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20 mars 2020

Autour de l'Auto 5 : 1966-1971, la malédiction dite "des bois salés" !

Le feuilleton Auto 5 se poursuit sur une « maladie » qui l’a moins touché certes que les superposés, mais dont on parle encore cinquante ans après…

1968, c’est un peu pour Browning « l’annus horribilis » qu’a subi quatre ans plus tôt son concurrent Winchester (1), car des problèmes fiscaux récurrents sont concomitants d’une forte demande aux USA des descendants du superposé B.25 né lui aussi, du cerveau fertile de JMB.

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Sont surtout concernées les armes de grades supérieurs porteurs d’une plus forte valeur ajoutée, et ça coince au niveau des bois, le séchage habituel étant trop lent pour fournir la clientèle, et accélérer la marche des fours augmenterait le risque de fragilisation, et de fissures. En 1965, la marque s’est donc emparée d’un brevet (Morton Salt) de séchage au sel, bien plus rapide, semblant parfaitement concorder avec une forte disponibilité à bas prix de bois issus de campagnes d’élagage massif, lié au passage de lignes électriques dans les forêts de Californie. Malheureusement, ce procédé qui fonctionne sans anicroche pour l’ameublement va se retrouver particulièrement dirimant pour les armes.

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Il faut en effet imaginer sur des surfaces grandes comme un terrain de foot, des piles de bois couvertes de sel à hauteur d’homme dont l’effet est à la fois graduel, aléatoire et particulièrement pernicieux dans le temps car si les « blancs » au sommet peuvent s’en tirer un peu mieux, ceux du bas, qui baignent dans la saumure sont de véritables bombes à retardement en matière de corrosion. Le bois sèche effectivement en apparence, mais relâche peu à peu le sel dans les bascules et longuesses, ce qui ne peut faire bon ménage à la longue avec le métal constituant une arme.

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Comme dans « les animaux malades de la peste », toute la production, avant que tout soit mis au feu en 1972 (2), sera plus ou moins atteinte chez Browning, mais aussi dans une moindre mesure Ruger, Winchester (modèle 21), Weatherby. Il en sera moins question pour ces dernières firmes d’envergure plus restreinte, et sur un secteur plus marginal comme les petites carabines 22 LR, de moindre prix, et de ce fait, moins susceptibles de revenir immédiatement en garantie. On en parlera donc moins que Browning, qui sera victime, de ce côté, de sa politique de garantie à vie des armes de haut niveau, le gros centre de service après-vente de St-Louis (Missouri) étant vite débordé. Pendant dix ans, les armes neuves seront ipso facto remplacées, celles d’occasion où le « mal » pouvait se découvrir plus tard étant pris en charge par l’usine, mais en facturant avant retour avec un délai parfois extensible. Toute la production était concernée, particulièrement les superposés haut de gamme, les carabines T-Bolt de la ligne Safari, et en ce qui concerne l’esprit de nos articles sur le Browning Auto 5, particulièrement le modèle commémoratif « deux millionième » produit à 2500 exemplaires de 1971 à 1974. Il s’agissait encore de haut niveau livré dans une mallette cuir (voir ci-dessus et plus bas) avec livret historique, motif floral léger rehaussé par le buste et la signature or de John Moses Browning et guidon en ivoire.

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Chez nous, l’affaire ne fut connue en son temps, que des spécialistes car à la fin des sixties, l’industrie stéphanoise était encore bien présente sur le marché hexagonal du superposé où l’Italie faisait également son entrée en force avec le ball-trap et la vogue naissante des semi-automatiques commençant à reléguer l’Auto 5 au rang de « fusil de Papa ». La carabine B.A.R. très présente ensuite dans le créneau de la battue au même moment ne fut pas touchée par ce fléau car montée avec du noyer… (cocorico !) français, sa ligne de fabrication étant en outre moins sous pression que celle des superposés. Le livre faisant autorité dans ce domaine (The Browning Superposed de Ned Schwing, 1996), citant Val Browning lui-même estime que 90% des stocks furent affectés sur 1967-1969 et de moins en moins ensuite, mais sans lever véritablement le doute.

Le mal était particulièrement sournois et variable : seul le devant pouvait être affecté et non la crosse, ou invisible sous le bois avant démontage complet arrivant le plus souvent fort tard sur un superposé, peu susceptible de casse et d’être « ouvert » dans sa première décennie d’emploi. Votre arme pouvait en être exempte quand celle d’un numéro de série suivant chez le voisin, être particulièrement « salée »…comme bien sûr, la note des réparations à venir si vous ne pouviez prouver être le premier acheteur !  Le site spécialisé d’Art Isaacson (voir son site internet avec pas mal de belles vidéos, hélas en anglais) conseillait tout bonnement de se débarrasser des crosses « infectées », que l’on peut détecter déjà en ouvrant le fusil… (pour constater amèrement les dégâts !), ou plus simplement en dévissant la plaque de couche où les vis, rouillées, donnent déjà une indication. Le plus sûr étant le test au nitrate d’argent qui, de bleu clair, devient laiteux si le sel, comme le ver dans le fruit, est dedans…

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Malgré l’ingéniosité des chasseurs US, bien plus frottés à la culture armurière et bricoleurs que nous autres sur un coin d’établi au fond du garage, rien n’y fit : potions magiques à l’époxy, au polyéthylène glycol, aux vernis spéciaux (pour les cannes à pêche et coques de bateaux), les plus facétieux proposant même de les faire dessaler dans deux eaux comme la morue, ou bouillir comme les patates ! Cinquante ans plus tard, c’est surtout sur le marché de l’occasion américain que toutes les armes de cette époque sont, pour le moins suspectes, et dévalorisées. Le phénomène mobilise à lui seul trois pages internet sur leurs sites, preuve s’il en est de l’ampleur de la « pandémie », mot particulièrement à la mode de nos jours.... Elles souffrent non seulement des préjugés, mais aussi d’une époque où, mondialisation naissante aidant, toutes les grandes marques avaient également réduit leur niveau de production.

1/ Voir notre archive du 24 décembre 2019 « 1964, année-charnière de la mondialisation armurière » et bien sûr, l’envoi précédent sur les armes Nikko.  

2/ Le pire étant que certains lots touchés, ayant été oubliés dans la tourmente purent servir encore au compte-goutte, et de bonne foi par certains armuriers, par exemple sur des bris de crosses, et prolonger le doute bien après cette sombre période. Aux USA, tous les bois jusqu’aux alentours des années 80 sont suspects…

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