Faut-il tirer vite ?

Ping, le renard a pointé son museau, j’ai épaulé et tiré trop vite et il est parti avec le coup de fusil : « la queue ne compte pas » dit l’adage. Faut-il tirer vite ou non ? La question se pose souvent, et parfois même l’expérience liée à l’âge aidant il n’est pas toujours facile de se faire une religion…

Les grands auteurs ne sont pas tous d’accord, un récent (« la chasse aux canards » de J.Brochet) : « le siffleur est instable, turbulent et bruyant. Avec lui il faut tirer rapidement. Attendre le groupement revient souvent à voir partir les beaux oiseaux avant de pouvoir tirer ». Mais Deyeux, c’est vrai il y a bien longtemps, et pour un autre gibier, estimait le contraire : « le tireur précipité peut obtenir de grands succès à l’ouverture des chasses en jetant son coup sur le gibier qui part de près, mais il tue rarement et il tuera mal plus tard quand la perdrix a toutes ses plumes et part de loin » !

Au faisan lancé, on revient au « calcul » de notre enfance celui des trains qui se courent après, et des problèmes de robinets qui ont fait le cauchemar  de tant de petits écoliers : « sachant qu’une cartouche sort de la bouche du fusil à 380 m/s et qu’elle perd 1% à chaque mètre parcouru, quelle chance a-t-on d’atteindre, par vent dans le dos de 20 km/h, un faisan lancé en travers à 40 km/h, aperçu par un chasseur  à 30 m. de lui, et sachant qu’il n’a plus que 10 m pour le tirer avec une bonne chance de succès ? ». C'est là, la question qu'elle est bonne hein ? aurait pu dire le regretté Coluche !

C’est finalement là où nous voulons en venir : un tir rapide, si possible de trois cartouches avec un semi-auto sera-t-il plus efficient qu’un seul coup bien porté ? Examinons d’abord la vitesse des semi-autos. De ce côté, certains records récents laissent pantois et vous trouverez facilement les vidéos correspondantes sur le Net. Le SX4 Winchester  tient la rampe avec deux records douze cartouches par un tireur canadien sans rien viser en 1,4 seconde, réduit à néant par Raniero Testa pulvérisant ce qui est bien plus difficile encore, un paquet de 13 plateaux lancés par lui-même à la main en 1,6 seconde ! Là aussi un petit calcul rapide montre qu’on a tiré quasiment à la vitesse d’un pistolet mitrailleur en full auto, tirant 800 coups/minute : divisé par 60, ça donne 1,3 seconde ! Et le tireur italien a donc dû, lui, en plus appuyer treize fois sur la détente…

Sur les sites anglo-saxons, où le SX4 lutte avec le Maxus de chez Browning on s’étonne de trouver à la 3è place seulement le Benelli SBE inertiel, qui a moins de pièces mécaniques en mouvement, devant l’Auto 5 et un autre emprunt de gaz le Remington 1100. Mais tirer très vite, ça sert à quoi sinon se fier un peu trop à la masse de plomb employé, plutôt que prendre son temps à bien viser ? Il semble bien donc qu’il s’agit d’un seul argument marketing, car même sur les pas de tir, la rapidité n’est que rarement employée sinon pour épauler, ce qui exige bonne mise en conformité et confort.

A la chasse où il est bien difficile, comme au pas de tir, de bien régler ses gestes, un vieux chasseur à qui nous posions la question résumait bien l’enjeu : « le pifomètre à 80 %, et pour le reste le métier et l’avance qu’on arrive à  gérer avec l’âge, voire le coup de pot qui suit derrière pour mettre la pièce au carnier ». Deyeux ne disait pas autre chose voici 150 ans : « le jeune chasseur tire, le vieux mire »… Morale de l’histoire : vaut mieux bien viser avec un seul coup qui porte  que tirer vite…dans le vide !