Jagdhut : le chapeau de chasse germanique

Pays de tradition de chasse différente de la nôtre (1), le vêtement et en particulier le chapeau jouent un rôle important pour nos voisins d’Outre-Rhin. La manière de le porter n’est jamais anodine. En laine, feutre, malléable il allie le confort et la fonctionnalité : il cale confortablement la tête au poste, donne une ombre portée sur l’ovale du visage, abrite du froid et des ondées, sa fonctionnalité part de loin.

Le dreispitz de Souabe est issu du tricorne européen du XVIIIè qu’on relevait à droite ou à gauche, et qui perdit peu à peu ses grands bords dans les territoires du Nord, peu ensoleillés. A la fin du XIXè, sous l’influence de grands personnages comme le prince Pless, grand maître des chasses de deux empereurs se développa le Fürst Pless en gris (chasse devant soi) ou vert (forêt), en loden, en velours, en fourrure, adopté par le Konprinz. Plus au Sud, l’empereur François-Joseph et plus tard le roi d’Angleterre Edouard VIII qui chassait en Styrie firent connaître le typique Sepplhut tyrolien, en feutre de laine et forme de cloche, que l’on peut façonner à son goût et décorer de multiples façons à la chasse comme au tir, au sein à partir de 1870 des Schützengildes populaires dans toute la Bavière et le Haut-Palatinat.

On y dispute avec des armes spéciales anciennes, le tir à l’oiseau issu de l’époque où était permis le tir des aigles, prédateurs des troupeaux. Ces confréries de Feuerbixlers décernent des prix, des broches et aiguilles, et sont proches du milieu des chasseurs dont le Jagdbrauchtum (culture et traditions de chasse) codifie l’emploi et l’usage : grandeln bordé ou canines supérieures de cerf (2), plumes de geai, ou dans tout le secteur alpin (Autriche et Bavière) le « gamsbart » en poils bas du cou de chamois, ornement au départ uniquement masculin. Ci-dessous un dreispitz orné des grandeln et du gamsbart.

A la chasse, on utilise aussi souvent la casquette bashlyk à oreilles rabattables, (ci-dessous) mais très connotée militaire ou administrations (postiers et cheminots entre autres), mais le chapeau est beaucoup plus chargé en symboles : vert à ruban gris des forestiers côté gauche relevé, gris à ruban vert des chasseurs professionnels, gardes (Jagdaufseher) côté droit replié dans la tradition militaire, notamment des anciens grenadiers pour ne pas le perdre dans ce geste ample, ou le lancer en l’air pendant l’Empire à l’occasion des hourras !

Lors des honneurs rendus au gibier, le couvre-chef se tient main gauche quand la puissance invitante vous remet le « bruch » ou brisée et qu’on vous dit : « prenez mon ami cette brisée, bouclier d’honneur du chasseur qui protège et chérit le gibier, chasse avec dignité comme il se doit, et honore le Créateur dans toutes ses créatures ». Le salut traditionnel des chasseurs « Weidmannsheil » est conclu d’un « Weidmannsdank » ou merci, on remet son chapeau, on sonne hallali, et selon la tradition on boit un verre de schnaps (ou de la fameuse liqueur bien nommée Jägermeister ! )…dans un canon de fusil ! La brisée se porte à droite, une seule journée, et si le gibier a été retrouvé suite à la recherche au sang, le chien y a également droit.

La brisée ne se porte à gauche qu’à la St-Hubert (3 novembre), lors des commémorations, rassemblements autres que purement cynégétiques, et notamment aux obsèques où le feuillage (de sapin où c’est plus visible) est tourné vers l’extérieur. Tout comme les sonneurs, les chasseurs en formation, et même deux chiens (seulement si le défunt est un maître de meute) sont permis dans la cohorte des amis qui reste couverte à l’église. On ôte le chapeau aux bénédictions, à la mise en terre où on sonne hallali et « auf wiedersehen », et le bruch rejoint la tombe.

1/Voir nos archives des 7 février 2020 (dressing code, barbour ou loden), 27 novembre 2016 (la chasse allemande), 9 décembre 2016 (politesse et courtoisie à la chasse).

2/Utilisé comme bijou depuis le Paléolithique, plus il est sombre, plus il est précieux, notamment issu des cerfs d’altitude du fait de leur alimentation qui colore l’ivoire.