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25 avril 2020

1750-1850 : les "rifles" de la conquête de l'Ouest

Pour nous autres peu au fait de l’Histoire américaine, ce seraient le Colt ou la Winchester, alors que cette épopée était quasiment terminée ! Sur presque un siècle (1750-1850) ce furent d’autres armes qui ont façonné le destin de cette jeune nation et lui ont donné cette âme si particulière née de l’esprit de la « frontière » et sous le signe de la « Destinée manifeste » (1) poussant ce nouveau peuple en avant. Il faut le connaître pour comprendre même ce qui se passe de nos jours dans ce grand pays.

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L’économie de la fourrure, les guerres d’indépendance contre la Grande-Bretagne, le Mexique, les Indiens, ont fait se démarquer l’armurerie US naissante de ses influences apportées d’Europe. Les besoins furent d’entrée autres que ceux de gentilhommes campagnards britanniques, et des militaires pourtant omniprésents. Les « fusils de traite », du commerce avec les tribus sauvages aux limites de la civilisation étaient des « muskets » lisses au besoin raccourcis, suffisants pour la subsistance, et tirer de près, chargés soit à grenaille, soit à balle franche lestée de quelques chevrotines pour faire bon poids. On les a vus aux mains de la fameuse expédition Lewis-Clark en 1804-1806 (2). Mais très vite ils furent concurrencés vers 1750 par le Pennsylvania rifle (ci-dessus à g.)  une arme imitée des Jaegers allemands, prébiscitée par les chasseurs professionnels, caractérisée par un canon très long (48 pouces : 1,21 m) dans un petit (pour l’époque !) calibre de 30 très profondément rayé. C’était une des caractéristiques de la poudre noire d’encrasser massivement, au point de ne plus pouvoir refouler à fond sans nettoyer souvent, et cette disposition avec l’emploi de balles calepinées (3) augmentait la pression, la vitesse, la précision tout en permettant d’emmener plus de balles. On atteignait les 333 m/s, en triplant presque la distance de tir précis qui pouvait atteindre 300 yards.

kentucky pedersoli

La seconde génération dite du « Kentucky rifle » (à dr. version actuelle Pedersoli) était une version simplifiée à la demande des Indiens qui se lassaient des fusils de traite, dont le nom fut popularisé par le fameux roman de Fenimore Cooper (1826) « le dernier des Mohicans », et l’armurier John Dicken. On retrouvait les atouts de la formule d’armes profondément rayées, le seul problème du rechargement un peu plus long (un à deux coups à la minute contre trois au « musket »), étant comblé par la pratique (4). Dans le même temps, à partir de 1780 se développa, presque à part du fait de cette région isolée à l’Est du Tenessee et Nord de la Géorgie, le « Southern mountain rifle » ou « Tenessee rifle » ou encore « black rifle » (du fait de la couleur particulièrement sombre des crosses) qui tenait encore plus compte des usages locaux et des premiers enseignements des combats de la guerre d’Indépendance.

southern mountain

Cette région à l’écart faisait face depuis 1700 à des Indiens hostiles, il fallait une arme particulière pour la défense et la chasse dans une région giboyeuse, et une cinquantaine d’armuriers, le plus souvent d’origine écossaise cultivaient l’art du « riflage » à partir du minerai local extrait dans la chaîne du Cumberland à l’Ouest des Appalaches. La famille de William Russel Bean, réussit à maintenir cette tradition de fusils robustes (ci-contre à g.), simples, faciles à réparer chez le forgeron du coin, et c’est elle qui fournit (1769) le fusil du fameux guide et explorateur Daniel Boone (ci-dessous à g.). Les Kentucky rifles étaient chers, la Pennsylvanie loin, et cette arme bouleversa aussi par ses caractéristiques, la technique des combats, inspirant celle des futurs « tirailleurs ».

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Sa pente était accentuée pour dégager plus vite la ligne de tir, les canons pouvaient s’allonger jusqu’à 60 pouces (près de 1,50m), ce qui obligeait à tirer caché derrière les frondaisons, bien calé sur la fourche d’un arbre, tout en étant précis à plus de 200 mètres face à des fantassins britanniques en tunique rouge qui pratiquaient encore le tir de ligne ! Ils firent donc des ravages sur les officiers, les artilleurs, les convois. Cette arme vit aussi la naissance d’une variété importante d’alésages directement influencés par la chasse : 32 à 35 pour les écureuils et les ratons-laveurs (rappelez-vous le fameux chapeau de Davy Crockett), 40 pour le « gobbler » (dindon sauvage), 45 le whitetail, et 50-55 l’ours.

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L’arrivée de la percussion en 1830 conserva ces caractéristiques en accentuant le caractère « big game » lié à un gibier massif, le bison, intensément chassé pour soutenir la poussée des colons et la construction du chemin de fer naissant, avec le « fusil des plaines » ou Hawken, du nom de deux frères qui avaient été formés à l’arsenal de Harpers Ferry (West Virginia) et arrivèrent Jake en 1818, et Samuel en 1825 à St-Louis (Missouri). A raison de 200 armes par an, ils impulsèrent le style poursuivi après eux jusqu’en 1900 par leur successeur J.P.Gemmer, du  fusil emblématique des ruées vers l’or (1840-1850) et de l’ouverture épique, de la piste de Santa Fe (1847). Il s’agissait de fusils extrêmement solides et élaborés valant six fois le prix d’une arme de traite, bien plus maniables et courts (canons de 33 -36 : 91 cm quand même), utilisés par des « mountainmen » célèbres. Le Californien Seth Kinman, lorsqu’il alla rencontrer en 1864 Abraham Lincoln à la Maison Blanche pour lui offrir…une chaise faite de bois d’élan lui montra son fusil en lequel le président reconnut ceux de son enfance. Ce fut aussi avec son Hawken que le fameux pisteur Thomas Tate Tobin (tout en bas à dr.) mit fin à la cavale sanglante du gang Espinosa qui fit 32 morts entre mars et octobre 1864 dans le Colorado.

kinman

Contrairement à ce qu’on pourrait croire chez nous où la bande dessinée a trop cantonné le « fusil de cow-boy » à la Winchester 94 et au Colt Peacemaker, aux USA le culte des armes originelles de la conquête de l’Ouest fut entretenu dès 1850 donc bien avant ces armes de facture moderne puisqu’elles perdurent encore de nos jours par de nombreux auteurs à succès : Horace Kephard (1896), James Severn (1940-50), Charles Hanson (1960). Les manifestations du Centenaire leur firent la part belle, la fondation de la National Muzzleloading Rifle Association (1933) donnant un cadre bien plus dynamique que chez nous à la pratique du tir à la poudre noire. Au-delà du folklore « old west », on chasse toujours là-bas avec des armes qui tiennent compte d’une éthique particulière : tirer moins, plus près, avec des qualités d’observation et d’approche se rapprochant des archers.

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1/Concept formalisé en 1845, le Bon Dieu permettant de justifier l’expansion continentale…au détriment des premiers occupants !

2/Voir notre archive du 4 février 2019 sur cette première expédition permettant de relier les deux océans, grâce d’ailleurs à l’aide d’une jeune indienne servant de guide…

3/Il s’agit de balles enrobées de tissu, de papier, permettant l’étanchéité et la meilleure prise de rayures de balles forcées.

4/ Voir à ce sujet notre archive du 27 juin 2019, consacrée à Lewis Wetzel « le vent de la mort de l’Ohio » qui, poursuivi par des Indiens en voulant à son scalp, parvenait tout en courant, à les éliminer un à un. Il bourrait d’un trait de poire à poudre, tapait la crosse contre le sol sans s’arrêter, et crachait une balle dissimulée dans sa bouche, par le canon, pour se retourner subitement, et fusiller l’assaillant à bout portant !

 

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