout récemment F.N. Browning avec (ci-dessous) son juxtaposé du centenaire (1889-1989). Paradoxalement, Greener qui a fait le tour de la question sur la fine fleur de la production britannique au tournant du siècle dans « The gun and its devlopment » n’en parle pas quand ils apparaissent autour de 1890, et il n’y a aucune désignation officielle, ni publicité à ce sujet chez les grands fabricants de l’époque.

Ces armes modestement gravées d’une excellente qualité sans fioritures répondent quand même au qualificatif « best » faisant référence à des armes sur mesures fabriquée avec la plus haute qualité à tous égards exigée par l’aristocratie britannique depuis l’époque de Joseph Manton et ses successeurs Boss, Purdey ou Lancaster. Balayons déjà une première fadaise : la mort de la Reine Victoria fut trop soudaine pour que la production s’adapte à l’événement dont la période de deuil fut au final réduite…à la demande des industriels afin de ne pas affecter le commerce alors en plein boom de l’Empire ! Et les fantômes des Tommies tombés à Ypres peuvent dormir tranquilles même si, on va le voir, la pratique armurière de l’époque pourrait quand même un peu concerner cette situation d’absence.

On doit à une étude de 1986 sur les archives de la maison Purdey (2) pour voir que la première arme de ce type et ne disposant pas du motif caractéristique « Standard Fine » établi par le maître James Lucas présidant aux destinées de l’atelier gravure de 1855 à 1915 date de 1884 pour la saison de la grouse, et qu’elle resta ainsi « out in black » trois ans avant de revenir à l’usine en finition. Après, les archives de ce registre démarré en 1870 montrent des chiffres oscillant entre 57 armes (1894), 11 (1905), une cinquantaine (1910) et une seule en 1926. Au total pour cette seule marque il s’en fit un petit millier, mais les autres grandes maisons britanniques procédaient sans doute de la même manière, le but étant de fournir des armes prêtes pour le « glorious twelfth » (3) en août quitte à la reprendre et l’achever ensuite au printemps suivant.

Cette cémentation douce était temporaire et résistante à la corrosion, l’action non durcie étant destinée à la travailler immédiatement au retour…mais le client pouvait aussi trouver ce « semi-fini » agréable à l’œil d’entrée, et séduit par le style minimaliste de l’ensemble permettant également de faire preuve d’indépendance d’esprit. Le meilleur exemple étant donné par Sir William Eden, homme de lettres, peintre à ses heures, et collectionneur d’œuvres d’art qui commanda en 1905 une paire de Purdey de ce style et qui étaient encore dans le même état à sa mort en 1915. Dans ces années 1890-1914, la firme londonienne produisit 8000 armes de haut prestige, soit même un peu plus que dans la période 1918-1986, et la seule année 1894 trois millions de cartouches ! Il fallait donc faire feu de tout bois, et satisfaire la clientèle avec ces finitions différées, et parfois donc définitives.

De nos jours, c’est des Etats-Unis où les « fusils noirs » (4) taraudent l’esprit des collectionneurs qu’est venue la sombre légende de ces juxtaposés soi-disant « funéraires » au même titre que les cartouches laiton chargées de 70 grains de poudre elle aussi…noire, pour les chasseurs décédés, décidés à partir après le crématoire, rejoindre en beauté les vertes prairies du bon St-Hubert. Le tout dans un grand « boum » et en psalmodiant pour la descendance qui tire vers l’azur « notre père qui êtes aux cieux »…Il s’agit ici, vous l’aurez compris d’humour…encore et toujours noir bien sûr !

1/ Nous connaissons une arme elle aussi toute noire de ce type, pour la grande armurerie bruxelloise Louis Christophe montée par Jules Bury en 1964, la contremarque du canon est celle du contrôleur Maurice Scorpion fils qui n’officia qu’à partir de 1974, et prouve donc que ce procédé d’armes inachevées courant sur une dizaine d’années, vierges de gravures et à cémentation préventive pour entreposage, était un dispositif commun encore voici peu.

2/ Reprise dans The Vintage Gun Journal d’où nous tirons toutes ces précieuses informations.

3/ Voir archive du 5 mars 2019.

4/ Les plates formes AR 10 et 15 décriées pour leur utilisation dans les fusillades de masse, et par leur usage à la chasse que réprouvent les puristes, mais qui possèdent un nombre important de fans. Le fameux gunwriter Jim Zumbo qui s’y attaqua en prit pour son grade ! Voir à ce sujet la note 2/ en bas de page de notre article du 6 mai 2021, sur le 458 Socom.

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