Les "trois tiers" du chevreuil

Voici qu’arrive bientôt la nouvelle année : les plans de chasse sont bien avancés, premier « petit »…des grands gibiers, le chevreuil souple et tout terrain a dépassé depuis plusieurs années le statut des promesses d’avenir. Il est le gage de la structuration des sociétés communales (1), inscrit dans le paysage et une règle des « trois tiers » (jeune, femelle adulte, brocard) prévu pour éviter de prélever trop de reproducteurs, mais pas toujours facile à bien cerner.

Tout d’abord, c’est une espèce discrète, pas si facile que ça à estimer, et dont la gestion risque de se faire au pifomètre, surtout depuis que les obstacles administratifs, notamment sur les comptages aux phares (pour des raisons d’assurances auto en cas d’accident) se sont accumulés. La fameuse règle part déjà d’une hypothèse spécieuse, celle qu’il y aurait dans la Nature un mâle pour une femelle, ce que tout habitué des battues peut largement contester. Les brocards sont plus tirés à cause, prosaïquement de leur masse plus importante, éventuellement des trophées l’été, et aux battues, tout bonnement parce que, coiffés, ils sont immédiatement faciles à identifier.

Les femelles sont inconsciemment respectées, et plus encore après janvier quand elles sont grosses. A regarder autour de nous, on se rend compte que si le taux de réalisation fait la rue Michel en mâles, il est parfois moins rigoureux en femelles et en jeunes, avec un risque de déséquilibre : le taux d’accroissement est erratique, avec plus de petits formats, signe de surdensité. Quel schéma idéal ? Pour une petite société sous la barre des dix bracelets et sans tir d’été prélevant impérativement des brocards, en début de saison où on lève beaucoup d’animaux dans les maïs, il faudrait exclusivement tirer ces derniers. Bien coiffés, faciles à identifier cela permettrait d’impérativement épargner les chevrettes car même si les chevrillards sont sevrés à l’automne, l’apport en lait maternel peut être appréciable si le froid arrive vite, malgré le réchauffement climatique constaté.

Vers le 11 novembre, la perte des bois qui ne se refont qu’en janvier inclinerait à tirer plutôt les jeunes, là aussi, parce qu’ils sont, du fait de leur moindre format, facilement identifiables. En début d’année, après les Rois, et le plan de chasse théoriquement bien avancé, les brocards se démarquent encore avec leurs bois en velours des femelles et des chevrillards enfin indépendants, mais plus proches en gabarit des autres et confusion toujours possible. Ce n’est que si le plan de chasse n’est pas fait qu’il faudrait alors, vraiment en désespoir de cause, tirer chevrettes et petits chevrillards, en bref tout ce qui n’est pas coiffé.

Le chevreuil avec son régime alimentaire exigeant et sélectif, contrairement aux autres cervidés, ne fait pas de réserves, et s’il est abondant un moment, la situation n’est jamais vraiment acquise, et le développement rapide dans notre Bocage du sanglier n’est pas, pour lui, une bonne nouvelle car il est parfois prédateur des faons, et surtout il impose dans les sociétés de chasse une nouvelle dynamique. Plus de calendrier stable de battues classiques, mais des inopinées au pied levé qui finissent par « harceler » sans cesse le territoire déjà foulé aussi par les chiens d’arrêt bécassiers. L’avenir de ce gibier attachant et stable se jouera sur cet équilibre qui sera aussi celui des sociétés autour desquelles s’est constituée depuis vingt ans, une dynamique autre que les simples lâchers de « cocottes » qui faisaient le train-train des chasses dominicales avant qu’il ne pointe le bout de son joli museau.

1/ Voir notre archive du 26 octobre 2020.