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23 avril 2020

Calibres militaires et chasse : cent ans de fusils "coloniaux"

L’apothéose eût sans doute lieu en 1936 où le nouveau M.A.S. s’en vint bousculer un méli-mélo où on trouvait les vieux Lebel encore aux mains des « territoriaux » en mai 40, les Berthier (chez les CRS de mai 68 !) et des tas de carabines « Rival », Lebel « Africain », et autres « Grasset » qui traînaient à droite et à gauche. Comme à Tataouine on pouvait dire, aux colonies, « joyeux fait ton fourbi, pas vu, pas pris »…quand l’occupant y mit un terme. Et malgré la timide tentative de Jean Fournier et le 7X54 portant son nom, à l’ère naissante du safari mondialisé, la « french touch » de l’armurerie française fut largement éclipsée par la vague lancée par Hemingway, Robert Ruark (1) et tant d’autres.

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Un sentiment, à déjà recadrer car au temps de « l’Empire » il n’y eût jamais de notion, si purement anglo-saxonne de « sport » ou de fair-play dans la chasse telle qu’elle était pratiquée dans ces contrées lointaines. Elle était purement fonctionnelle et pratique, et c’est ce qui explique que les modèles « réglementaires » ou issus de cette filière, eurent toujours la faveur des « colons ». Si on manquait de cartouches, il suffisait d’aller au « poste » le plus proche où les braves « marsouins » et « bigors » (2) pouvaient toujours vous dépanner.

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Le Lebel « Africain » illustrait parfaitement cette tendance (1904-1913) étant au diapason du fameux « tarif album » de la Manu, connu de toutes les recrues, surtout grâce à sa balle « D » au coefficient balistique presque actuel. La Manu n’avait certes pas trop d’œillères car s’ouvrant déjà à la concurrence étrangère (Winchester 86-92-94-95, Marlin, Savage) et même aux express, mais en raison des droits de douanes exorbitants, et de l’ambiance nationaliste du moment orchestrée par Paul Déroulède (« ils n’auront pas l’Alsace et la Lorraine, etc. »), savait jouer de la fibre tricolore. De 4, 18 kg en modèle réglementaire, le Lebel passa à 3,55 kg en version carabine (à canon de 65 (7 coups) et 3,3 kg en version mousqueton (6 coups) .Il avait perdu plein d’accessoires, dont la hausse « de guerre » remplacée par des planchettes 100-200-300 m. bien suffisantes pour tirer les lions et les buffles !

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Dans l’affaire, la Manu, profita aussi de l’aubaine, car en 1903, l’Etat qui lorgnait vers Berthier, récupéra pièces et machines pour rentabiliser l’affaire, et même se mettre au goût du jour, celui de l’ambiance « Nitro » des poudres sans fumée qui sonnait à l’oreille, tant « british » en cette période d’entente cordiale, pour proposer le 455 Grasset (1900) en réactualisant l’antique 11 mm Gras de la guerre de 1870, mais cette fois pour les poudres pyroxilées ! C’était certes, auparavant, la matrice du 8 mm Lebel, mais pour un 11 mm (11X59 R) pompeusement baptisé 455 Nitro, mais se heurtant toujours au même problème : celui  du magasin tubulaire, pour des munitions bien plus grosses . On était proche avec une balle de 300 grains (19,44 grammes) de la balle des mitrailleuse Hotchkiss  et Vickers anti ballons de la première guerre mondiale, et surtout pour nous autres chasseurs, du 405 Winchester (3) popularisé par Teddy Roosevelt.

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La Manu, fort pragmatique n’avait cependant pas raté, contrairement à notre état-major, sans doute trop polarisé par l’affaire Dreyfus naissante, au passage la proposition Daudeteau (2), concurrent malheureux de l’option Lebel qui, autour de 1885 intéressa beaucoup de monde (Portugal, Roumanie, Chine, Chili, Espagne, Japon). Seul le petit état du San Salvador (15000 armes) opta pour une version dans un petit calibre précurseur de 6,5 mm fabriqué par la Société Française des armes portatives de St-Denis en région parisienne. Son boitier-magasin, et ses petits calibres rapides de 6 à 8 mm, se prêtaient bien plus à des adaptations rapides et efficaces pour les colonies, que le long boitier tubulaire du Lebel, et il fut vite proposé avec la carabine « Rival » en 6,6 et 8 mm, mais aussi dans les évidents 303 British et 405 Winchester. A noter également dans cette période l’apparition des premières lunettes « Mignon » X2,5 (ci-dessous) permettant d’affiner la visée.

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Pour rien arranger dans la compréhension de l’affaire, il ne faut pas oublier qu’en 1887, la commission de l’artillerie avait chargé le général Gallifet de plancher sur une version allégée (pas plus de 3,6 kg) du Lebel où l’Ecole Normale de Tir avait radicalement proposé (abandon de l’affaire en 1890) de simplement couper le canon, avant que le dossier ne rebondisse vraiment qu’en 1935 et la proposition du « mousqueton d’artillerie et de cavalerie »…modifié 93-35 !

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André Berthier de l’atelier de Puteaux s’était inspiré du chargeur rotatif Mannlicher (1888) pour lui faire tirer 26 coups en 1 minute trente contre 21 au Lebel, ce qui aboutit à partir de 1890 à une filière prolixe, parallèle au Lebel quasiment, on va le voir, jusqu’en 1948 !  En rappelant que 1890 est la date où l’Allemagne adopta le Mauser 98 pour ne plus le quitter sur 50 ans, la France face au « Lebel » qui était l’arme du « Poilu » par excellence, mit en place une dizaine de déclinaisons (4) qui, bien sûr, eurent leurs conséquences au niveau « colonial ». Face aux Lebels « africains », en 1920, on vit des Berthier en 8X50 R (ci-contre à d.) aux mains de chasseurs professionnels décimer les éléphants de l’AOF avec la bénédiction de l’administration, sans obérer la pléthore de calibres anciens en action sur place. Cette arme presque « moderne » se faisait en 6,5X 53, en 8X53 SR Rival-Mimard, l’étui et les performances, du 8X50 R étant proches du Mosin 7,62X54 R de la seconde guerre mondiale que tout le monde connait.

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Là-dedans, l’arrivée en 1936 du Mas 36 ne régla pas trop la pagaille ambiante car destiné à pallier à la filière Lebel-Berthier qui tenait le haut du pavé depuis 50 ans, il ne s’imposa vraiment jamais. C’était un 7X54 observé sur les lacunes du fusil-mitrailleur Chauchat après-guerre (1924), devant fournir une composante simplifiée (65 pièces) et pas trop chère à produire. Ce « Mauser à la française » trop tôt prêt pour l’Indochine, fit ce qu’il put en Algérie, mais fut néanmoins adapté à la chasse par un armurier savoyard dans l’immédiat après-guerre, face au méchant « Mauser allemand » (7,92X57). La M.A.S. dépendant de l’Etat qui, en plus, du fait de l’occupation victorieuse (5) pouvait tout se permettre crut pouvoir profiter de la situation quand, en 1950-51 on fit remarquer que l’Etat ne pouvait ainsi concurrencer le privé, l’armurier Jean Fournier d’Annecy récupéra la mise. Il se concocta son « wildcat » en 7X54, sans que ça débouche vraiment aux fins fonds de l’ AOF (Afrique Occidentale Française) bientôt promise par le général de Gaulle, aux indépendances. Les surplus en Mausers étaient faciles à customiser, et le calibre 7X57 Mauser assez proche balistiquement bénéficiait d'un demi-siècle d'antériorité,  lui-même popularisé par les « vedettes » anglo-saxonnes du safari naissant comme Karamojo Bell, Pondoro Taylor et tant d’autres.

1/Voir archive du 28 février 2020.

2/Infanterie et artillerie des troupes coloniales.

3/Voir archive du 7 janvier 2020.

4/1890 c’est rappelons-le l’année où l’Allemagne adopte le 98K. Le Berthier obéit à une logique de « carabine de cavalerie » pour dragons, hussards, chasseurs à cheval et tringlots devant disposer d’une arme courte, en principe sans baïonnette jusqu’en 1915 quand tous ces régiments « démontés » finiront dans les tranchées. Nous aurons bientôt, dans un prochain article, l'occasion de revenir sur cette prolifique série. 

5/ C’est de là que furent issus les fameux boitiers longs « Brevex » servant de base à de prestigieux magnums artisanaux après-guerre. Voir notre archive du 26 mai 2016.

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