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30 décembre 2016

Du gibier au réveillon ?

C’est de saison, en cette période de réveillon, de parler de viandes de fête et donc du gibier qui retrouve peu à peu sa place au menu des restaurants. Mais on a sur la venaison quelques idées préconçues qu’il convient de préciser un peu. Sa place dans l’alimentation de nos ancêtres n’était pas si importante qu’on croit, et certains clichés ont la vie dure : festins de sangliers chez « nos ancêtres les Gaulois », gabegies seigneuriales ou des cours royales, ripailles dans les cloîtres…

lievre faisandé

Faut pas croire, l’alimentation autrefois était plus monotone et cyclique qu’on croit. Les campagnes avaient, moins que les villes nanties en abattoirs, moins accès à la viande fraîche, et consommaient énormément de salaisons, au moins pour la partie la plus aisée de la population rurale, celle des « laboureurs », petits tenanciers qui pouvaient posséder un lopin de terre, et quelques bêtes. Le grand gibier était inaccessible, la chasse étant réservée soit aux nobles, soit aux tenanciers du terrain. Seul le lapin était accessible car omniprésent, l’étendue de ses dégâts faisant qu’on pouvait plus ou moins, selon l’humeur du propriétaire (et de ses gardes !), fermer les yeux sur du petit braconnage vraiment alimentaire.

La part du gibier dans la consommation sous l’Ancien régime était de 5 à 15% selon les régions, chiffre à comparer avec la « viande de brousse » qui, de nos jours, peut dépasser 70% dans certaines régions de l’Afrique de l’Ouest. Dans une époque où il n’y avait pas de frigos ni de congélos, et où tout était cuisiné aux graisses animales (lard, saindoux, beurre) et un peu à l’huile d’olive dans le Sud, le fruit de la chasse obéissait aussi à une attitude contradictoire face à la « mortification » que l’on résolvait par deux procédés antagonistes. La marinade qui réduisait la part du goût « sauvage » si on veut, en bourrant les préparations d’épices, et le faisandage qui, au contraire mettait en valeur ce goût. Une opération qui, au cellier (ou tout autre endroit frais) pouvait (sans vider en plus ! ) durer jusqu’à quinze jours et où on frisait la putréfaction ! Ce qui pourrait expliquer le nombre d’intoxications alimentaires encore mal expliquées de nos jours, comme dans le livre de raison du gentilhomme normand Gilles de Gouberville qui, mi XVIè, faillit deux ou trois fois y passer suite à ce qu’il nommait des « rheumes »…

1faisan

Outre les salaisons déjà vues, la cuisine (1) s’articulait autour de trois grands principes : le fort (épices), le doux (sucres de fruit ou de miel), l’acide avec les « verjus » soit des vinaigrettes si on veut. Au Moyen Age, on trouvait au menu toutes sortes d’oiseaux que l’on verrait incongrus de nos jours : cygnes, hérons, butors, grues, et mêmes cormorans. Suivant la théorie médicale des « humeurs » certaines viandes comme le lièvre et le cerf était censées être « lourdes », et curieusement les becs plats et autres anatidés jugés « amphibies » étaient assimilés aux poissons, et utilisés en variation des jours « maigres » qui, en plus du Carême, étaient très nombreux dans le calendrier liturgique. Certains oiseaux comme la bécasse ou la perdrix ne firent leur apparition sur les tables qu’au XVIè. Le pigeon, très nombreux déjà à l’état sauvage était un des privilèges de la noblesse et surtout des abbayes qui en gavaient les moines avec certains risques pour les excès d’urée. Curieusement d’ailleurs, il était surtout cuisiné…en pot au feu avec du chou, divers consommés assaisonnés au raifort.

Aujourd’hui où la plupart du gibier est dit « d’élevage » nous sommes depuis plusieurs décennies revenus sur la pratique qui consiste à faire « faisander », c’est-à-dire attendrir une viande enfièvrée par les toxines liées au stress et à de longues menées. Et, de la même manière on commence à rejeter les clichés usés selon lesquels le vin servi doit être de vieux millésimes. Les cervidés, et toutes les viandes rouges possèdent un goût tenace avec lequel seul un jeune vin tannique semble pouvoir s’harmoniser.

1/ Voir à ce sujet le « Mesnagier de Paris », livre de recettes reprises chez Taillevent cuisinier du roi Charles VI et Maître Chiquart qui tenait les fourneaux d’Amédée de Savoie. 

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