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2 mars 2024

Halifax : c'est un "vrai" Darne !

A moins de se plonger dans la littérature qui lui est consacrée (1), il n’est pas toujours facile de s’y retrouver tant, à l’expiration du brevet, il fut repris par la plupart des firmes stéphanoises. Aussi particulier aujourd’hui qu’il y a presque 130 ans, léger et dans son action unique et élégante, le fusil « Halifax » que l’on rencontre assez souvent n’est pas une copie, mais un « vrai » Darne, produit par la maison mère, mais écoulé différemment.

Le procédé était assez classique pour les best-sellers de l’époque de produire leur propre concurrence, comme le fit la Manufacture d’armes et cycles, en créant en 1923 la « Manu-Modèle » vendant en gros sans marquage aux armuriers des copies du fameux 202 et aussi des vrais « Robust » estampillés « Costo », ou des Simplex… « Sympa » sans doute pour éviter « Simplet » ?  Selon le même principe, le « Halifax » dont le nom donnait une petite touche britannique appréciable dans l’ambiance « entente cordiale » de l’époque, était une des quatre variantes des séries R, P et V concédée sous licence à plein de fabricants. Elle permettait aussi d’écouler avant-guerre les pièces excédentaires dans un seul modèle, mais de qualité identique, en trois grades répartis de 3 à 5. A sa fondation la société qui n’avait que 4 salariés (1881) était passée à 25 (1895), 100 en 1914, et 200 en 1939.

Le premier, était à simple épreuve (2), les deux autres à double épreuve, avec les mêmes caractéristiques mais en un peu plus lourd (3,175 kg) que les Darne classiques (de 2,5 à 2,9 kg), même alésage serré (18,2), le plus souvent dans la touche « gris français » (3) mettant en relief les gravures restreintes de ces modèles basiques dans une gamme qui pouvait atteindre des sommets titillant la meilleure production britannique pour les plus hautes versions. Il est rare que ces armes de début de gamme arrivent en parfait état de nos jours, mais elles respectent toutes les caractéristiques du « vrai » fusil Darne, à savoir une crosse courte et pentée selon nos critères actuels, une légèreté permettant un port aisé sur toute la journée, mais qui rend le tir à avance soutenue plus difficile.

La masse concentrée entre les mains et la culasse plus à l’aplomb des détentes que les deux-coups qui « se cassent » peut dérouter, comme les variantes de sécurités (4) pour ceux qui se trouvaient sevrés des poussoirs supérieurs de col de crosse. Preuve un peu de l’errance de conception de la marque dans ce domaine, le manuel d’avant-guerre préconisait « …indépendamment de cette sûreté facultative, le fusil Darne possède une sûreté naturelle (5)…le levier haut étant vivement recommandé ». Comme pour tous ses homologues le fusil Halifax possède son tendon d’Achille dans la crosse sur laquelle les conditions d’interventions armurières sont limitées, et bien sûr la fameuse faiblesse de la liaison crosse-action. Les tolérances étroites table-masse coulissante et levier se déplaçant ensemble fragilisaient sans cesse cette liaison qui fut renforcée plus tard, par une vis d’acier traversante, mais sans résoudre définitivement l’affaire. Pour l’amateur, c’est encore et toujours (6) la première chose à inspecter dès qu’on a ce genre d’arme en main.

Malgré les nombreuses copies du passé, il est curieux que personne, en Turquie ou ailleurs, ne s’y colle pour tenter de reproduire une simplification de ce témoin de l’ingénierie française à la fois superbe et inventive. A lui seul, ce système (7) opéra un changement de fonctionnalité, bon dans sa manipulation, et élégant dans sa finition, caractérisant la séduction unique des armes françaises dans l’âge d’or de l’armurerie de l’entre-deux guerres.

1/ Voir les deux ouvrages de J.C.Mournetas consacrés à Régis et Francisque Darne. Pour compliquer les choses, et le travail des historiens, le fils ainé Francisque (mort au front en 1917) avait fondé en 1910 sa propre boîte faisant aussi des « Darne » de bonne facture et qui fut liquidée en 1979. Le nom Darne fut repris un moment en 1981 par les armuriers P. et H. Bruchet mais dut être abandonné, et il appartient depuis 2013 à une société d’investissement.

2/ Les lois françaises l’imposèrent en 1923, la simple épreuve poudre noire était de 790 kg/cm 2, et la double 1130 kg/cm 2. La Nitro PSF, « PT » surmonté de la simple (960 kg/cm2) et double couronne (1370 kg/cm2).

3/ Ou « french grey finish » : oxydation contrôlée de la surface, et non une fiche couche ajoutée en frottant avec des acides (nitrique ou phosphorique) donnant une surface très lisse facile à retoucher si la rouille apparaissait, et qui, en vieillissant, se bonifiait prenant des teintes argent terne ou quasi étain et poli soyeux et non brillant. Les gravures légères et sommaires des modèles basiques, têtes et rosaces des entourages de vis par exemple, ressortaient mieux à peu de frais.

4/ Le poussoir à la place du levier fut breveté en 1921.

5/ Le terme en italique souligne encore plus l’idée.

6/ Comme la fissure dans le devant bois de l’Auto 5 Browning !

7/ Voir archive du 23 juin 2023 sur le choix calibre 12 ou 16 de cette arme.

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