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6 avril 2017

A la recherche du 16 magnum (partie II) : les Ets Kerné à Versailles

Souvent lié au 16 Magnum, une munition sensiblement rare, les   « fusils Kerné » ont gardé une part de mystère désormais éclairci. Leur qualité d’exécution fait qu’on en trouve encore souvent sur le Net où de vieux prospectus faisant état d’une gamme « Armor » laissaient clairement entendre qu’ils étaient…bretons ! Or, de plus amples recherches se mirent à parler  de Versailles…mais c’est bien  quand même « au pays des chapeaux ronds » que nous avons finalement résolu cette petite énigme armurière.

magasin 001

 

Léon Querné (1907-1985), le nom de l’entreprise se celtisera  pour des raisons commerciales en Kerné dès sa fondation  en 1932, rue Thiers à Vannes, était le fils de Charles Querné (1883-1970) d’une lignée d’armuriers lavallois. Formé à Liège, avec son épouse plus un compagnon armurier, il formalise dès 1933 le concept avant-gardiste pour l’époque et breveté deux ans plus tard, de « fusil Kerné » léger et sur mesure sur des bases stéphanoises. Il pratique déjà une conformation précise aux dimensions des clients, et notamment des joues anti-recul en liège qui anticipent un peu notre busc réglable actuel. Il fait aussi déjà des juxtaposés de tous calibres en magnum (16-20-24), à frette renforcée et ouverture à système Roux et levier sous le pontet (comme Sauer und Sohn en Thuringe) dont la qualité fait qu’ils arrivent encore en nombre jusqu’à nous…et provoquent toujours l’étonnement des internautes.

JM 001

Mais tenant bien son idée du « fusil Kerné » à succès, il est contraint de déménager en région parisienne dès  mai 1937 à Versailles, 42 rue Carnot, les liaisons Paris-St-Etienne étant assurément plus faciles qu’à partir de Vannes. Il travaille régulièrement avec Roullier-Beaume,  4 bis rue Badouillère, à St-Etienne, mais aussi la myriade d’armuriers stéphanois à façon dans tous les corps de métier (marcheurs, monteurs en bois, canonniers, basculeurs…) qui permettaient à l’époque, tout comme à Liège d’ailleurs, de faire des petites séries d’une cinquantaine d’armes, toutes personnalisables à la demande. Sa fille, Marie-Thérèse Moreau-Querné, à qui nous devons toutes ces précieuses indications se souvenant parfaitement juste après- guerre, où elle commença à travailler dans l’entreprise familiale, des sorties « au bois » avec sa mère, à St-Etienne qui devaient moins aux besoins de grand air ou de préoccupations bucoliques…qu’au choix minutieux des ébauches allant servir plus tard de crosses voire pour suivre les commandes lancées de Versailles !

le fusil kerné 001

Le succès aidant, bien secondé par un fidèle compagnon armurier M. Gilbert, 43 ans de présence dans l’entreprise, elle déménagea en février 1949 place Hoche, et en 1956, rue des Etats- Généraux, toujours à Versailles. C’est à ce moment que germa l’idée de développer un 20 magnum, associé à une cartoucherie performante issue également de l’entreprise, domaine de Suzanne Querné actionnant inlassablement le sertisseur à bourres grasses roses et blanches ou les récalcitrantes bourres Iris qu’il fallait replier à la main. L’idée était de capter la « belle clientèle » de la capitale, celle qui aimait se différencier avec des fusils fins et légers dans les battues de haut-vol  à la plume en région parisienne. Des armes qui dégageaient une marge plus importante, créneau déjà occupé par Callens et Modé, Gastinne-Renette, Hubert Antoine, avenue de Suffren.

superp

De là, coula de source l’idée, dans le même esprit de passer au 16 Magnum qui, ne l’oublions pas à l’époque était le fusil de base de toute la chasse française. D’origine provinciale, l’entreprise avait conservé la clientèle bretonne de passage à Paris rameutée par de la pub dans des petites revues de chasse armoricaines, mais aussi alsacienne. Et cette montée en gamme disons plus « populaire » dopa la demande dans une époque où rappelons-le, il était encore possible dans un esprit qui n’a plus cours aujourd’hui où il ne s’agit que de vendre des armes toutes faites, d’ajuster la demande, et de suivre la clientèle dans un après-vente où tout était possible. L’activité de l’entreprise était intense : ouverte 7 jours sur 7 de 8 h à 20 h pour s’arrêter seulement le dimanche à midi.

ecusson kerne 001

Le catalogue des « fusils Kerné » des années 50 dont nous parlerons bientôt montre qu’on pouvait tout faire : des séries « Armor » les plus simples, aux séries Luxe faisant appel aux canonniers les plus réputés de l’époque : Jean et Claude Breuil, Heurtier, Fanget. Il s’agissait d’Anson classiques à triple fermeture, mais il existait aussi des contre-platines à faux corps, voire des platines de type Holland-Holland, venant de chez  Jean Lucquet, meilleur ouvrier de France. La décoration de ces armes d’exception étant confiée pour la gravure à bouquets anglais à Lange, et pour les personnages dont un célèbre « Tristan et Iseut » à Léon Gadoud (1908-1974) également MOF. A Bruxelles, l’armurerie Christophe (1) ne fonctionnait pas autrement mais cette fois avec, à la fabrication les liégeois les plus fameux de l’époque,  notamment Cordy et Bury.

Jean-Louis Rouanet, fameux armurier stéphanois dont l’atelier est au service de ses confrères y fit à partir d’août 1982, à 17 ans son apprentissage. Nanti d’un CAP de tourneur-fraiseur-ajusteur à Béziers, puis son CAP d’armurier à St-Etienne, il  y fit, c’est le cas de le dire, ses premières armes : « j’avais certes des notions, mais il fallait véritablement apprendre à travailler, et pour le jeune homme que j’étais  c’était une époque formidable : on passait de l’atelier à la clientèle, fallait de la polyvalence, de l’esprit d’initiative dans une période où démarrait par exemple l’archerie, et sur une grande échelle, le tir aux pigeons d’argile ».

Léon Querné avait cédé à ses enfants Marie-Thérèse et Jean Moreau (mariés en 1953) la co-gérance en 1971, puis la gérance libre en 1974, l’entreprise comptait alors 5 salariés au moment de l’importante mutation de l’armurerie et de la chasse française. Le marché européen s’ouvrit à une production notamment italienne pléthorique en matière d’armes, de munitions, la généralisation du superposé popularisé par le ball-trap, et l’avènement total du calibre 12. Le 16 s’estompa peu à peu du paysage, alors le 16 Magnum ! Le décès de Léon Querné en 1985, précéda de peu celle de son gendre Jean Moreau en 1986, et en mai 1987, l’entreprise dut fermer, le volume de l’affaire ne permettant pas une reprise par les confrères parisiens escomptant en faire une simple succursale.

JLR

Reste le souvenir d’armes françaises d’excellent niveau : un « fusil Kerné » classique en bon état se négocie autour de 1500 euros, et même 3500 pour les rares superposés en 20 et en 24 Magnum, dont un bel exemplaire se trouve encore au musée de la chasse de Gien. Et dans la fidélité à ce souvenir, et à celui de ses jeunes années, notons que l’ancien apprenti J.L.Rouanet désormais devenu un maître dans sa partie n’oublie jamais de venir saluer son ancienne patronne lorsque, de passage dans les landes bretonnes, il traque la mordorée…avec bien sûr un « fusil Kerné » en 20 magnum ! On le voit ci-contre à droite, en compagnie de Mme Moreau qui nous présente une belle arme de la production familiale marquée à ses initiales.

Dans le prochain envoi, nous conclurons ce dossier en feuilletant le catalogue de l’entreprise…en 1953 !

 

 

1/ Fondée en 1819, fournisseurs de S.M. le Roi des Pays-Bas, puis après 1830 sous Léopold curieusement « fournisseurs brevetés de la SM la Reine d’Angleterre »  que l’on vit en vitrine jusqu’en 1937. Cette armurerie prit son essor en 1847 avec H.Mangeot au 11, galerie de la Reine jusqu’en 1861 où elle fusionna avec la maison Montigny avenue de Paris, sa veuve épousa H.Christophe, l’entreprise se poursuivant avec son fils Louis, aidé du chef d’atelier Martin Fransquet pour devenir la principale armurerie de Bruxelles. Ces fusils « Christophe » sont considérés comme « secondes signatures » dans la nomenclature de l’occasion…un titre que mériterait assurément le « fusil Kerné »dans notre pays.  

 

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