Un sujet qui fâche...la chevrotine !

Nous sommes quelques-uns ici  à encore connaître l’époque où cette munitions de nos  jours  fort controversée  était  autorisée, et à en conserver  quelques exemplaires de ces temps révolus  dans nos  fonds de tiroirs. Le plus curieux, tout comme autres produits « verboten » telles les cartouches « longue distance »…c’est qu’on les trouve toujours dans toutes les armuriers et notamment sur le Net ! La polémique a redémarré il y a quelques années sur des autorisations départementales accordées au compte-goutte, et certains qui voulurent revenir « au bon vieux temps ».

Tentons d’examiner l’affaire à tête reposée, et en signalant d’entrée que cette munition est interdite depuis deux arrêtés (2 mars 1972 et 30 avril 74) partout en France sauf les dérogations dont nous allons parler plus loin. Ce qui veut dire qu’en cas d’accident avec vous ne serez plus assurés, et surtout que c’est la source à em… majeurs avec les gardes en cas de contrôle. Une jurisprudence est connue sur un gabion d’un étang en PACA où quelques cartouches rouillées (en plus c’est du plomb donc, seconde infraction) étaient restées oubliées au fond d’un casier. Il est interdit d’en avoir dans la boîte à gants, et bien sûr sur soi, en action de chasse ou non. En cas de doute on a vu les gardes de l’ONCFS examiner 300 cartouches une à une, et même en ouvrir avec un canif en cas de doute ! Dans un autre domaine il faut bien se garder de s’en servir pour souhaiter  la bienvenue à tous les malandrins de passage, sinon à se servir d’une Gomm-cogne en caoutchouc, ce qui vous donnera à peine quelques circonstances atténuantes en cas de procès où il faudra, de plus, que la légitime défense soit reconnue, ce qui n’est jamais gagné d’avance.

Deux études, facilement accessibles d’un clic, permettent d’y voir plus clair. Celle qui rassure, émane de la Fédération des Landes, qui, avec la Corse du Sud a obtenu la fameuse dérogation pour cause de maquis et garrigues, donc espace encombré. Dans l’île de Beauté pour raison naturelle, dans le Sud-Ouest suite à la tempête de 2008 causant nombre de chablis où se réfugia une population de sangliers en développement exponentiel…et les dégâts allant avec ! Sur trois ans, de 2009 à 2012 : 26 puis 27 et enfin 47% des sangliers furent abattus de cette manière, l’augmentation de la dernière année montrant que les chasseurs délaissaient progressivement la balle qui « allongeait le tir » pour utiliser la chevrotine avec plus d’efficacité, à courte distance.

Le retour d’expérience a montré que les 21 et 28 grains (plomb de diamètre 6,2) étaient les mieux adaptés avec pas plus d’animaux blessés, une sécurité accrue en zone dense périurbaine. La bonne distance était de 15 à 35 m. sur des animaux sous les 60 kgs. Sur une commune 100% des animaux tués furent tirés à chevrotine, les carabines étant surpuissantes pour les faibles distances de tir, notamment pour la venaison.

Maintenant les chiffres qui font peur ! Là, il s’agit d’une étude de l’ANCGG  de février 2014 qui a sans doute rafraîchi l’enthousiasme de certains qui voyaient la bonne vieille « 9 grains » siffler bientôt de nouveau dans la campagne. Après impact au sol à 15 m. 60 % des ballettes ricochaient et surtout 20 % dans un angle allant de 43 à 72°…d’où risque de retour dans la ligne des postés rendant illusoire le fameux angle des 30° censé garantir une sécurité minimale. Inutile de dire qu’on risque plus trop de reparler, sauf les cas spéciaux qu’on a vu plus haut, des chevrotines, d’autant que les notions d’éthique bien plus présentes à notre époque de « bien-être animal » sont entrées dans la danse. A l’époque du Net et des réseaux sociaux, des arguments bien mieux étayés que dans le passé, particulièrement en balistique, science désormais partagée par beaucoup plus de gens utilisant des carabines, ont été amplement commentés, quasiment tous en défaveur du retour des ballettes.

La chevrotine a aussi payé le fait d’avoir, en France été assez négligée dans le passé par les encartoucheurs sur le plan technique contrairement aux USA où les « buckshots » sont encore actuellement, une véritable institution. Qu’il s’agisse des poudres pour ces grosses charges qu’ils maîtrisent depuis longtemps, Federal, Winchester, Remington ont toujours eu une longueur d’avance notamment du côté du remplissage en polymères entre les grains destiné à éviter qu’ils se déforment. Là-bas il y a des 89 pour tirer le white tail deer (ou cerf de Virginie deux fois plus gros que notre chevreuil) au cul levé et qui envoient 54 grains ! Et Briley a même fait un choke spécial (EXR) pour tirer ces genres de boulets. Mais ils n’ont rien inventé, fin XIXè en Afrique, nos coloniaux tiraient la panthère avec des canardières de 8 qui envoyaient 122 grammes de plomb, soit deux fois une de nos super magnum ! Et on a tous le souvenir de nos anciens qui tiraient des « ramées » (reliées par un fil de fer) ou des «suiffées » à la chandelle, toujours pour que la gerbe reste groupée plus longtemps.